La fleur de lys tatouée sur le menu

aliments du Québec

Les restaurants ont été les premiers à surfer sur la vague de l’approvisionnement local, mais les institutions sont de plus en plus nombreuses à leur emboîter le pas. Le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine révolutionne l’alimentation à l’hôpital grâce à un service sur demande axé sur les produits locaux. L’Université de Montréal récolte des fines herbes, du sirop d’érable et des champignons sur son campus. Suivant leurs traces, des dizaines de centres de la petite enfance, d’écoles, de camps d’été et d’entreprises adhèrent désormais au programme Aliments du Québec au menu.

Texte de la rédaction, présenté par Aliments du Québec

Depuis 2014, ce sont 414 restaurants et 156 institutions qui se sont engagés à promouvoir la richesse alimentaire de la province. «La marque Aliments du Québec était super bien positionnée dans les épiceries et dans les commerces de détail. Afin de donner de l’expansion au mouvement, on a choisi d’utiliser sa notoriété pour aider les restaurants à s’approvisionner en produits locaux. Puis, les institutions ont suivi», explique Mathilde Laroche-Bougie, coordonnatrice du programme Aliments du Québec au menu.

«Notre travail est d’aider les institutions à saisir l’importance de l’achat local, de les accompagner dans leurs démarches d’approvisionnement en produits québécois pour les amener encore plus loin, et enfin de valoriser leurs efforts auprès de leur clientèle, indique Mathilde Laroche-Bougie. C’est un travail continuel, car souvent, on ouvre une boîte de Pandore en plaçant la loupe sur leur approvisionnement!»

Comment ça marche ?

Aliments du Québec au menu est un programme de reconnaissance qui offre aux institutions deux options pour identifier leur approvisionnement local.

La première (qui est aussi la plus simple) consiste en une reconnaissance des plats. Pour qu’un plat offert par l’institution puisse arborer l’étiquette Aliments du Québec au menu, il doit être composé d’au moins 50% de produits québécois. En outre, il doit figurer sur un menu cyclique comportant au moins cinq plats reconnus. 

La deuxième option repose sur un calcul en pourcentage de l’approvisionnement annuel. «Ça demande un peu plus de travail, mais c’est un super outil pour mesurer les sources d’approvisionnement. On demande au moins 50% d’ingrédients de provenance québécoise pour attester que l’approvisionnement d’un établissement est majoritairement local. Mais on reconnaît aussi un établissement qui obtient [un score de] 38%, souligne Mathilde Laroche-Bougie. On va souligner les efforts de l’institution, puis travailler avec elle pour augmenter progressivement son pourcentage.»

Le programme donne une grande visibilité à ses membres, en plus d’offrir un soutien pour identifier les produits locaux et de créer des occasions de maillage entre fournisseurs et membres. Il encadre également les producteurs et les fournisseurs afin qu’ils développent de nouveaux créneaux et fournissent des solutions de rechange. «On n’incite pas nécessairement les institutions à remplacer tous leurs produits non locaux par des produits québécois ni à offrir uniquement des menus saisonniers. On est à l’aise avec celles qui prennent de plus petites bouchées», souligne la coordonnatrice du programme Aliments du Québec au menu.

«Le gouvernement du Québec est fier d’appuyer Aliments du Québec au menu dans les institutions, un programme qui contribue à transformer nos hôpitaux, nos garderies et nos écoles en des lieux de création, de découverte et de mise en valeur des aliments québécois. J’ai eu l’occasion de constater le travail incroyable fait au CHU Sainte-Justine lors de ma visite l’été dernier. J’invite toutes les institutions québécoises à participer au mouvement et à se tourner vers une alimentation locale. Chaque geste compte et fait une différence!» 

André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec

Les coûts d’adhésion varient de 50$ à 1 000$ par année, selon le type d’institution et le nombre d’usagers. Par exemple, un gestionnaire de services alimentaires paiera 1 000$ si elle dessert plus de 31 institutions. Un CPE qui nourrit 43 enfants devra quant à lui débourser 100$ par année.

Le programme en région

Dans une région comme le Saguenay–Lac-Saint-Jean, où la population se fait une fierté de ses produits, les institutions ont rapidement adopté le programme Aliments du Québec au menu. Déjà en 2018, la Table agroalimentaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean avait dressé une liste d’actions pour favoriser l’achat régional ou provincial.

«C’est bon d’ouvrir nos horizons afin de découvrir la diversité impressionnante de produits locaux et de se rappeler que ce sont des produits de proximité, meilleurs pour l’environnement et pour le développement durable», avance Émilie Tremblay, conseillère en développement à la Table agroalimentaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

En plus de toutes les démarches visant les restaurants et les institutions afin de promouvoir l’achat local, il était impératif pour la Table agroalimentaire d’implanter de bonnes habitudes tôt, auprès des jeunes enfants. C’est pourquoi elle a lancé le projet des Petits Ambassadeurs de saveurs de la Zone boréale dans les CPE et les garderies en région.

