Autopsie d’un repas du dimanche - Caribou

Autopsie d’un repas du dimanche

Publié le

17 septembre 2017

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Dans le cadre de La Grande Table, ce festival axé sur l’identité culinaire québécoise et présenté aux Jardins de Métis pour la deuxième année, Michel Lambert a décortiqué le brunch et les symboles qui y sont associés. Tout concordait! La prestation artistique intitulée La Grande Messe, le repas dominical, les convives endimanchés, les plats alléchants. Texte et photos d’Hélène Raymond Brunch, ce mot-valise fait de breakfast et de lunch est passé dans notre vocabulaire. Son origine remonterait aussi loin qu’au XIXe siècle, en Angleterre. Ce repas, qui en combine deux, reflète bien la dichotomie de notre mode de vie. Alternance de semaines au rythme effréné et de fins de semaine qui servent à recharger les batteries. Il facilite le farniente matinal et les longues discussions d’après-midi. Et, si l'on a fait bombance, même le souper s'en trouve allégé. Comme si toute la journée portait son empreinte. Depuis le début du millénaire, Michel Lambert scrute à la loupe nos habitudes alimentaires. Il a colligé récits et recettes dans toutes les régions du Québec. Il a lu bon nombre de livres de cuisine et d’ouvrages spécialisés. Il s’est donné pour mission de protéger les savoirs et surtout, de les transmettre. Pour l’auteur de L’histoire de la cuisine familiale du Québec, on retrouve dans le fait de bruncher des liens avec le repas familial du dimanche midi. Celui de l’époque des églises bondées. Rituel vécu au retour d’un autre rite: celui de la grande messe dominicale. Le jeûne qui précédait la communion mettait en appétit et, en rentrant à la maison, la table était dressée, la nappe pressée, mère et filles avaient mis «les petits plats dans les grands». Le dimanche était le jour consacré au Seigneur. Et, en quelque sorte, à la famille. Le rythme ralentissait, les cultivateurs soignaient leurs animaux, mais n’allaient pas au champ. C'était jour de grand repos. Celui où Maria Chapdelaine et François Paradis échangent leurs serments, dans cette journée bleue, décrite dans le roman de Louis Hémon.
Pour en savoir plus sur Michel Lambert et sa démarche, relisez le portrait qu’a dressé de lui la journaliste Catherine Girouard dans le premier numéro de Caribou, Les origines.
En parlant de ce dîner, souvent devancé pour débuter dès le retour de l’église, Michel Lambert explique: «Ce repas a beaucoup d'importance, au plan symbolique. Dans la culture européenne, c'est la journée de la lumière et du soleil, on le met en opposition à cette vie rude, quasiment de misère, vécue tout au long de la semaine. Le dimanche, on mangeait du pain blanc, les six autres jours, du pain noir. La crème, c’était aussi pour le dimanche.» Dans les menus de ce repas québécois, il perçoit l’héritage des cultures qu’il qualifie de fondatrices: «le porc des Celtes; les œufs de la tradition gréco-romaine; le sucre, comme le café et les épices venus des Arabes; le lait et ses produits dérivés, des ancêtres normands.» [gallery size="large" type="rectangular" ids="2872,2869,2868,2871"] À Métis, le 17 septembre, les chefs Pierre-Olivier Ferry et Guillaume Cantin ont travaillé avec Michel Lambert pour concevoir le menu brunch dominical. Le pain blanc de Charles Létang, boulanger de Saint-Roch-des-Aulnaies, accompagnait les rillettes de maquereau aux herbes: «héritage des Écossais», précise Lambert. Ils ont marié porc et canard dans la recette de cretons. Pour rappeler la proximité du fleuve, ils sont partis cueillir des plantes marines pour les ajouter à l’omelette. Une «salade de bord de porte» ornait l’assiette. Pour montrer que chez les Acadiens, on n’avait qu’à franchir quelques pas pour accéder au potager et composer une salade. En cueillant ce qui nous tombait sous la main. En présentant le «gâteau aux pommes de la sauvagesse», il raconte avoir vu une synthèse des influences abénaquise, française et anglaise. Dénichée plusieurs années auparavant, lors de recherches dans les archives du cégep de Gaspé, cette recette est un des exemples de tous ces échanges qui ont eu cours un peu partout sur le territoire. Et ce n’était qu’un des trois desserts de ce jour-là. Pour rappeler que la table débordait, jusqu’à la toute fin du repas. Les chefs racontent qu’à partir de l’inépuisable banque de recettes, constituée par Michel Lambert, ils ont eu l’embarras du choix. Guillaume Cantin confie: «C’est une bible inestimable, un homme d’une grande humilité qui nous permet de découvrir ces recettes du passé, pour les mettre au goût du jour.» Les temps ont changé. Nous ne sommes plus en mode survivance. Qu’il s’agisse du brunch d’aujourd’hui ou du dîner traditionnel du dimanche, ces repas qui facilitent la rencontre n’ont rien perdu de leur pertinence. Et c’est ce que célèbre ce festival, tout en nous rappelant d’où nous venons
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