Offre alimentaire réduite en basse saison: cinq initiatives en région - Caribou

Offre alimentaire réduite en basse saison: cinq initiatives en région

Publié le

13 janvier 2022

garde manger nourriture locale basse saison
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Fermes avec gîte, auberge, chalets ou yourtes… Ils sont plusieurs aux quatre coins du Québec à avoir développé un offre alimentaire originale. Objectifs: attirer des clients, contrer le manque de main-d’œuvre et la pénurie alimentaire en région, surtout d’octobre à mai. Ils misent à fond sur des partenariats locaux et l’ont parfois fait même au plus fort de la pandémie! Voici cinq initiatives aptes à aiguiser votre gourmandise. 

Texte et photos d’Anne Pélouas

Gourmets bien traités au Bas-Saint-Laurent

À l’épicerie-boutique du Vieux Loup de Mer, nommée le Garde-Manger, le pâté au flétan de Colombe Saint-Pierre trône en bonne place. «La cheffe réputée nous le prépare en exclusivité et c’est l’un de nos meilleurs vendeurs», souligne Martin Gagnon, copropriétaire avec Jean-Luc Leblond de cette entreprise rimouskoise aux 15 «chalets hôteliers». Reconstruits sur les hauteurs de l’archipel du Bic à partir de vieilles maisons de bois, ils sont meublés d’antiquités choisies.

Le Garde-Manger du Vieux Loup de Mer - Crédit photo: Sam St Onge

Le Garde-Manger est leur dernier projet d’envergure.

«Nous voulions offrir à nos clients foodies, venus parfois de loin, une alternative à la rareté des restaurants, surtout hors été, et participer à la promotion des produits régionaux, y compris en basse saison».

Martin Gagnon

La pandémie lui a donné doublement raison, avec les fermetures de restaurants, dont plusieurs n’ont pas rouvert encore… comme Chez Saint-Pierre, au Bic. 

Ouvert au printemps 2021, au poste d’accueil du Vieux Loup de Mer, le Garde-Manger grossit à vue d’œil, regorgeant de produits fins 100% québécois, la plupart fournis par des producteurs et artisans du Bas-Saint-Laurent. Au plus fort de l’année, Martin travaille avec 35 producteurs locaux. En basse saison, point de produits frais mais toujours - par exemple - les poissons fumés de Raoul Roux et les fromages Le Détour, des dizaines de bières de microbrasseries et de vins des meilleurs vignobles québécois. S’y ajoutent des plats congelés de Colombe Saint-Pierre, des restaurants Arlequin et Les Affamés, de l’épicerie L’Ardoise, tous à Rimouski. Et du café Vieux Loup de Mer, concocté par le torréfacteur Chapeau Moustache.

Authenticité agricole et entraide régionale au Saguenay

Sur le chemin de la Pointe aux Pins menant au fjord, à Saint-Fulgence, La Vieille Ferme était plutôt tranquille autrefois de l’automne au printemps. «Il fallait un 4 X 4 pour l’atteindre en hiver», souligne Carmen Tremblay, copropriétaire avec son conjoint Napesh Lapointe de cette bergerie avec verger, boutique Le P’tit Marché et gîte. Ce dernier était du coup réservé aux amateurs de nature paisible qu’on allait chercher en motoneige ou qui venaient à pied.

La bergerie de la Vieille Ferme

Cet hiver, la route sera déneigée - à titre de projet-pilote pour la pêche blanche - jusqu’au Parc Aventures Cap Jaseux, centre de villégiature estival situé un kilomètre après La Vieille Ferme. Nul doute que Le P’tit Marché y gagnera en animation! 

Pour le couple, qui peaufine son projet de vie, avec trois enfants, depuis 19 ans, c’est un nouveau projet emballant. Il y a eu d’abord la bergerie, puis l’accent agrotouristique, avec visites autoguidées à la ferme et table champêtre, la boutique, le gîte, une boutique en ligne et la plantation de 2000 pommiers.

Le gîte a été conçu dès le départ pour offrir une expérience gourmande même en basse saison, avec petit déjeuner du terroir inclus et autres repas en option, comme de la souris d’agneau confite, un pavé de saumon, des charcuteries fumées, des confits de betteraves, des tartes aux pommes. 

Tous les plats cuisinés sur place, produits de la ferme et de «partenaires-amis» sont aussi disponibles le samedi ou sur réservation. L’entraide en matière de tourisme gourmand est un maître-mot pour Carmen qui me détaille la liste des producteurs dont les créations agrémentent les petits déjeuners au gîte: de l’Érablière au pied des monts Valin à Herboréal, en passant par la Cannebergerie, la Ferme Artisan Bio, la fromagerie Lehmann, L’Artisan Boulanger… 

De la ferme à la yourte dans Lanaudière

Dans la chaleur d’une jolie yourte, le bouillon de fondue chinoise dégage un bon fumet. Sur la table, un assortiment de victuailles: bœuf et veau Highland des Museaux d’Écosse, à Saint-Lin-Laurentides, bison de La Terre des Bisons, à Rawdon, fromages de La Suisse-Normande, à Saint-Roch-Ouest, et des légumes. Nous sommes à Ma Yourte au cœur des collines, à Saint-Calixte, où Guy Courteau dirige ce site de glamping, ouvert en juin 2020, avec conjointe et fils. 

Guy Courteau du site de glamping Ma Yourte - Crédit photo: Anne Pélouas

«Les clients nous demandaient où aller au restaurant près du site et comme l’offre était réduite dans les environs, on a décidé de promouvoir nous-mêmes les producteurs voisins en proposant des prêts-à-manger.»