Les 18 établissements accrédités – tous reconnus Aliments du Québec au menu – s’engagent à faire briller les produits locaux en respectant certains critères. «Par exemple, pour le fromage, ils doivent s’approvisionner à 60% dans la région, à 30% ailleurs au Québec – car certaines variétés ne sont pas produites chez nous – et pour le reste, ils peuvent se le procurer ailleurs, explique Émilie Tremblay. Nous avons 10 catégories de produits avec des seuils différents à atteindre. L’accréditation est obtenue quand au moins sept sont respectées.»

Un volet éducatif a également été mis en place afin d’encourager les milieux de garde à offrir au moins deux activités par année en lien avec l’industrie agroalimentaire: visite à la ferme, autocueillette, activité d’éveil du goût, atelier de cuisine avec des produits locaux, entretien d’un jardin, etc.

Sainte-Justine, la défricheuse

Cent dix ans après la fondation de l’hôpital Sainte-Justine, qui a vu le jour le 16 novembre 1907, son service de diététique a procédé à une première analyse de son approvisionnement. En 2017, l’institution a ainsi constaté que 45% des produits alimentaires servis entre ses murs étaient locaux. «L’analyse a été difficile à réaliser, car peu d’institutions de santé avaient fait cette démarche avant nous; les outils de référence étaient rares », souligne Caroline Champoux, nutritionniste et spécialiste en procédés administratifs du service alimentaire.

Elle a donc dû communiquer avec toutes les entreprises qui approvisionnaient le CHU Sainte-Justine pour savoir si leurs produits étaient produits ou préparés au Québec. «Comme on sert plus de 1 000 aliments, ça représentait beaucoup d’appels et de courriels, se rappelle-t-elle. Depuis, les démarches se sont simplifiées. Des listes sont en train d’être créées.»

Deux ans plus tard, l’hôpital a franchi la barre des 55% d’approvisionnement local. Un résultat attribuable à des efforts entrepris en 2016, lorsque l’institution a instauré un service aux chambres. Au lieu de se voir imposer des plateaux de nourriture, les patients peuvent désormais choisir le contenu et l’horaire de livraison de leurs repas. «On offre des mets chauds, on a des bars à pizza et à pâtes, on sert des burgers et du poisson», énumère Caroline Champoux, rencontrée dans les cuisines de l’établissement à l’heure du lunch, alors que des dizaines d’employés s’activent pour répondre aux commandes qui seront livrées par leurs collègues. «Les patients peuvent choisir, par exemple, une assiette de rotinis avec sauce Alfredo et poulet, décrit-elle. Ils peuvent sélectionner une protéine et un choix parmi nos féculents et nos légumes.»

La démarche du CHU Sainte-Justine s’inscrit dans un effort de développement durable qui a fait ses preuves. «Avant notre virage, les patients gaspillaient beaucoup de nourriture, car ils n’avaient pas toujours faim quand on passait avec leur plateau, ou ils n’aimaient pas ce qui leur était servi. Aujourd’hui, les gens mangent! On ne jette plus grand-chose, note Caroline Champoux. Le taux de satisfaction de la clientèle est aujourd’hui de 99%!»

Deuxième virage majeur

Un an après l’implantation du service aux chambres, la chef du service de diététique du CHU Sainte-Justine, Josée Lavoie, a voulu miser sur l’achat local.

«On veut offrir aux enfants ce qu’il y a le mieux : des produits plus frais, qui viennent de plus près, aux valeurs nutritives plus intéressantes»

Caroline Champoux, nutritionniste et spécialiste en procédés administratifs du service alimentaire du CHU Sainte-Justine

Afin de faire passer l’approvisionnement local de 45% à 55% en deux ans, le centre hospitalier a établi des relations plus étroites avec plusieurs producteurs et transformateurs. Cependant, ce lien direct n’est pas toujours possible. «C’est plus compliqué d’acheter auprès d’un producteur que chez un gros distributeur qui a de tout, qui permet l’achat en gros, qui offre une livraison globale simplifiée et des formats pensés pour les institutions», explique la nutritionniste.

Contrairement à la croyance populaire, l’achat local ne fait pas toujours exploser les coûts. «La transition s’est faite sans qu’on ressente un énorme impact. L’achat de confiture et de sirop d’érable, par exemple, fait augmenter les coûts, mais je fais des démarches pour économiser ailleurs, afin de contrebalancer», ajoute la jeune femme.

Le CHU Sainte-Justine doit aussi respecter certaines règles strictes imposées par les appels d’offres. «Les ententes de libre-échange ne permettent pas d’inclure une préférence quant à la provenance. On essaie de souligner des caractéristiques propres à certains produits, comme du yogourt sans matière grasse ou sans allergène, sans dire du yogourt québécois», mentionne-t-elle.

