Ethné de Vienne, ambassadrice du monde par les épices - Caribou

Ethné de Vienne, ambassadrice du monde par les épices

Publié le

28 novembre 2020

chasseuse d epices
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Afin de contrer la grisaille de novembre et l’absence de voyages pour les mois à venir, pensons au ras-el-hanout, au curcuma, au cumin et au safran iranien pour colorer nos plats et leur donner des saveurs d’ailleurs. Et à ce chapitre, la reine des épices au Québec, Ethné de Vienne, en a long à raconter.

Texte de Roxane Léouzon
Photo de Marc-Olivier Bécotte

Ethné de Vienne s’agite entre les étagères de son atelier où sont rangées plus de 400 épices différentes dans des bacs blancs et dans les petits pots de métal qui sont sa marque de commerce.

«Where is it? I get excited, oh my Lord!» lance théâtralement la Trinidadienne dans sa langue maternelle.

Une de ses employées lui désigne l’endroit où se trouve le curcuma non moulu. «I’m gonna show you de quoi ça a l’air!» s’exclame-t-elle en brandissant victorieusement l’épice qu’elle cherchait.

Cette ancienne mannequin à la tenue multicolore présente fièrement son butin de petits bâtons orangés. Dans une autre boîte, le curcuma est à moitié concassé, et dans une troisième, il est entièrement moulu, grâce à une machine qui se trouve quelques mètres plus loin.

«Une épice moulue juste avant son utilisation est à son summum», explique-t-elle dans son français parfait.

Poivre andaliman, berbéré éthiopien, peau de mangue verte séchée… La chasseuse d’épices ouvre tour à tour ses coffres aux trésors pour me les faire sentir.

L’odeur qui se dégage des quartiers généraux d’Épices de cru est perceptible à plus d’un coin de rue sur l’avenue Letourneux, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. La copropriétaire de l’entreprise, qui a immigré dans la Belle Province avec ses parents en 1969, me raconte son histoire dans une grande salle de réunion décorée avec des tapisseries, des mortiers, des pilons, des objets d’art traditionnel et 2500 livres de recettes. «Philippe les a tous lus! Il s’est donné la tâche de connaître toutes les cuisines du monde», déclare-telle au sujet de son conjoint et partenaire d’affaires.

Mélange des cultures

Faire découvrir ces cultures culinaires au maximum de gens possible, voilà l’une des missions d’Ethné et de Philippe de Vienne. Ils l’ont d’abord accomplie grâce à leur service de traiteur, puis, depuis 15 ans, grâce à l’importation d’épices provenant d’une quarantaine de pays.

Leur succès, la Québécoise d’adoption est convaincue qu’ils n’auraient pas pu l’obtenir ailleurs dans le monde. «Les Québécois ne sont pas très nationalistes sur le plan culinaire. “Je n’aime pas ça parce que ça vient d’ailleurs”, c’est quelque chose qu’on entend dans plusieurs pays, affirme-t-elle. Ici, on adore bien manger et on se demande peu d’où ça vient. Si c’est bon, on l’adopte!»

Confortablement installée sur sa chaise, Ethné raconte à quel point les goûts et les connaissances de Monsieur et Madame Tout-le-Monde ont évolué depuis 15 ans au Québec. Le curcuma, d’origine indienne, est maintenant l’épice la plus populaire de l’entreprise, avec le poivre.

«Avant, on expliquait la différence entre la vraie cannelle et la casse, qui est plus courante ici et moins chère. Aujourd’hui, les gens entrent dans notre magasin et demandent : “Avez-vous de la vraie cannelle?”», rapporte-t-elle en riant.

Selon Ethné, les épices prennent de plus en plus de place dans la cuisine de chez nous, même dans les plats traditionnels. Ainsi, Épices de cru propose des mélanges à cretons et à tourtières.

Tour du monde au Québec

Tout en expliquant l’importance de valoriser l’origine des produits et les petits producteurs d’ailleurs, Ethné regarde un message texte qu’elle vient de recevoir. C’est son contact en Éthiopie, Andrew, qui lui envoie une photo de knockout chilis. «C’est la première fois que ça va être exporté!» s’exclame-t-elle. Le couple a visité une ferme, dans ce pays d’Afrique de l’Est, où les propriétaires ne faisaient pousser ce piment fort que pour eux mêmes.

«On y a goûté et on a dit: “Si vous en plantez d’autres, pouvez-vous les faire sécher et nous les envoyer?” Ils ont accepté.»

Ainsi, au cours de leurs voyages, Ethné et Philippe font des trouvailles qu’ils proposent ensuite aux consommateurs occidentaux en ligne, à leur boutique du marché Jean Talon et dans divers points de vente partout dans la province. Ils vendent aussi des produits du Québec, comme le piment gorria, le thé du Labrador et le poivre des dunes, mais de fréquents problèmes d’approvisionnement limitent la quantité et la disponibilité des épices locales.

La grande aventurière importe peu d’épices de son pays d’origine, Trinidad, mais elle emporte toujours dans ses bagages l’ouverture aux autres et l’aisance interculturelle qui, à ses yeux, donnent toute sa saveur à cette île des Caraïbes qui l’a vue naître.

Deux épices à découvrir

Le macis
Il provient de la même plante que la noix de muscade, mais est plus rare. Au Québec, nos grands-mères l’utilisaient dans de nombreuses recettes traditionnelles, mais son usage a perdu en popularité au fil du temps. On peut apprécier sa finesse dans les plats de poisson, de veau ou de volaille. Dans une recette de beignes maison ou dans un gâteau aux carottes, c’est tout simplement délicieux!

Le cari de Chettinad
Le «Chettinad Chicken Curry» compte parmi les plats emblématiques de la région du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde. Le mélange qui sert à sa préparation, peu connu chez nous, est chaleureux sans être brûlant, grâce à la combinaison savante de poivre noir, de gingembre et de piment. Il est parfait pour les caris de volaille et les plats à base de lait de coco. Il relève aussi merveilleusement les potages de courge et les caris de légumes racines.

➤ Ce texte est paru à l’origine dans le Numéro 10: D’ici et d’ailleurs


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