Pourquoi votre vin du Québec risque de coûter plus cher d’ici trois ans? - Caribou

Pourquoi votre vin du Québec risque de coûter plus cher d’ici trois ans?

Publié le

21 mars 2022

Texte de

Sébastien Daoust

Pour un amateur de vin, le Québec est un endroit rêvé. À travers le vaste choix de vins à la SAQ, le consommateur québécois est exposé à des vins de haute qualité provenant d’une multitude de pays. Qui plus est, depuis près de 40 ans maintenant, nous avons tous la chance d’avoir aussi des vins locaux qui, de l’admission des experts dans le domaine, sont maintenant capables de rivaliser sans gêne dans cette vaste sélection mondiale.
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Pour un amateur de vin, le Québec est un endroit rêvé. À travers le vaste choix de vins à la SAQ, le consommateur québécois est exposé à des vins de haute qualité provenant d’une multitude de pays. Qui plus est, depuis près de 40 ans maintenant, nous avons tous la chance d’avoir aussi des vins locaux qui, de l’admission des experts dans le domaine, sont maintenant capables de rivaliser sans gêne dans cette vaste sélection mondiale.
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L’inflation affectera le marché mondial d’ici les prochaines années. Déjà, quand je regarde le prix de bouteilles de verre, je vois une croissance de près de 30% des coûts par rapport à l’année dernière. Le salaire de mes collègues du Mexique a augmenté aussi, et c’est normal. Les problèmes de logistique internationale font augmenter le prix des équipements de nos chai, de la simple cuve au plus complexe des pressoirs. La dure décision d’augmenter les prix n’est pas facile à prendre, mais à un moment donné, il en va de la survie de notre industrie. Et malgré la perception de certains, un vigneron, comme n’importe quel autre agriculteur, ne vit pas seulement d’amour et d’eau fraîche.

Mais voici que le gouvernement crée artificiellement de l’inflation supplémentaire.

Partons à la base avec un vin que vous retrouvez dans l’épicerie fine du coin à 20$. Et prenons l’hypothèse que votre épicerie prend une marge de 25% sur ce produit. Ce vin est donc vendu à 15$ du vigneron à l’épicerie.

Sur cette base, regardons l’impact de trois nouvelles règles ou lois qui arriveront, et ce dans l’ordre chronologique.

La taxe d’accise

À la suite d’une plainte déposée à l’OMC en 2018, l’Australie s’est plainte d’une série de lois en vigueur au Canada dans le domaine du vin. L’un des piliers de cette plainte était la taxe d’accise, une taxe pour laquelle les produits canadiens étaient exemptés. Dans la foulée des décisions de l’OMC, la taxe d’accise devra s’imposer aux vins canadiens pour tous les produits embouteillés à partir du 1er juillet 2022.

Ce moment critique arrive dans moins de trois mois. Au bas mot, la taxe d’accise est d’environ 0,67$ par litre, donc 0,50$ par bouteille. Et je ne peux pas indiquer le prix de la taxe d’accise sur ma facture. Ça doit être intégré à mon coût.

La gestion de la consigne

Quand on parle de consigne, on pense souvent au 10 cents ou 25 cents que l’on paie sur une bouteille de bière, par exemple, et que l’on se fait rembourser lorsqu’on la ramène dans un point de retour reconnu (machine, épicerie, etc). Que cette logique s’applique aux bouteilles de vin, sachant la faible performance de nos centres de recyclage en termes de récupération du verre, il est clair que ce mécanisme offre de grands avantages.

Une des choses que l’on ne voit pas vraiment, ce sont les frais pour gérer tout ça. Je ne parle pas des frais de l’épicier qui reprend la bouteille, ou du producteur qui doit adapter ses systèmes informatiques pour comptabiliser ça correctement. Je vous parle du camion qui vient reprendre les bouteilles. Je vous parle de l’achat et de la maintenance des machines. Je vous parle des gens qui font la manutention entre le point de collecte et le point de revalorisation.

