Dans la tête d'un survivaliste - Caribou

Dans la tête d’un survivaliste

Publié le

24 mars 2020

kit de survivaliste
publicité

Des spaghettis garnis de sauce en conserve avec une bouteille d’eau, ou alors une salade de trèfles blancs et pissenlits accompagnée d’une eau infusée au sapin baumier? Voilà des menus assez différents l’un de l’autre... Pourtant, ce sont des exemples de repas que pourraient s’offrir deux survivalistes du Québec.

Texte et photos d’Anne-Marie Luca

Guerres mondiales et guerre froide, bombes atomiques et nucléaires, crise économique: ces événements du XXe siècle ont marqué la population mondiale, provoquant la naissance du mouvement survivaliste. Le terme évoque aujourd’hui l’image de bibittes paranoïaques cachées dans leur bunker, assises sur une pile de conserves, AK-47 à la main, comme on a pu en voir dans certains films américains. 

Pourtant, cette caricature ne correspond pas aux survivalistes québécois. «La plupart de ceux que j’ai connus ne sont pas des crackpots, mais des gens qui veulent augmenter leur résilience en cas de sinistre, explique Maxime Fiset, survivaliste depuis une quinzaine d’années. Cette volonté a souvent été déclenchée par la perception d’une menace qui a engendré de l’anxiété.» Son déclencheur à lui: la crise du verglas de 1998. 

Pour Alan Le Goañvic, survivaliste depuis près de 10 ans, la survie passe par l’apprentissage de techniques visant l’autosuffisance. «C’est le bagage le moins lourd à transporter dans un sac à dos, dit-il. C’est aussi un retour aux sources et une envie de comprendre comment est né notre besoin de posséder autant de machines dans nos demeures, afin de tenter de nous en débarrasser pour retourner à une simplicité volontaire.» 

On a demandé à Maxime Fiset, qui est un «accumulateur» – un prepper –, et à Alan Le Goañvic, qui pratique la survie dans la nature – bushcraft –, de dresser le palmarès des cinq aliments ou techniques les plus susceptibles d’assurer son autosuffisance alimentaire en cas de besoin. 

Le palmarès de Maxime Fiset 
Style de survie: accumulation 
Survivaliste depuis: 2005
De: Québec 
Emploi : chargé de projets au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence 

(1) LES CONSERVES 
Dans une garde-robe, Maxime entrepose une cinquantaine de boîtes de conserve de légumineuses, de viande, de pâtes alimentaires, de bouillon de poulet, de sel, de sucre et autres, ce qui représente deux mois de réserves pour lui, sa conjointe et leur fillette. Ces provisions se conservent de 5 à 10 ans. 

(2) LES DENRÉES SÈCHES 
Riz, lentilles, haricots, pâtes alimentaires: bien entreposés, tous ces aliments peuvent être consommés jusqu’à un quart de siècle après leur production, voire plus. Maxime les conserve dans six chaudières de cinq gallons garnies de sacs Mylar – un matériau à l’aspect métallique en polyester bloquant la lumière et l’air – dont il a vidé l’air et qu’il a scellés. Pour un meilleur contrôle de l’humidité, le prepper a placé un sachet de gel absorbant dans chaque contenant. 

(3) LES BOISSONS 
Tout bon survivaliste s’assure de pouvoir lui-même traiter l’eau et la rendre potable, souligne Maxime. Pour ce faire, on peut tout simplement se procurer un filtre destiné au camping, mais attention: il faut en plus posséder une bonne cinquantaine de bouteilles d’eau. «Ce n’est pas un luxe. C’est la base.» Pour disposer d’une source de calories supplémentaire, on peut emmagasiner des sachets de jus en poudre enrichi en vitamine C. 

La réserve de Maxime.

(4) LE JARDINAGE 
Savoir jardiner est nécessaire pour assurer sa survie à long terme. Les récoltes, que l’on peut déshydrater et entreposer, permettent de rééquilibrer une nutrition détériorée après plusieurs mois de conserves. On s’assure d’avoir des semences en réserve – radis, laitue, tomates, aubergines, fruits des champs et autres. Une fois qu’elles ont poussé, on récolte de nouvelles graines pour la saison suivante. 

(5) LES ANIMAUX DE COMPAGNIE
Non, il ne s’agit pas de les manger... On doit plutôt prévoir des conserves de nourriture molle et des sacs de moulée pour les nourrir. 


Le palmarès d'Alan Le Goañvic 
Style de survie: en nature 
Survivaliste depuis: 2011
De: Sainte-Adèle 
Emploi: acériculteur et formateur de survie en forêt 

(1) LE PEMMICAN 
Que vous ayez chassé un animal ou que vous l’ayez trouvé mort, cette technique élaborée par les Premières Nations permet de conserver sa viande pendant plusieurs mois. On déshydrate au soleil de fines lanières de chair, que l’on réduit ensuite en poudre avant de la mêler à de la graisse fondue. Le résultat: un pâté auquel on peut ajouter plusieurs aromates. 

(2) LA QUENOUILLE 
«Cette plante sauvage est un supermarché à elle toute seule», affirme Alan. Presque tout de cette plante aquatique est comestible. La jeune pousse du printemps se prépare comme un légume vert. L’épi mâle, en forme de saucisse, se détache de sa gaine et se mange comme du maïs. Même les rhizomes et les griffes (les racines, en quelque sorte) se consomment. Et le cœur, tendre et poivré, s’apparente aux cœurs de palmier. 

(3) LES BAIES DU QUÉBEC 
Framboises, mûres, bleuets, fraises... Ces baies qu'on trouve en abondance vers la fin de l’été peuvent se conserver plusieurs mois une fois qu’on les a déshydratées sur une pierre plate (en plein soleil pour éviter les attaques fongiques). 

Le kit de survie en forêt d'Alan.

(4) L’EAU 
Elle se récolte de plusieurs façons: en récupérant la rosée matinale; en faisant transpirer un arbuste, qu’on aura recouvert d’un sac de plastique et qui, au soleil, se réchauffera; en récupérant l’eau stagnante d’une flaque (on creuse un trou à une distance d’un pied de la flaque: en passant de la flaque au trou, l’eau sera naturellement filtrée.) 

(5) LA PÊCHE À LA MAIN 
Il suffit d’un courant peu profond sur un fond de gravier, de pierres et de beaucoup de patience pour attraper une truite. Avec les pierres, on crée un bassin où s’accumuleront les poissons. On laisse ensuite notre main dans l’eau, immobile, pour ne pas effrayer la proie. Puis, on ferme très doucement et délicatement notre main autour de l’animal. Et voilà! 

En chiffres

Les survivalistes sont difficiles à dénombrer au Québec, en partie parce que plusieurs restent dans l’ombre, note Maxime Fiset. On peut toutefois constater que des milliers de personnes suivent des pages Facebook liées au sujet, dont Survivaliste Québec. Du côté des États-Unis, le site web de finances personnelles Finder estime que plus de 160 millions d’Américains possèdent de l’équipement prepper, selon un sondage réalisé en 2017. 

Cette article est paru dans notre numéro FUTUR à l'automne 2018.
publicité

Plus de contenu pour vous nourrir