Démocratiser le poisson local et responsable - Caribou

Démocratiser le poisson local et responsable

Publié le

17 novembre 2020

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Ouverte depuis cet automne dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, la Poisonnerie Ô a pour mots d’ordre l’approvisionnement local et la pêche durable. Un commerce lancé par un jeune couple issu du monde de la restauration et qui s’inscrit résolument dans son quartier.

Texte de Marie Pâris
Photos de la Poissonerie Ô

À la Poissonnerie Ô, le comptoir est rempli de poissons et fruits de mer du Québec et des provinces voisines. Si la copropriétaire Sandrine Toupin conseille aujourd’hui les clients avec aisance, c’est une nouvelle carrière pour cette jeune femme qui a travaillé auparavant en service dans des restaurants montréalais (Hélicoptère, Les Affamés, Montréal Plaza...). Son conjoint et associé, Sean Warren, est quant à lui passé par les Enfants Terribles avant de devenir directeur général du Bar Suzanne.

En 2019, en ces temps où la COVID-19 n’avait pas encore fermé les portes des restaurants, le couple décide de se lancer dans un projet de commerce. Le concept est encore flou, mais Sandrine et Sean savent qu’ils veulent toucher à l’alimentation et aux produits du terroir. Ce qui est sûr, c’est que ça se passera à Hochelaga, où ils habitent depuis plusieurs années. «C’est un quartier auquel on croit beaucoup, dans lequel on aime vivre, indique Sandrine. On voit depuis quelques années son potentiel de développement économique et la diversification des commerces de proximité.» Le couple réfléchit à ce qui manque dans l’offre du quartier, et cible le besoin d’une poissonnerie.

À l’automne, Sandrine et Sean embarquent leur tente et leur chien et partent pendant trois semaines parcourir la Gaspésie à la rencontre de producteurs. «On a visité les quais, les bateaux, les usines de transformation et les poissonneries, pour voir comment les choses se passaient à proximité de la matière première, raconte Sandrine. C’était très instructif.» À leur retour, la jeune femme va passer deux mois dans une poissonnerie pour se former au travail de poissonnier. Le couple trouve ensuite un local disponible sur la Promenade Ontario, non loin de la rue Davidson, et y installe son commerce: la Poissonnerie Ô.

Produits locaux et écoresponsables

Flétan pêché à la ligne et thon bluefin de Gaspésie, huîtres de l'Île-du-Prince-Édouard, pétoncles des Îles-de-la-Madeleine, aiglefin et éperlan du Nouveau-Brunswick, morue sauvage de Terre-Neuve, crevettes de Rivière-au-Renard en Gaspésie: ici, 90% des poissons et fruits de mer proviennent du Canada, principalement du Québec et des provinces maritimes. «Le reste vient des Grands Lacs en Ontario, et parfois du Maine ou de la Floride, ajoute Sandrine. Mais on veut vraiment s’éloigner du marché asiatique et rester axés sur les produits les plus proches de nous.»

Les arrivages ont lieu une à deux fois par jour et en très petites quantités; la poissonnerie ne possède d’ailleurs pas de chambre froide, juste quatre portes de frigo sous le comptoir. «Je n’ai pas un choix de produits constant et j’y vais au cas par cas pour assurer la provenance et la fraîcheur. Je commande peu – au risque de ne plus avoir certains produits à la fin de la journée, explique la poissonnière. Il y a des semaines où certains poissons ne sont plus disponibles. En ce moment, on n’a pas de flétan parce que celui qui est disponible n’est pas pêché de la même façon que celui que nous avons habituellement et ça ne nous tente pas de nous approvisionner à un endroit qui ne respecte pas nos valeurs.»

«On ne va pas négliger la qualité. On va plutôt substituer un produit par un autre de pêche responsable.»

Sandrine Toupin

Par exemple, on ne trouve pas ici d’aile de raie, un poisson que les gens demandent pourtant souvent, car sa méthode de pêche consiste à racler les fonds marins et cette technique est destructrice pour les récifs de corail. Le commerce propose à la place de la bajoue de flétan, un poisson à la texture et au goût similaires mais plus écoresponsable et local. «Les clients comprennent, et ils sont contents d’avoir une alternative et une explication», assure Sandrine.

Arrivage de flétan du Québec à la Poissonnerie Ô.

De la mer à l’assiette

Les jeunes poissonniers achètent leurs produits entiers et filètent sur place la journée même, pour maximiser la fraîcheur mais aussi limiter les pertes et le gaspillage. Ici, tout est réutilisé: les parures de poisson sont cuisinées, les arêtes de saumon grattées pour faire des boulettes de burger ou des pâtés au saumon, etc. «On pourrait acheter les poissons déjà filetés, mais le reste s’en va toujours à la poubelle, note la copropriétaire. Nous, on veut mettre de l’avant le produit et rendre hommage à la matière première.»

La poissonnerie comptait initialement avoir 12 places assises sur place pour manger, avec un comptoir lunch et une cuisine ouverte. Mais la pandémie en a décidé autrement, et les copropriétaires utilisent en attendant cet espace comme extension de l’épicerie. On y trouve notamment une grande variété de produits prêts-à-manger préparés sur place: gravlax, sauces, fumets, demi-glaces de poisson, bourguignon de pieuvre et d’espadon... «On offre une cuisine de saison et créative, faite avec des produits locaux», résume fièrement Sandrine.

La section épicerie fine propose en outre tous les produits nécessaires pour reproduire leurs recettes. Le but: éviter que les clients aient à aller chercher des ingrédients ailleurs pour apprêter leur poisson. «Les gens nous remercient d’avoir amené une poissonnerie dans le quartier, mais aussi de leur donner accès à des produits derrière lesquels il y a une réflexion et une conscience écoresponsable, conclut Sandrine. On remplit notre mission: donner des ressources pour démocratiser le poisson et le rendre accessible pour tous.»

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