Production fruitière intégrée: des méthodes plus douces au verger - Caribou

Production fruitière intégrée: des méthodes plus douces au verger

Publié le

20 septembre 2021

pommes bios
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Depuis quelques semaines, le rouge vole la vedette dans les vergers. Saviez-vous que de plus en plus de pomiculteurs d’ici s’efforcent de réduire leur empreinte environnementale et les risques sur la santé humaine? Si les vergers biologiques sont encore marginaux, bon nombre de producteurs préconisent la production fruitière intégrée (PFI). Monique Audette, agronome consultante et pomicultrice à Dunham, ne jure que par la PFI. Entrevue.

Propos recueillis et édités par Sophie Allard

Comment décririez-vous la production fruitière intégrée?
La production fruitière intégrée (PFI) est un système de production économique de fruits de haute qualité qui priorise les méthodes écologiquement plus sûres. On minimise les effets secondaires indésirables et l’utilisation de produits agrochimiques. La PFI guide l’ensemble de nos pratiques en verger: de l’implantation des vergers à la récolte et la conservation des fruits. Ça passe par la qualité du sol, la santé des arbres, la lutte ciblée aux ravageurs, etc. Chaque intervention, basée sur des données scientifiques, est pesée et réfléchie pour obtenir à la fois un équilibre écologique et un rendement économique. Environ 80% des pommes produites au Québec le sont en PFI.

Monique Audette et son mari

Comment limitez-vous l’application des pesticides chimiques?
Dans notre verger, des dépisteurs viennent chaque semaine pour détecter les ennemis présents. Ils nous donnent un plan à suivre pour des applications ciblées, selon le cycle de vie des différents ravageurs et la période où ils viennent au verger. Parce qu’ils n’y sont pas toujours! Ça demande de la vigilance constante. Les applications sont faites à des moments-clés, avant que la population d’insectes nuisibles explose et endommage la production. Dans un verger à haute densité comme le nôtre, où la plantation est très serrée, on peut réduire la portée du pulvérisateur. Il y a moins de dérives et moins de pesticides à l’hectare.

Les pesticides que vous utilisez diffèrent-ils des produits de synthèse utilisés en production conventionnelle?
Nous utilisons des méthodes plus douces. Les produits conseillés en PFI ont été évalués selon leurs effets sur la santé humaine et leur persistance dans l’environnement. Ils sont inscrits dans une charte selon un code de couleur: vert (à privilégier), jaune (à utiliser avec grande prudence), rouge (à proscrire). Les producteurs qui adhèrent à l’approche PFI doivent respecter les règlements du guide de référence produit par l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Il n’y a toutefois pas de certification obligatoire au Québec.

Il faut savoir que, même en production conventionnelle, on est loin aujourd’hui des produits à large spectre, à base d’hydrocarbures, qu’on utilisait dans l’après-guerre et qui tuaient tout ce qui volait! Les produits dangereux pour la santé humaine ou l’environnement sont heureusement en train de disparaître.

Certains producteurs ne font pas honneur au métier, mais on fait tellement d’efforts pour réduire l’utilisation de pesticides! Il faut éduquer les gens, leur expliquer comment on fonctionne. Tout n’est pas noir ou blanc.

Quels sont les défis des producteurs en PFI?
Nous avons un verger de 13 hectares, nous produisons pour le marché frais de pommes de qualité. Les pommes produites sont conservées à l’entrepôt pendant des mois. Leur enveloppe doit être intacte, à défaut de quoi les pathogènes vont s’introduire et les pommes vont pourrir. On veut des pommes parfaites, mais ça va bien au-delà des critères esthétiques! En PFI, il faut néanmoins accepter une part de risque.

On doit tolérer, par exemple, que la population de certains ravageurs monte et crée quelques dommages, en misant sur le fait que leurs prédateurs prendront le dessus et en viendront à bout.

On doit aussi faire preuve de flexibilité, c’est une méthode en constante évolution. On doit être à l’affût des nouvelles données issues de la recherche et accepter d’adopter de nouvelles alternatives.

Monique Audette

Il faut être ouvert et se former continuellement. C’est une production qui est très technique et qui peut aussi être coûteuse.

La PFI peut-elle être considérée comme une méthode écologique?
Absolument! On réduit le recours aux produits chimiques, on ajuste l’irrigation en fonction de l’humidité du sol, on favorise de bons rendements. En réduisant le nombre d’interventions, on diminue également notre empreinte carbone. On en parle trop peu en agriculture, il va falloir s’y pencher. Est-ce mieux de recourir à des produits moins persistants dans l’environnement, comme le souffre en agriculture biologique, et qui nécessitent des applications répétées et une utilisation accrue de la machinerie?

Les gens ont parfois une idée un peu bucolique de l’agriculture. Les producteurs occupent des espaces qui étaient autrefois naturels, mais l’activité des agriculteurs n’est pas naturelle. On a défriché et planté des pommiers. Par respect pour le territoire, on a le devoir d’être productifs. Sinon, on fait juste occuper un espace qui autrement pourrait être une forêt.

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