La raison pour laquelle cette question ne semble pas importante est que ce frais de gestion est pleinement compensé par le prix de l’aluminium, qui se recycle et se retravaille facilement. À lui seul, il compense les frais de gestion de la bouteille de verre et de la canette de bière. L’aluminium à revaloriser est extrêmement en demande et rentable.

Le verre, pour un vigneron, c’est une autre paire de manches. Oui, il y a une demande. On dit qu’on serait en manque de bouteilles à revaloriser. La revalorisation du verre consiste à transformer le verre en une granule similaire au sable, pour l’utiliser dans la fabrication d’autre verre, ou de ciment, et autres avenues du genre. Elle vise à remplacer le sable, notamment.

Or, si vous êtes une compétition au sable, vous êtes en compétition avec l’un des produits le plus disponible sur la planète. Vendre une tonne de verre ne rapporte à peu près rien. On ne peut donc pas financer tout un système avec ça. Il en revient aux producteurs que nous sommes de financer la structure autour de la consigne.

Basé sur certaines provinces qui ont un système du genre, il pourrait en coûter 0,15$ ou même 0,20$ par bouteille. Le gouvernement n’a pas accepté d’externaliser ce coût, il ne pourra donc pas apparaître comme une ligne distincte dans la facture que nous ferons à nos clients (épicerie, SAQ, etc). Ces frais arriveront d’ici la fin de l’année.

Les frais compensatoires SAQ

Je n’ai pas trouvé de bon terme pour parler de ce point. En fait, je n’aime pas l’expression, parce qu’elle donne l’impression que la SAQ est la cause du problème. Ce n’est pas le cas du tout.

Dans la décision de l’OMC en 2021, les produits en épicerie fine et grande surface devront être assujettis à une marge équivalente à celle prise par la SAQ. Entendons-nous: bien que la SAQ prenne une marge importante sur nos produits, ce n’est pas du pur profit. La SAQ gère le transport de nos vins, elle gère une part des paiements, de la marchandisation, du marketing, et d’un paquet d’éléments propres à la distribution et à la vente de vins. Et, par-dessus ça, il y a une vraie «marge» de profit, que l’on voit dans ses états financiers. Si je vends à l’épicerie, la SAQ ne distribuera pas ces produits, ça restera le vigneron qui va s’occuper d’aller livrer ses vins. Idem pour le paiement, pour la promotion, pour les ventes. Bref, seul la vraie «marge» de profit serait appliquée.

Que représente-t-elle? Nous ne le savons pas encore, mais nous l’espérons la plus petite possible. Cette taxe s’appliquerait à partir de 2023, et n’impliquerait que les vins vendus en épicerie, contrairement aux deux autres taxes précédentes. Mais il se peut que l’on parle de 2$ ou même 3$ par bouteille.

L’impact

Si j’additionne les chiffres qui vous sont soumis, nous arrivons à une augmentation de 0,70$ à la SAQ, et de près de 3,70$ dans les épiceries fines.

Mais ça va plus loin. C’est 3,70$ de plus sur le prix que je vends déjà à mes distributeurs/clients, pas le prix que le consommateur paie. Il faut ajouter la marge du détaillant. Si je l’ajoute, 25%, nous arrivons à 5$! Vous lisez bien, sur la tablette, le produit passera de 20$ à 25$!

Et à la SAQ?

Même si le frais de gestion de la consigne et la taxe d’accise ne représentent que 0,70$, nous parlons probablement d’une augmentation de 1,50$ du prix sur la tablette à la SAQ.

Donc, en résumé.

Vous paierez plus.

Le gouvernement recevra plus.

Par la bande, les détaillants en recevront plus (parce que je ne peux pas leur montrer sur une facture quelle est la part des taxes – je ne les blâme pas).

Et le vigneron ne recevra rien du tout. Il sera moins compétitif que les grands producteurs mondiaux.

Si vous êtes frustrés de la chose, imaginez nos producteurs. Ces trois taxes sont une façon de vous pousser à consommer de moins en moins local. Et ce avec l’accord tacite de nos gouvernements.

C’est comme ça que l’on crée artificiellement de l’inflation.

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