Profession empoisonneur? - Caribou

Profession empoisonneur?

Publié le

28 février 2019

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Glyphosate, pesticides, pollution et conspiration agricole sont d’actualité ces dernières semaines. «Oh bo boy», on s’est fait brasser! Arrêtez! Il n’y a plus de pommes dans le pommier! J’ai beau être fait fort, mais là, je sens que je vais casser en deux. La pression du presto monte en flèche. Je me sens moche, je me sens poche.

Un texte de Paul Caplette
Agriculteur et collaborateur au Bulletin des agriculteurs

Ce qui fait le plus mal, c’est de se sentir attaqué personnellement. Je me sens mal compris, accusé d’empoisonneur dans le seul but de faire du profit. J’ai l’impression que monsieur madame tout le monde semble en connaître plus que moi sur ma profession. Certains nous interpellent de façon blessante à l’occasion. J’ai le goût de leur dire: coudon, viens donc cultiver à ma place. Mes terres sont à louer, cibole! Je suis en rogne! Je me sauve sur la montagne pour respirer un peu.

Une fois de retour, je regarde les reportages et j’ai quelques fois l’impression qu’il manque un côté à la médaille. En fait, je trouve ça positif l’histoire du blé qui contient du glyphosate. Si ça prend ça pour réveiller nos clients québécois! Depuis le temps qu’ils boudent notre blé en nous disant que celui de l’Ouest canadien est tellement uniforme, beau et surtout compétitif au niveau du prix. You ou! Ça fait plus de 30 ans qu’on fait du blé pour alimentation humaine sans utiliser de glyphosate en prérécolte. Depuis le temps que je fais la promotion d’ajouter des surfaces de blé dans nos systèmes de rotation. Voilà enfin une occasion en or de nous démarquer. On pourrait commercialiser du blé sans glyphosate.

Certains semblent croire qu’on applique des pesticides par ignorance ou insouciance. Quand ma conserverie m’informe qu’on doit traiter notre champ de petits pois verts trois jours avant la récolte avec un insecticide. Pourquoi? Il y a un certain insecte qu’on doit détruire parce qu’il risque de se retrouver dans la canne de conserve. Je comprends qu’il n’y a aucun consommateur qui veut manger des bibittes avec ses petits pois. Alors, je leur demande comment ils font avec leurs petits pois bio? Eurêka, ils ont trouvé une façon de les éliminer autrement. Hein? Alors pourquoi je dois traiter les miens? Qu’est-ce qui arrive si je décide de ne pas traiter? On ne récoltera pas ton champ! Ça, ça me met en rogne.

Je pourrais vous raconter l’histoire des cornichons qu’on produisait sans herbicide dans les années 1990. Nos clients n’arrêtaient pas de nous dire qu’on était trop dispendieux par rapport aux cornichons venant des États-Unis. Mais eux traitaient avec des pesticides interdits au Canada. Retrouver 2 microgrammes de glyphosate dans l’eau, c’est déjà trop, j’en conviens, mais si on se compare à l’Ontario qui se retrouve dans la zone 10 à 15 microgrammes par litre et les États-Unis avec plus de 200 microgrammes par litre, je me dis qu’à se comparer on se console.

Non, je ne m’assoirai pas là-dessus sans rien faire… Je fais partie du projet pilote sur la réduction des pesticides avec plus de 125 agriculteurs qui cultivent environ 25 000 hectares (ha) en culture. Excitant de réaliser que nous sommes plusieurs à avoir atteint l’objectif à atteindre sur trois ans dès la première année. Selon une étude, nous utilisons 1,6 kg/ha de pesticides au Canada versus 3,6 kg/ha en France. Si on continue de s’améliorer, on pourrait faire partie du groupe des plus efficaces.

Les pays qui consomment le plus de pesticides. Source : Infogram.com

Certains souhaitent qu’on élimine tous les pesticides. Bio pour tous! Ah ouin? Je suis prêt, mais attends une minute par exemple. Il faut que ça fonctionne pour tout le monde des deux côtés de la clôture. On parle d’un projet de société.

Si la population nous supporte, ça va fonctionner. Un Québec vert où on pourrait s’alimenter de produits certifiés bio Québec seulement. Pas de remplacement par des certifications nébuleuses d’importation. On mange ce qu’on produit ici et si la saison nous donne une qualité moindre une année, on fait comme nos grands-parents. On s’organise avec ce qu’on a! C’est ça l’achat local!

Toute la restauration rapide bio, les épiceries, les restaurants, pas de passe-droit! Fini les pizzas garnies de faux fromage à l’huile de palme. Plus de déversement d’égout des villes dans les cours d’eau en prétendant que ce n’est pas si pire. On veut un Québec propre. Fini l’épandage des boues urbaines qui contiennent de l’AMPA (glyphosate) sur nos sols. Les citadins pourront alors les épandre dans leurs propres jardins, jardins communautaires et terrassements.

C’est un raisonnement caricatural, mais on s’entend qu’on a tous du travail à faire! Justement, on y travaille et les résultats seront surprenants. Le risque zéro n’existe pas et je dois mieux gérer ces risques avec un sol en santé, un meilleur dépistage, des rotations stratégiques, des équipements modifiés… Probablement que de nouveaux équipements pourront nous permettre d’utiliser encore moins de pesticides. C’est notre objectif. Demain, je participe à une journée sur l’agriculture biologique parce qu’il y a sûrement des choses que je peux retenir de leurs techniques et les transposer sur notre ferme. Alors, pour ceux qui ne sont pas agriculteurs et qui liront ce texte, S.V.P. encouragez-nous et soyez assuré qu’on fait de notre mieux pour vous nourrir sainement. Question de fierté: Profession agriculteur!

Ce texte est paru le 26 février 2019 sur le site web du Bulletin des agriculteurs, un magazine québécois qui traite des tendances et des innovations en matière de cultures, d'élevages et de machinisme agricole depuis plus de 100 ans.

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