Apprendre la traite, l’abattage et la boucherie pour plus d’autonomie

Pour Dominic Lamontagne et sa conjointe Amélie Dion, l’autonomie alimentaire passe entre autres par l’élevage de poulets et de chèvres laitières, ainsi que par la cueillette de plantes et de champignons. Sur leur terre forestière de Sainte-Lucie-des-Laurentides, ils ont développé un modèle d’agriculture à échelle humaine, aux antipodes de celui prescrit et régit par l’Union des producteurs agricoles (UPA). Cet été, ils partageront leur expérience dans des ateliers où l’abattage et la boucherie de coqs à chair sont notamment au programme – une première au Québec! Caribou s’est entretenu avec l’auteur de La ferme impossible sur cette proposition hors normes.

Un texte de Geneviève Vézina-Montplaisir
Photos d’En pleine gueule

Quelle est l’idée derrière vos ateliers?

Dans La ferme impossible, j’explique à quel point c’est difficile d’avoir une petite fermette pluriproductrice au Québec, et j’expose les limites de la pratique d’une agriculture artisanale causées par la législation du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et par le pouvoir de l’UPA. En écrivant ce livre, j’ai voulu intéresser les gens à cet enjeu. Les ateliers sont une autre façon de les sensibiliser à un modèle d’agriculture différent de ceux encouragés par l’État. On a fait le pari que si on intéressait les gens à l’élevage et à l’abattage de poulets, par exemple, ils auraient la piqûre et pourraient nous aider à mettre de la pression sur le gouvernement pour que les choses changent. On veut montrer qu’il est possible et facile d’élever des poulets, de les transformer et de les vendre sur la ferme. Au Québec, tu peux le faire pour ta consommation personnelle, mais tu ne peux pas abattre et transformer sur ta ferme pour vendre ton produit ensuite. Il y a aussi autour de ces pratiques des savoirs artisanaux en voie de disparition qui doivent être transmis.

«On n’a pas le droit de produire? On va enseigner notre savoir alors!» –Dominic Lamontagne

Comment sont construits vos ateliers?

En avant-midi, on visite toutes nos installations et on montre comment on se nourrit dans la famille. Les gens constatent qu’on n’achète pas de lait quand notre chèvre est lactante, qu’on n’achète plus de légumes, plus d’œufs et plus de poulets. À l’heure du midi, on se fait un gros snack avec tous nos produits maison: pain, beurre, mayonnaise, œufs, fromage de chèvre, rillettes de magret de canard, mousse de foie de volaille et thé du labrador glacé au sirop d’érable (de nos érables). On va chercher les gens par la panse! On veut leur faire goûter ce qu’ils peuvent reproduire chez eux. Après le lunch, les gens sont répartis dans le groupe de leur choix pour aller explorer soit la volaille, la chèvre laitière ou les plantes et champignons comestibles en forêt.

Dans le volet «volaille» de vos ateliers, les gens ont l’opportunité de pratiquer l’abattage et la boucherie d’un coq à chair. Pourquoi leur permettre de vivre cette expérience?

On peut apprendre la théorie sur le web, mais il n’y a rien comme la pratique. En vivant ce moment, tu deviens beaucoup plus respectueux de la viande que tu manges. Les gens vont voir que la saignée, c’est extrêmement serein. Il n’y a pas d’hystérie et de cri, car c’est fait à petite échelle. L’échaudage, le plumage et l’éviscération sont aussi faits de façon beaucoup plus propre que les gens le pensent. Chaque participant aura son poulet à abattre et à transformer. Les gens ne pourront pas repartir avec, par contre. Au Québec, on peut élever 99 poulets et en faire la boucherie à la ferme, mais seulement pour une consommation personnelle. Pour arriver à en vivre avec les fermes d’élevage industriel, il faut en avoir 36 000. La législation est dangereusement étouffante et on espère que de développer des savoir-faire revigorera l’intérêt des gens à cette question.

Vos ateliers se nomment Autonomie alimentaire en milieux forestiers. Qu’est-ce que ça représente pour vous l’autonomie alimentaire?

Pour moi, il s’agit de la seule et unique façon de savoir vraiment ce que l’on mange et de se familiariser avec la chaîne de production alimentaire. Mais ça se fait par étapes. J’invite les gens à commencer par choisir une chose qu’ils n’achèteront plus. On peut commencer par exemple par le pain; une fois qu’on a intégré sa fabrication dans notre mode de vie, on peut essayer autre chose!

À qui s’adresse vos ateliers?

Ils s’adressent à tout le monde, autant aux citadins qu’à ceux qui pensent se lancer en agriculture artisanale. En ville, tu peux maintenant avoir des poulets et tu peux faire de la présure de fromage avec du lait de chèvre acheté à l’épicerie. Tu peux prendre ta voiture pour aller faire de la cueillette. Ce sont des ateliers qui vont plus loin dans la pratique que ce qui est présentement offert sur le marché, tout en demeurant accessibles.

Intéressé par ces ateliers? Inscrivez-vous!

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Vous souhaitez en apprendre plus sur la vision de Dominic Lamontagne sur l’agriculture québécoise? Lisez Le fermier impossible, une entrevue faite sur la route avec lui parue dans le numéro 3, Tabous.