Carte blanche à Hélène Raymond - Caribou

Carte blanche à Hélène Raymond

Publié le

30 août 2016

publicité
Cher Caribou, Je t’ai salué à la toute fin de ta première édition. Tes concepteurs m’avaient demandé de signer le billet de clôture du magazine. J’étais heureuse de m’associer à l’aventure en t’adressant mes voeux de bonne et longue vie. Aujourd’hui, je le suis encore plus. Parce que l’équipe me propose une collaboration web. Carte blanche, m’a-t-on assurée. Un cadeau. Je m’adresse donc à toi de cette manière pour la dernière fois. Ce sera notre façon de marquer le passage. Mes prochains billets prendront le ton du reportage comme celui du commentaire. Je te promets de continuer d’apprendre pour te surprendre. Depuis l’automne 2014 et bientôt cinq numéros, tu as mûri, fait ta place dans le paysage québécois, gagné tes lettres de noblesse auprès de la presse, évité le piège du foodisme (ça, on y reviendra). Tu remportes même des prix. Chapeau! Et survivre dans ce contexte de déprime où on en vient à penser qu’il faut être suicidaire pour miser sur le papier à l’ère du virtuel demande de l’audace et un brin de folie. J’aime l’audace et la folie. L’audace parce qu’elle permet les risques calculés et la folie, parce qu’elle pimente la vie et qu’elle n’est pas forcément synonyme de joie. Depuis un quart de siècle, je suis en contact quasi quotidien avec des gens qui conjuguent les deux et misent tout dans leur projet. En commençant par y investir ce qui semble nous manquer à tous: du temps. Tout leur temps. Ils cumulent des emplois, additionnent vies de famille et professionnelle, investissent leurs économies, travaillent d’arrache-pied pour exprimer leur volonté de nous nourrir. Certains y laissent leurs amours, leur argent, des amis. D’autres franchissent les étapes une à une sans s’arrêter. S’accordant de temps à autre une pause pour souffler et se rappeler d’où ils viennent, avant de repartir. Ce ne sont pas des superhéros! Mais des gens qui vont à contre-courant. À la marge du mouvement dominant. Apprendre au jour le jour, retenir les leçons, flairer le marché, tout ça fait partie de leur ADN. Ces gens-là, je suis allée les dénicher partout. Ici et ailleurs. Hiver comme été, j’ai pris le téléphone pour les entendre ou la route pour aller à leur rencontre. Je les ai vus dans leur étable, leurs champs, sur les quais, dans les ateliers de transformation, à leur table de cuisine où ils se sont livrés, généreusement. Sont ancrés pour toujours dans ma mémoire, des voix, des regards, des poignées de main. Dans leur voix: la détermination comme la fragilité; dans leur regard: l’audace comme la timidité; dans toutes ces poignées de main: la sincérité et le travail qui donnent cette force unique. Des heures de labeur, imprimées jusqu’au bout des doigts. J’ai souvenir d’une soirée d’hiver au Témiscamingue où je n’arrivais pas à trouver ma route, même sous un ciel constellé d’étoiles. Trop fatiguée sans doute. De cette tempête entre Amos et Val d’Or, où, privée de repères, je m’inquiétais de ne pas rejoindre Françoise Kayler à temps. De ce jour de décembre où, en Gaspésie, la route, la mer et les caps ne faisaient qu’un. Tout était gris acier. Je me rappelle de ces paysages émouvants qui vous donnent envie d’arrêter pour respirer. Si j’ai quelquefois perdu mes repères géographiques, je n’ai jamais hésité à partir pour apprendre et comprendre. La solitude de la route imprime les souvenirs et les saisons. La chaleur de l’accueil grave les histoires au fond du cœur. Nous voyagerons ensemble Caribou. Au cœur des villes, comme en ces endroits de démesure, nous irons aux nouvelles pour créer des ponts entre une histoire d’ici et une autre du bout du monde. Nous tisserons des fils le long des sentiers de notre forêt boréale ou au bord de notre grand fleuve. Pour donner une voix à ces hommes et ces femmes qui ont tant à dire et qui, d’une réflexion sage, transforment votre journée. Je suis heureuse de retrouver la route. Et sache que je me m’accorde le privilège du recul, la joie d’autres découvertes et la liberté d’écrire sans attaches. À très bientôt Caribou! Hélène Raymond

*** Hélène Raymond écrira à tous les mois sur le site de Caribou. En attendant la prochaine chronique, vous pouvez la suivre sur son blogue, ainsi que sur Twitter.

publicité

Plus de contenu pour vous nourrir