Guy Courteau

Au menu: fondue chinoise aux viandes du terroir ou trois fromages, brochettes de bison à cuire sur barbecue, pizza maison cuite au four à bois et petit déjeuner gourmand. 

La fondue avec les viandes du terroir offerte par Ma Yourte - Crédit photo: Anne Pélouas

Sur la route du retour, un arrêt s’impose aux Museaux d’Écosse, après avoir dégusté quelques-uns de leurs produits à la yourte. La grande épicerie fine et boucherie fait face à la ferme d’élevage de Robert et Nathalie Pierre qui transforment leurs viandes depuis 2011. Ils ont ensuite bâti ce commerce où ils vendent leurs produits comme ceux de 80 artisans de la région: fermiers, boucaniers, microbrasseurs, charcutier, fabricant d’huile d’olive… 

Pas de basse saison ici et, comme le fait Guy Courteau à son échelle, un parti-pris évident pour l’entraide agrotouristique et les partenariats bénéfiques à tous. En témoigne la richesse des présentoirs mais aussi un «mur des célébrités» rendant hommage à chaque producteur et artisan présent en boutique. 

Un «magasin général» en lieu et place d’un resto en Gaspésie

À L’Amarré, auberge de Mont-Louis, les vendredis sont «décadents  d’octobre à juin… Julie Asselin, sa propriétaire, y propose alors un menu tout sushis ou tout tartares. «Nous l’avons lancé cet automne, dit-elle, et il complète bien l’offre de notre boutique - Le Garde-Manger - qui est un vrai magasin général d’alimentation, à fort accent gaspésien.»

Le Garde-Manger à l'auberge de Mont-Louis L'Amarrée

Pandémie et pénurie de main-d’œuvre ont eu raison du restaurant de l’auberge en 2020 mais pas question de se passer de sa cuisinière Jo-Ann Malenfant. En mars 2020, pour garder ses clients locaux, ceux de l’auberge comme ceux de passage, qui font ainsi leur «épicerie de road trip», Julie transforme le resto en boutique et la garnit de produits gaspésiens et de prêts-à-manger cuisinés au jour le jour. Depuis, elle fonctionne à plein rendement même quand l’auberge accuse un creux, de mi-octobre à mi-décembre, puis d’avril au 24 juin.

«Nous misons sur la cuisine santé et nos prêts-à-manger sont à prix plus abordables qu’en menu fixe de restaurant.»

Julie Asselin

Les difficultés d’approvisionnement en basse saison et la hausse du coût des aliments sont ainsi contrés avec des menus variant chaque semaine en fonction de ce qui est disponible, explique-t-elle. «Du coup, on peut plus s’amuser en cuisine et proposer des découvertes comme une soupe thaïlandaise au tofu.» La Gaspésie est aussi l’honneur avec, par exemple, une casserole de fruits de mer et, en boutique, ses propres «conserves du terroir» ou les poissons fumés d’Atkins et Frères, ses quasi-voisins. 

Certifié Fourchette bleue, L’Amarré a aussi un espace aux couleurs de «Croquez la Gaspésie», réseau de distribution de produits du terroir gaspésien initié par le chef Yannick Ouellet. Les mettre de l’avant, c’est, pour Julie, «faire travailler d’autres micro-entreprises, créer des emplois, tout en gagnant du temps sur les commandes et en réduisant les transports».

Un «modèle d’affaires» agricole dans les Cantons-de-l’Est

Dans la région de Magog, en plein hiver, les vaches Highland, les chèvres et les porcs de la Ferme Au Pied Levé batifolent dans leurs enclos extérieurs. Marie-Thérèse Bonnichon, ancienne infirmière, et Denis Carrier, designer d’expositions, sont de vrais fermiers, rois de la polyculture et de l’élevage en plein air. 

Marie-Thérèse Bonnichon à la Ferme Au Pied Levé - Crédit photo: Anne Pélouas

Ils ont débuté avec dix vaches en 2008, avant d’avoir des veaux, des bœufs, des porcs, des chevreaux, des oies, des canards, des pintades, des dindes et des poulets. Leur modèle d’affaires? «Ouvrir la ferme à l’année et donner de la plus-value à nos viandes avec une boutique, puis - pour boucler la boucle - une table champêtre et un gîte, explique Marie-Thérèse. Aujourd’hui, nous vendons tout en direct et, à la table champêtre, 95% de l’assiette vient d’ici.»

Depuis trois ans, le couple prête gratuitement un acre de terrain à de jeunes apprentis maraîchers. En échange, «je prends les légumes et les herbes dont j’ai besoin pour la table champêtre, précise Marie-Thérèse. Le reste est disponible à la boutique.»

En hiver, il faut bien aller à l’épicerie du village mais pour le minimum car Marie-Thérèse met les légumes racines au frigo et a préparé ses potages à l’automne.

«On essaie d’être imaginatif en cuisine pour utiliser le maximum de produits d’ici dans les menus six services de la table champêtre.»

Marie-Thérèse

Potage au kale, feuilleté aux champignons sauvages, côtelettes de chevreau aux légumes-racines figurent par exemple au menu de saison. 

Cet hiver, Marie-Thérèse et Denis comptent bien monter une serre près du jardin pour prolonger la période de culture maraîchère. «On a encore du chou, des carottes, des poireaux, navets et des échalotes jusqu’en février mais de la salade et des épinards, ce serait vraiment bien!»


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