Le grincement de dents de Sylvain Dervieux: plus de lumière sur les compétences culinaires! - Caribou

Le grincement de dents de Sylvain Dervieux: plus de lumière sur les compétences culinaires!

Publié le

04 juillet 2022

competences culinaires
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Sylvain Dervieux est chef co-propriétaire avec Émile Tremblay et Andréanne Guay du Faux-Bergers, à Baie-Saint-Paul dans Charlevoix. Un restaurant qui pousse les limites du locavorisme en s’approvisionnant directement auprès d’une multitude de producteurs de la région pour déployer une cuisine instinctive sous forme de menu dégustation servi dans une ambiance familiale. Le talent des chefs leur permettent d’être créatifs à base des produits disponibles dans leur région au fil des semaines et des saisons. Or, Sylvain grince des dents en constatant que les compétences culinaires – un outil d’accessibilité pour se nourrir du territoire – ne soient pas davantage priorisées et développées dans notre société d’aujourd’hui.

Texte de Julie Aubé

Quel lien tisses-tu entre les compétences culinaires et l'alimentation locale?
Les compétences culinaires permettent de s’adapter aux saisons et au territoire pour se nourrir de façon saine et accessible. Quand on sait cuisiner, on est davantage en mesure de s’adapter aux aliments disponibles chez les producteurs de son coin, au fil des semaines. En ce sens, cuisiner améliore nos vies, tant d’un point de vue santé que budget. Une canne de raviolis à 3$, c’est vrai que ce n’est pas cher, mais y’a aucune qualité. Je ne veux pas passer pour un extrémiste, mais bien souvent, l’alimentation industrialisée «sans conscience» nous empoisonne à petit feu! Cuisiner, ça «coûte» du temps, mais ça nous rend plus autonome. Avec un minimum de compétences culinaires, on peut préparer des repas économiques et sains en misant sur les produits qui sont abondants, et donc accessibles. Pensons aux omelettes avec un légume qu’un fermier de notre région offre à bon prix lorsque c’est en saison. Ou à la possibilité, avec des pommes de terre ou des courges et un peu de farine, de se faire des gnocchis par exemple. Ça ne coûte rien, des gnocchis! Le défi c’est le temps pour cuisiner et… les compétences culinaires. On y revient toujours! Pour savourer un repas de gnocchis, simple, sain, local, pas cher et délicieux, il faut avoir appris à les faire. C’est pour cela que j’insiste sur l’importance des compétences culinaires.

Comment les compétences culinaires pourraient être mieux apprises, transmises?
Il faut miser sur tous les plans: dans les familles, dans les écoles, dans les cuisines collectives! D’ailleurs, si j’étais mécène, je financerais des projets de cuisines collectives. Beaucoup et partout! Si j’étais politicien, je ramènerais les cours d’économie familiale dans le système scolaire: je les prioriserais, et je les mixerais avec d’autres matières. Apprendre les fractions en cuisinant, apprendre l’anglais en cuisinant… Tant que l’école se lave les mains du développement des compétences culinaires des jeunes, elle délègue l’apprentissage de ces compétences essentielles aux parents, qui en ont déjà beaucoup sur les épaules. Il y a une responsabilité parentale, bien sûr: il faut inviter les enfants dans la cuisine, les faire participer, les amener au marché. Mais l’idéal serait une responsabilité partagée parents-école-collectivité. Et dans «collectivité», je nous inclus, les restaurateurs! J’aimerais, par exemple, que chaque cuisinier devienne un mentor pour un groupe de trois ou quatre familles de son coin, pour transmettre une technique, ou accompagner dans la transformation d’un gros lot d’un produit de saison acheté directement d’un fermier, ne serait-ce que deux fois par année. C’est réaliste, ça serait même le fun!

Tout ce que je dis, c’est avec humilité et sans jugement. C’est juste pour réaliser ce qui pourrait être fait si on se brassait, collectivement, autour de l’enjeu des compétences culinaires!

Sylvain Dervieux

*

Tu mentionnes beaucoup l’achat auprès des fermiers. Pour toi, les compétences culinaires, ça inclut l’approvisionnement?
Ça va ensemble! L’approvisionnement en direct, s’adapter à ce que les producteurs ont au fil des saisons, c’est le point de départ pour bien manger à bon et juste prix. Les compétences culinaires, c’est un outil pour se débrouiller à base de ce qui est offert chez les fermiers de proximité, savoir faire des substitutions au fil des saisons et des arrivages, varier les menus même pendant l’hiver alors qu’il est normal qu’il y ait moins de produits frais: bref, c’est une clé d’accessibilité pour se nourrir du territoire! Prendre conscience de cela, ce serait un gros pas en avant!


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