Journal d’un vigneron: déconfinement, chaleur et apprentissage - Caribou

Journal d’un vigneron: déconfinement, chaleur et apprentissage

Publié le

22 juillet 2020

vigne en juillet - raisins
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Après le déconfinement est venue la grande période de confusion gouvernementale. Tous les vignerons regardant leur petite boutique se demandaient sur quel pied danser. Étions-nous ouverts ou non? Permettions-nous les dégustations ou non? On est à la mi-juillet, et ce n’est toujours pas clair. Surtout pour les dégustations.

Un texte de Sébastien Daoust, vignoble Les Bacchantes

15 juillet 2020. C’est dans cette incertitude que nous avons accueilli un groupe, 10 personnes, venant célébrer un anniversaire de mariage. Tout s’est passé à l’extérieur: 2 mètres de distance entre les couples, boîtes à lunchs individuelles… Bref, on était dans les règles.

Je reste à l’écart, et après le repas, on me demande de faire une visite. J’accepte sans problème, c’est probablement ce que j’aime le plus au vignoble. Quand j'étais consultant, je cherchais toutes les occasions possibles pour faire des conférences. C’est un peu la même chose les visites quand tu es vigneron.

Donc on visite les vignes de marquette, et juste à côté, celles de pinot noir. Rustique vs non-rustique, hybride vs vinifera. On regarde le fil fruitier, la hauteur des grappes, mais aussi leur développement. Encore cette année, on voit qu’il y aura un bon trois ou quatre semaines entre la récolte de ces deux cépages.

Et là, on me pose la question: «Et puis la chaleur, c’est bon ou non?»

La vigne a des racines profondes, alors en général, elle va chercher son eau très creux dans le sol. Elle est donc une de ces rares cultures qui n’a pas besoin beaucoup d’eau. Les jeunes plants en ont besoin, mais pour le reste, on ne cherche pas à arroser. Pas d’eau, donc pas trop d’humidité au sol. Pas trop d’humidité, pas trop de champignons. Pas trop de champignons, donc pas trop de pesticides, bio ou non. Il y a des échos dans les contrées lointaines de Dunham, que l’oïdium est arrivé. Mais ici, au sud de la Montérégie, pas de trace de ce champignon. 

Il y a des vignes qui ont moins de vigueur par contre. Le fumier qu’on a épandu s’intègre mal dans le sol durant ces sècheresses. Les vignes sont plus chétives par endroits. Mais on a tous, comme vigneron, un rang ou une parcelle qui est moins beau. 

J’explique aussi au groupe qu’en 2018, il avait fait très chaud au mois d’août, pendant la véraison. Par conséquent, la vigne semblait s’être protégée en fermant ses stomates, limitant ainsi la photosynthèse et la progression du raisin. Les vendanges avaient été un peu plus tard qu’à l’habitude. 

Une invitée me dit donc à ce moment-là: «Vous avez étudié combien de temps pour apprendre tout ça?» Parce que quelques minutes auparavant, je lui parlais d’azote dans le sol, et de l’impact sur le vin, notamment sur la réduction. D’un coup, je me suis rappelé de tous les cours de biologie et sciences naturelles, au secondaire et au cégep, qui me paraissaient inutiles à l’époque. 

Je ne suis pas œnologue ou agronome. Par la force des choses, quand on a un vignoble, on le devient un tout petit peu. C’est un peu comme devenir parent. Si vous adoptez un enfant de sept ou huit ans, le défi sera de taille. Mais si vous avez un enfant de manière biologique, ou que vous en adoptez un à la naissance, vous apprenez votre rôle au fur et à mesure que la vie de votre progéniture se développera. Donc tout s’apprendra un peu plus facilement, s’assimilera plus rapidement ainsi et vous ne vous apercevrez pas de toute la connaissance acquise avec le temps. 

– Vous avez étudié combien de temps pour apprendre tout ça?

– Bah, vous savez, ce vignoble, c’est un peu comme mon petit bébé…


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