Sur la citoyenneté alimentaire - Caribou

Sur la citoyenneté alimentaire

Publié le

08 août 2022

citoyennete alimentaire
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L’illustratrice agroalimentaire Laucolo se questionne depuis des années sur les enjeux complexes de nos systèmes alimentaires. Elle nous parle ici d’une idée à laquelle elle croit beaucoup: la citoyenneté alimentaire.

Texte et illustration de Laurence Deschamps-Léger, alias Laucolo

Il y a de ces idées qui m’apportent clarté, sens et inspiration au fil du temps. Le genre de mots qui ne décrivent pas d'objets matériels, mais plutôt des processus abstraits et complexes qui évoluent. La citoyenneté alimentaire est une de ces idées pour moi. Même si elle peut se définir de plein de façons, je trouve qu'elle peut être un guide et un outil dans notre quête à améliorer le système alimentaire.

Il n’y a pas de définition unique ou de recette précise pour devenir un-e citoyen-ne alimentaire. C’est plutôt une posture, un désir de s’informer, de s’impliquer et d'avoir un impact sur des enjeux alimentaires et agricoles de notre communauté.

La citoyenneté alimentaire, à mon sens, ne met pas le poids du changement sur les épaules des individus. Plutôt, elle nous met en position d'exiger des gouvernements qu’on redistribue le pouvoir aux communautés et qu'on respecte notre droit à une alimentation saine, de qualité et écologique. 

J’apprécie particulièrement l’idée parce qu’elle fait le pont entre l’alimentation comme enjeu individuel et collectif. La citoyenneté alimentaire nous amène entre autres à nous demander: si je le souhaite, comment puis-je, en tant qu’individu ou communauté, participer aux décisions de production et à la gouvernance du système alimentaire? 

Dans ma question, je souligne «si je le souhaite» parce que je ne pense pas qu'on ait tous et toutes la même capacité à s’informer et à s’impliquer dans le système alimentaire, que ce soit pour des questions d'intérêt ou de privilèges. Toutefois, pour celles et ceux qui souhaitent et qui peuvent le faire, quelles sont nos options pour se faire entendre? 

Comment la citoyenneté alimentaire peut-elle se manifester concrètement à l’échelle du quartier, de la ville, de la province ou au sein d'organismes? 

De consommateur-rice à citoyen-ne

Qu’on parle de citoyen-ne mangeur ou de citoyen-ne alimentaire, un des éléments importants à retenir de la citoyenneté alimentaire est que nous sommes plus que des consommateur-rices et que les aliments ne sont pas que de simples marchandises. Notre place dans le système alimentaire n’est pas qu’économique, elle ne se résume pas qu’à nos achats d’aliments.

Pourquoi est-ce que ceci est important? Parce qu'en se percevant comme citoyen-ne, on reprend des droits et du pouvoir et on s'autorise à vouloir influencer le système alimentaire du futur. C’est ce qu’affirme le Food Ethics Council, un organisme situé au Royaume-Uni dont la mission est d’accélérer l’adoption de pratiques écologiques et équitables, qui considère que la citoyenneté alimentaire et le fait de s'approprier ce terme, est un des outils permettant la transformation de notre système alimentaire.

«La citoyenneté alimentaire, c'est bien plus que d'avoir le privilège de choisir une bonne nourriture. Il s'agit d'avoir une capacité d’agir individuelle et collective au sein d'une société où le capitalisme, les inégalités sociales et un réseau alimentaire complexe se croisent. Cela exige de nous la responsabilité d'être véritablement humanitaires, d'être des protecteurs de la nature et de défendre une véritable démocratie et les droits de l'homme. Notre citoyenneté alimentaire nous place en tant que détenteurs de droits dont le droit à l'alimentation, pour tenir notre gouvernement responsable de son devoir de veiller à ce que toutes les personnes puissent accéder à une alimentation culturellement appropriée, saine, durable et juste.»

Dee Woods, co-fondatrice de la Granville Community Kitchen et membre du Food Ethics Council (traduction libre)

*

En s’informant et s’impliquant dans le système alimentaire et en attendant des pouvoirs politiques qu'ils fassent plus et mieux pour la justice alimentaire, l’urgence climatique et les écosystèmes, on adopte une posture active qui est nécessaire pour faire bouger les choses... bien qu'elles bougent souvent très lentement j'en conviens. L'implication dans sa communauté peut d'ailleurs être une source de réconfort et d'apaisement devant les défis immenses de notre temps. Tout ne repose pas sur nos épaules individuelles. 

Où sont ces espaces où on peut réfléchir, débattre, influencer les décisions en matière d’alimentation et d’agriculture au Québec? Comment en créer plus? Comment faire le poids devant l'influence de l'industrie agroalimentaire?

Nos aliments sont une partie de notre culture, ils habitent nos paysages, créent des métiers, des récits, ils sont liés à nos histoires individuelles et collectives, ils ont des impacts sur les écosystèmes, sur la bureaucratie, sur les économies des pays où on importe et exporte, ils ont des ramifications à peu près infinies. La prochaine fois qu’on nous appellera consommateur-rice dans un contexte où on parle d’alimentation ou d’agriculture, demandons-nous si le terme citoyen-ne nous donnerait plus de poids et de pouvoir.

Et vous? Vous sentez-vous plus interpellé par le terme citoyen-ne que consommateur-rice? 

Références
- Site web du Food Ethics Council
- Jennifer L. Wilkins “Eating right here: Moving from consumer to food citizen”, Agriculture and Human Values (2005) 22: 269–273
- Stevens Azima et Patrick Mundler, « Citoyenneté alimentaire et développement durable », Bulletin de veille bibliographique sur les circuits alimentaires de proximité, N°11, fiche n°1 - Juin - Juillet 2020

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