Le grincement de dents de Catherine Lefebvre: pour l’amour du vrai goût! - Caribou

Le grincement de dents de Catherine Lefebvre: pour l’amour du vrai goût!

Publié le

13 mai 2019

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La nutritionniste et rédactrice Catherine Lefebvre s'est donnée corps et âme dans la deuxième édition de son essai Sucre, vérités et conséquences, paru au printemps 2019 chez Edito. L'auteure grince des dents quand elle constate une des conséquences du sucre: bon nombre de consommateurs ne savent plus reconnaître le vrai goût des aliments. Pour elle, le sucre est aussi le prétexte tout indiqué pour mettre en lumière ce qui ne tourne pas rond dans le système alimentaire aujourd'hui, en commençant par le détachement que nous avons envers le côté humain de certains aliments. Texte de Julie Aubé Le sucre est dans toutes les cuisines. Il est «banal». Pourtant, son histoire est loin de l'être. Pourquoi trouves-tu important d'y porter un regard? On s’intéresse de plus en plus à la provenance des aliments, à la traçabilité des poissons et fruits de mer et au bien-être animal. Et c’est tant mieux! Mais le bien-être humain, lui, est encore trop souvent ignoré. Bien qu’on consomme du sucre tous les jours, qu’on le veuille ou non, quand on en achète un kilo à l’épicerie, on pense rarement aux travailleurs qui se cachent derrière cet ingrédient.  Pourtant, la culture de la canne à sucre est intimement liée à l’histoire de l’esclavage. Même s’il a été «aboli», pour produire en masse et vendre à bas prix, il faut couper dans les coûts de production laissant au passage des conséquences indéniables sur l’environnement et sur la qualité de vie des travailleurs.  Payer dignement les gens qui nous nourrissent augmente souvent le prix des aliments. Et nous ne sommes pas toujours prêts à payer le juste prix. Pas parce que nous sommes complètement insensibles, mais plutôt parce qu’on nous a habitués à payer nos aliments le moins cher possible. Mais si les aliments avaient plus de valeur à nos yeux, aurions-nous moins tendance à les gaspiller?
«Le bien-être humain est encore trop souvent ignoré. Bien qu’on consomme du sucre tous les jours, qu’on le veuille ou non, quand on en achète un kilo à l’épicerie, on pense rarement aux travailleurs qui se cachent derrière cet ingrédient.»
Ton livre aborde la santé humaine, mais aussi – surtout! – la santé de la planète. Qu'as-tu découvert à ce sujet en lien avec le sucre? En posant un regard sur la production massive de canne à sucre – la première grande monoculture dans l’histoire de l’agriculture –, cela nous amène à réfléchir à ce modèle agricole qui n’a aucun sens et qui prend beaucoup trop de place dans l’alimentation en général. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) a d’ailleurs décrit la canne à sucre comme étant la plante qui a le plus nui à la biodiversité dans l'histoire.  Peu importe la culture, la production massive a quelque chose d’insensé. Elle dégrade la qualité des sols, utilise des intrants chimiques de manière à contrôler la nature et ne tient généralement pas compte des effets à long terme  sur la biodiversité.  Dans le cas du sucre, il faut aussi tenir compte des produits auxquels il est ajouté. Au-delà de celui que nous achetons pour cuisiner ou adoucir notre café, le sucre se retrouve principalement dans les aliments ultra-transformés et les boissons sucrées. Son acolyte alimentaire est certainement le sirop de glucose-fructose, fait à partir de maïs-grain, la même espèce utilisée pour alimenter le bétail. Au Québec, 85% du maïs-grain est modifié génétiquement, selon les données de Vigilence OGM. En bref, les deux principales sources de sucre dans nos vies ont un impact environnemental notable, en plus d’altérer le vrai goût des aliments de façon franchement préoccupante.  Le sucre a donc des «conséquences» humaines et environnementales... Malgré cela, il rime avec douceur, saveur, confort. Comment concilier conscience et plaisir de manger? On parle souvent des conséquences d’une surconsommation de sucre par rapport à la santé cardiovasculaire, au diabète de type 2 ou à l’obésité. Ces enjeux sont réels et inquiétants d’un point de vue de santé publique. Mais c’est surtout l’impact sur le goût qui me tracasse. Si un enfant – période à laquelle les papilles sont très sensibles aux nouvelles saveurs – s’hydrate avec des boissons sucrées (jus de fruits, boissons gazeuses ou énergisantes) et mange des aliments ultra-transformés sur une base régulière, son palais sera altéré. Après quoi, une pomme est acide, un légume vert est trop amer et l’eau, c’est plate.  Les enfants et plusieurs parents ont tout à gagner à (re)découvrir le vrai goût des aliments. Évidemment, quand on cuisine avec des ingrédients de qualité, en saison et à leur meilleur, c’est savoureux! Pas besoin de les saturer de sucre, de sel ou de ketchup pour qu’ils goûtent quelque chose. Dans un monde idéal, les vrais aliments, locaux aussi souvent que possible, devraient être plus accessibles à tous, à l’année! Pour que les choses changent dans notre société, il est impératif que de nouvelles politiques soient mises en place pour faire en sorte que notre environnement soit favorable aux saines habitudes de vie. Et d’ici là, comme le dit l’anthropologue Margaret Mead: «Ne doutez jamais du fait qu’un petit groupe de citoyens avertis et engagés peut changer le monde!» Sucre: vérités et conséquences Édito
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