Autour des chefs gravitent de nombreux travailleurs dont on parle peu mais qui se dédient eux aussi à la restauration. Parmi eux, il y a les commis de salle qui coordonnent le travail des serveurs et des cuisiniers.
Texte et photos de Lauren Magot
Si votre plat de saumon-pistache arrive à la bonne température à votre table, c’est grâce à lui. Nous retrouvons Olivier Maltais au Café Cherrier, où il travaille en tant que commis de salle, parallèlement à ses études en littérature comparée. Comme beaucoup d’employés de service en restauration, Olivier se cherchait un travail «alimentaire» un été. Arrivé par hasard au restaurant de la rue Saint-Denis, à Montréal, c’est pour des raisons bien précises qu’il y est toujours, deux ans plus tard.
C’est dans cette institution montréalaise, où règne intemporalité et respect des traditions culinaires, qu’Olivier nous éclaire sur ce métier, qui ne consiste pas simplement à apporter des assiettes sur les tables…
Défini différemment selon les types de restaurant et le niveau hiérarchique des employés, le métier de commis de salle, également appelés suiteurs, s’apparente à celui d’un «relationniste entre la salle et la cuisine», comme le décrit mon interlocuteur.
Le commis est l’employé qui fait le lien entre chaque intervenant: du serveur au cuisinier, en passant par le plongeur qui lui fournit le matériel de travail dont il a besoin. Finalement, en communiquant avec l’hôtesse, qui lui indiquera le nombre de réservations, il pourra préparer sa mise en place pour le quart de travail à venir jusqu’à faire le lien aussi avec les clients.
Au Café Cherrier, son travail ressemble aussi à celui des busboy: en tant qu’aide serveur/barman, c’est lui qui est en charge des tâches de nettoyage et d’entretien du restaurant pendant son service.
Un travail d’équipe
Mais sous ses apparences de simple exécutant, le métier de commis requiert pourtant énormément de concentration et de professionnalisme: «Si tu fais bien ton travail, les serveurs auront des ustensiles propres et à disposition, et tu seras prêt pour faire sortir rapidement les assiettes de la cuisine pour les apporter sur les tables, explique Olivier. Quand il y a un rush, tout le monde s’active en mode gestion de crise: le commis doit avoir de la suite dans les idées pour en même temps apporter les assiettes chaudes sur les tables, se rappeler que des clients à la table 16 souhaitent du vinaigre et du ketchup, que la cliente à la 34 a fait tomber sa fourchette par terre, tout en jouant le messager entre le chef et les serveurs qui doivent savoir qu’il n’y a plus de poisson du jour. Ça nécessite une présence physique et mentale incroyable! Il faut avoir une capacité à endurer le stress, et surtout, cette fébrilité ne doit pas paraitre devant les clients!».
Olivier souligne aussi que de manière générale, en restauration, le côté humain est essentiel. Comme à bord d’un navire, l’esprit d’équipe est primordial: le capitaine et ses matelots doivent avoir les reins solides pour faire avancer le bateau, mais surtout savoir faire preuve d’un grand esprit d’équipe.
«La compréhension du travail des autres permet une harmonie, et ça se ressent dans chaque aspect du restaurant.»
«Certains employés travaillent ici depuis que le restaurant a ouvert ses portes, il y a 35 ans. Il y a aussi les clients, les habitués, qui savent qu’ils retrouveront cette cohésion dans la qualité des plats et du service. Cela créé une atmosphère unique, et une belle ambiance de travail!» souligne le commis de 26 ans.
Même s’il n’entretient pas avec les clients une relation aussi étroite que le font les serveurs, Olivier me raconte qu’avec le temps, il a appris à les connaître. Tout en conservant son professionnalisme et sa courtoisie, il a même développé des affinités avec certains d’entre eux, des habitués qui aiment venir au Cherrier depuis plusieurs années!
Arrivé dans le milieu de la restauration pour financer ses études en littérature, Olivier trouve son équilibre entre ces deux activités qui requièrent chacune leur dose de concentration… l’adrénaline et le dépassement de soi réunis. Et c’est grâce à une référence littéraire qu’il m’explique sa vision du travail:
«Dans L’être et le néant, Jean-Paul Sartre invoque la figure du garçon de café: il dit qu’il joue un rôle; tout cela n’est pas vraiment lui, c’est une mise en situation théâtrale, avec chaque jour, une nouvelle représentation.»
Avec du recul, Olivier sait qu’il a énormément appris et se trouve chanceux de vivre cette expérience au Café Cherrier qui développe ses aptitudes relationnelles. Un atout sur lequel il sait qu’il pourra s’appuyer dans le futur. Après ses études, ce futur Jack London se voit d’ailleurs voyager, et aller donner des cours de français au Mexique. Parions que ce job lui aura été bien plus qu’alimentaire…