Madeleine, l’apprentie jardinière - Caribou

Madeleine, l’apprentie jardinière

Publié le

03 août 2020

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L’équipe de Caribou vous invite à bord du Bella Desgagnés, la desserte maritime de la Basse-Côte-Nord, et vous raconte ses rencontres faites lors des escales. Quatrième arrêt: Tête-à-la-Baleine, 1520 kilomètres de Montréal, 129 habitants.

Texte de Geneviève Vézina-Montplaisir

La petite communauté francophone de Tête-à-la-Baleine est située à près de 10 kilomètres du quai où nous débarquons. C’est Madeleine Le Breton, une dynamique retraitée de l’enseignement originaire du Nouveau-Brunswick, qui nous y amène. Sur le chemin, magnifique, qui fait face à une partie de l’archipel de 600 îles, elle nous raconte ses 32 années d’enseignement au pays où elle a pris mari. 

On comprend assez vite que Madeleine n’est pas tout à fait à la retraite. En fait, elle est même pas mal occupée. Elle s’occupe du projet de jardin communautaire du village le temps que Micheline, la responsable – qui a dû partir un an prendre soin d’un membre de sa famille à l’extérieur –, revienne au bercail. Madeleine donne aussi un coup de main durant les activités du programme Nutrition Nord qui sont déployées dans le village. Il y a l’atelier mensuel à l’école (qui compte sept élèves) avec une nutritionniste qui apprend à cuisiner de nouveaux légumes, la distribution de boîtes de jardinage pour que les personnes âgées du village puissent jardiner à la mai- son et les activités de cuisine collective pour les aînés. Madeleine va aussi faire des ménages chez les personnes âgées qui sont parfois isolées. «Je suis débordée», concède en riant la septuagénaire, qui a dû apprendre en accéléré comment s’occuper d’un jardin. 

«Je n’avais pas le pouce vert, mais on va dire que maintenant j’ai le pouce vert pâle! Le jardinage, c’est quelque chose que j’aime beaucoup, mais il faut apprendre à s’adapter à la température qui n’est pas clémente ici. On a des toiles qui gardent la chaleur pour démarrer le jardin au printemps et on doit les remettre à l’automne. La saison est courte et les nuits tombent vite. Cette année, on n’a pas trop de récoltes, mais on a prévu de construire une serre l’an prochain pour nous aider.» 

Le jardin – une initiative de Micheline, résidente du village – en est à sa troisième année et est toujours source d’expérimentations afin de voir ce qui pousse le mieux dans ce coin de la Basse-Côte, quelles sont les semences qui conviennent au cli- mat nordique de Tête-à-la-Baleine, et autres observations. 

Un accès à des produits frais 

Lors de notre visite, on retrouvait dans le petit jardin communautaire, situé à côté du presbytère, de la rhubarbe, du kale, des radis, des carottes, des betteraves, du persil, des épinards, de la roquette, des pois mange-tout et quelques fraises. Les framboises, elles, n’étaient pas encore prêtes. «Ici, c’est notre pouponnière à fines herbes», pointe Madeleine. 

«Jadis, il y avait beaucoup de gens sur la côte qui faisaient leur jardin et qui cultivaient des choux et des patates, explique le petit bout de femme énergique en déambulant dans les allées du jardin. Cette tradition s’est un peu perdue, mais depuis que les gens ont accès à ce jardin communautaire, ils ont pris goût à essayer de faire pousser d’autres choses. C’est l’fun d’avoir ces produits frais, sinon difficilement accessibles pour nous. Surtout les laitues.» 

Les défis sont grands pour assurer la pérennité du jardin. Il y a la température, à laquelle il faut s’avoir s’adapter, mais aussi le manque de main-d’œuvre. 

«On a un peu de difficulté à recruter des gens pour venir nous aider. Il y a Mimi [Micheline] et moi, mais là, elle est partie... Les quelques jeunes qui vivent ici vont à l’école... Les personnes âgées, elles, sont incommodées par les moustiques...» 

Cela ne semble par contre pas décourager Madeleine, qui voit le projet de jardin communautaire comme une façon d’avoir accès à des produits frais, mais surtout comme un moyen de rassembler les gens de la communauté. 

Sur le chemin du retour vers le quai, on fait un arrêt à la maison de la fameuse Micheline qui, depuis près de 20 ans, cultive son jardin. Avec son impressionnante variété de légumes et son foisonnement, celui-ci est comme un jardin d’Éden dans cet écrin de sols rocheux et arides. «C’est ce qu’on vise: avoir un jardin comme le sien», confie Madeleine, les yeux pleins d’admiration devant l’œuvre de Micheline, qui vient prouver que, même sur ces terres reculées, tout est possible. 

Juste avant d’arriver au quai, Madeleine s’engage sur une petite route pour nous amener à l’ancien quai, «le plus bel endroit du village». C’est effectivement une superbe baie, où les reflets des bateaux des villageois miroitent sur l’eau en cette fin de journée. Tout comme le grand sourire de Madeleine. 

➤ Bella Desgagnés: à la découverte de la Basse-Côte-Nord escale par escale

Chaque semaine, Caribou fait découvrir dans les pages du quotidien Le Devoir, un homme ou une femme, qui, à sa façon, nourrit le Québec.

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