Personnalité Caribou 2017: Dominique Dufour rallie les femmes chefs de Montréal - Caribou

Personnalité Caribou 2017: Dominique Dufour rallie les femmes chefs de Montréal

Publié le

19 décembre 2017

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Où sont les femmes chefs à Montréal? C’est la question que s’est posée Dominique Dufour à son retour de Toronto où elle a travaillé pendant plusieurs années dans des brigades menées par des femmes. Souhaitant échanger avec d’autres femmes en cuisine vivant les mêmes réalités qu’elle et voulant mettre ces dernières de l’avant, la chef des restaurants Ludger et Magdalena a créé le groupe Les femmes chefs de Montréal. Parce qu’elle est à la tête d’un mouvement mobilisateur pour les chefs de sexe féminin dans un milieu très masculin, né durant une année charnière pour l’affirmation des femmes, Dominique Dufour est la personnalité de l’année Caribou 2017. Texte et photos de Geneviève Vézina-Montplaisir Il a fallu quelques années avant que Dominique Dufour décide de faire le grand saut en cuisine. Longtemps, travailler en restauration n’avait été pour elle qu’une façon de payer ses études. Déménagée dans l’Ouest canadien à 19 ans afin d’assouvir sa passion pour la planche à neige, elle y était représentante pour des compagnies de vêtements de snowboard l’hiver, et oeuvrait derrière les fourneaux l’été. «Un jour, un ami m’a dit: "T’es toujours heureuse quand tu vas travailler en cuisine, et tu l’es beaucoup moins quand tu vas vendre des vêtements. C’est pas ça que tu devrais faire dans la vie?"», se souvient Dominique Dufour, assise au bar du Ludger, à Saint-Henri, où nous la rencontrons lors de la première tempête de l’année. La jeune cuisinière décide alors de suivre le conseil de son ami et fait ses classes à Vancouver pendant les Jeux olympiques de 2010. Elle décide ensuite de «faire le move pour vrai» et s’inscrit en cuisine au Collège George Brown de Toronto. «J’ai ensuite travaillé pendant trois ans pour le groupe Icone Legacy qui possède plusieurs restaurants à Toronto dont le Byblos, le Storys, le Patria. J’ai occupé plusieurs postes dans différents établissements, et les chefs des brigades dans lesquelles j’ai travaillé ont toujours été des femmes, explique la pétillante trentenaire. Il y avait une communauté très vivante de femmes chefs à Toronto. Elles organisaient beaucoup d’événements comme Eat to the Beat, rassemblant des femmes chefs et des femmes DJ pour ramasser des fonds pour la recherche sur le cancer du sein.» Dur retour en ville À son retour à Montréal à la fin de l’été 2016, après quelques mois passés à travailler au Yukon, Dominique constate que les filles qui officient en cuisine sont peu nombreuses dans la métropole et qu’il n’y existe pas une communauté tissée serrée comme celle de Toronto. «J’ai rencontré Stéphanie Audet, la chef du resto LOV dans un événement de La Tablée des Chefs, et ensuite, il s’est passé un mois au complet sans que je ne rencontre une autre femme chef dans un événement! Je me suis dit, si elles ne viennent pas à toi, vas à elles! J’ai contacté Stéphanie pour lui parler de mon idée de faire des événements avec des femmes chefs et pendant un lunch, on a tenté de bâtir une liste de noms et on est arrivé à quatre! se rappelle-t-elle. On s’est alors mises à faire aller nos contacts via les réseaux sociaux pour faire connaître notre projet et on a réussi à faire augmenter le nombre!» Le mouvement Les femmes chefs de Montréal était né et son tout premier événement a eu lieu le 23 juillet 2017 alors que le public était invité à goûter à la cuisine de Dominique et de Stéphanie. «Les gars chefs s’invitent souvent entre eux à faire des soupers dans leur restaurant, se promeuvent l’un l’autre, s’entraident. Je me suis demandée pourquoi les femmes ne feraient pas la même chose? raconte Dominique. Pourquoi on ne se mettrait pas en valeur l’une l’autre, pourquoi on ne ferait pas nous aussi des événements tellement intéressants que les gens n’auraient pas le choix de venir découvrir notre cuisine et pourraient avoir une expérience humaine avec nous? Ils apprendraient ainsi à reconnaître la cuisine d’une telle et à découvrir la belle personnalité d’une autre.»
«J’admire les femmes chefs pour leur beauté, pour leur créativité, et pour leur dévouement. Ça me donne des frissons d’en parler car elles m’impressionnent, chacune d’entre elles pour des raisons différentes. Je les trouve tellement pleine de vie et ça se goûte dans leur cuisine!»
Les quatre événements que Les femmes chefs de Montréal ont tenus cette année n’ont pas seulement servis à faire la promotion de la cuisine faite par des femmes, ils ont également permis aux participantes d’échanger entre elles sur les difficultés du métier. «Un des buts en créant le groupe était aussi d’avoir un système de support, explique la chef entre deux gorgées de café. De pouvoir échanger avec des femmes qui sont au même niveau que toi dans leur carrière, qui se posent les mêmes questions que toi, ça permet de te sentir moins seule. Éventuellement, on aimerait aussi développer certaines ressources pour que les femmes puissent, par exemple, être capable de demeurer dans le milieu, de vivre leur passion, tout en ayant une famille.» Prendre sa destinée en main Quand on questionne Dominique sur le côté féministe de sa démarche, la principale intéressée tient à spécifier que Les femmes chefs de Montréal n’a pas été pensé comme un mouvement militant, mais elle espère néanmoins qu’il pourra à sa façon faire tomber le double standard et les stéréotypes qui font la vie dure aux femmes chefs. «Est-ce que je me sens moins prise au sérieux dans une cuisine parce que je suis une femme? Non! Est-ce que je me sens moins représentée parce que je suis une femme? Oui!» s’enflamme-t-elle. «Au Québec, Anne Desjardins, Colombe St-Pierre, Marie-Fleur St-Pierre, Graziella Battista, Helena Loureiro sont des femmes qui ont fait leur nom en cuisine, mais elles ne sont pas aussi reconnues à l’international que Martin Picard et Chuck Hugues. Cela dit, la solution pour faire changer les choses nous appartient. C’est à nous d’organiser des événements pour se faire voir au lieu de seulement se plaindre qu’on n’est pas représentées. C’est à nous de montrer que les femmes font aussi de la grande gastronomie et qu’elles ne sont pas que prédestinées à des postes en pâtisserie ou à faire de la cuisine réconfortante.» Le travail pour faire changer les perceptions envers les femmes chefs est loin d’être terminé, mais Dominique a confiance en l’avenir. Les femmes chefs de Montréal se préparent à entamer l’année 2018 avec enthousiasme. Le 5 février, au Centre Phi, elles participeront à un grand cocktail dînatoire dans le cadre de l’événement Women with knives, mettant en vedette la chef slovène Ana Ros et la québécoise Colombe St-Pierre. Pour connaître leurs prochains événements en 2018, consultez leur page Facebook.
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