La transition vers l’achat local représente une tâche titanesque, mais l’engagement des employés est indéniable. «Saint-Justine voulait démontrer aux autres hôpitaux que c’est possible, même si ça demande du travail supplémentaire et beaucoup de passion. Ça doit être une valeur de l’organisation», souligne Caroline Champoux.

«Dans un restaurant qui valorise l’achat local, les clients n’ont pas de problème à payer plus cher, explique Mathilde Laroche-Bougie, d’Aliments du Québec au menu. Pour les institutions, le coût des ingrédients est crucial. Il faut donc les convaincre de repenser complètement leur modèle d’achat, et bien sûr d’éduquer l’ensemble du personnel impliqué dans le service de restauration.C’est un investissement en temps, mais qui paye!» Elle croit cependant que plus on achètera au Québec, plus les producteurs réaliseront des profits, et plus les fournisseurs adapteront leur offre.

Les exigences des universitaires

L’Université de Montréal (UdeM), qui possède une cafétéria de 900 places, cinq comptoirs alimentaires et un service de traiteur, s’est elle aussi engagée sur la voie du développement durable. Déjà reconnue pour ses diverses productions (miel, sumac, champignons, pommes surettes, fines herbes, sirop d’érable), l’institution veut mettre en place une serre sur son campus à l’été 2020.

Pour tout le reste, la priorité va à l’achat local. «Les étudiants ne mangent plus ce qu’on leur sert, ils mangent ce qu’ils veulent manger, explique Stéphane Béranger, coordonnateur au développement durable de l’UdeM. On a eu des pressions pour des lundis sans viande. Ensuite, la tendance végane est partie en flèche. Comme les plats végétaliens et végétariens sont surtout à base de légumes, on s’est affairés à trouver des légumes locaux.»

En mai 2019, l’UdeM a fait appel à Aliments du Québec pour mettre sur pied une méthode structurante qui lui permettrait de connaître la provenance de ses produits. L’université voulait également profiter de l’aura dont jouit le programme. «C’est facile de dire qu’on fait du développement durable, mais c’est encore mieux quand quelqu’un le dit de nous, affirme Stéphane Béranger. Aliments du Québec, ça parle aux étudiants.»

L’UdeM est en constant dialogue avec ses fournisseurs afin que ceux-ci répondent à ses besoins évolutifs, mais tout n’est pas simple. «On a des ententes d’exclusivité avec certains fournisseurs ou certaines marques, dit-il. Parfois, on est pris au piège. On a la volonté d’acheter des produits locaux et on a un pouvoir d’achat, mais on n’y arrive pas toujours», explique Stéphane Béranger. On privilégie donc des produits frais. On fait notre propre transformation des aliments. Et aucun légume congelé n’est servi.»

Il précise aussi qu’en tant qu’institution publique, l’université est obligée de recourir aux appels d’offres, ce qui peut la limiter: «Puisque la définition de l’achat local ne dépend pas de nous, si je veux des tomates locales et qu’un producteur de la Colombie-Britannique offre les moins chères, je suis tenu d’acheter chez lui…»

Cela dit, les étudiants apprécient les efforts déployés. «La clientèle est heureuse, souligne Stéphane Béranger. On a rallié beaucoup de gens qui allaient auparavant se nourrir à l’extérieur.»

Plus simple au privé

Les changements sont parfois plus faciles à implanter dans les concessions alimentaires comme celles d’Excelso, présentes chez Bombardier Transport, chez Desjardins ou à la Régie de l’assurance maladie du Québec. Depuis des lunes, Excelso mise majoritairement sur un approvisionnement local. «On évolue dans le domaine des services alimentaires de cafétéria depuis environ 25 ans. Dès le début, on a priorisé l’achat local, affirme Ariane Gouin, directrice marketing à Excelso. On a toujours tissé des liens solides et durables avec les entreprises d’ici, au lieu de voguer de fournisseur en fournisseur.»

Cette façon de faire répond mieux aux besoins de la clientèle d’Excelso. «Nos clients, qui travaillent dans des immeubles de bureaux, aiment manger des plats santé et de qualité. On privilégie donc des produits frais. On fait notre propre transformation des aliments. Et aucun légume congelé n’est servi.»

L’adhésion d’Excelso au programme Aliments du Québec au menu était donc un bonus pour ce pionnier de l’achat local. «On a quantifié notre offre grâce à l’analyse de la provenance de nos aliments, explique Ariane Gouin. Le programme nous donne aussi une belle visibilité, et ça nous incite à pousser la machine encore plus loin!»

Pour en savoir plus sur le programme Aliments du Québec au menu, visitez le site.