Parti culinaire: la gastronomie comme projet de société - Caribou

Parti culinaire: la gastronomie comme projet de société

Publié le

22 septembre 2022

gastronomie
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Après cinquante ans dans le monde de la restauration, le chef Jean-Louis Thémis a tout fait: diriger des restaurants, publier des livres de cuisine, enseigner à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, fonder un organisme de coopération internationale (Cuisine sans frontière). Tout, même se lancer en politique. Son bébé, le Parti culinaire, projet un peu fou «mais quand même sérieux», sollicitera les votes des électeurs québécois pour une deuxième fois le 3 octobre prochain. Gastronomes du Québec, unissez-vous!

Texte de Benoit Valois-Nadeau

chef
Le chef Jean-Louis Thémis

Mené avec le sourire, une pincée d’idéalisme et beaucoup de plaisir, le Parti culinaire présente cette année deux candidats dans des circonscriptions montréalaises, Gouin et Laurier-Dorion. Le chef Thémis et sa candidate Amélie Villeneuve défendent avec conviction l’idée d’une «gastronocratie», projet de société dans lequel toutes les décisions seraient prises en fonction de leur impact sur l’alimentation des citoyens.

À quelques jours du scrutin, Caribou s’est entretenu avec le chef (cuisinier et politique) du Parti culinaire, Jean-Louis Thémis, candidat dans Gouin.

Qu’est-ce que la «gastronocratie»?

En gastronocratie, ce serait la gastronomie qui dicterait nos décisions de société: ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, en fonction de son impact sur ce que l’on mange. Par exemple, un pipeline qui passe par des lacs remplis de poissons et des terres agricoles fertiles, et qui risque de polluer la nappe phréatique, dans une gastronocratie, ça ne passe pas. 

Mes 50 ans de métier m’ont amené à penser que, finalement, dans la gastronomie, on peut puiser des idées politiques. Une population qui mange bien est une population qui est en santé et qui fait porter un poids moins lourd sur le système de santé. Bien manger, c’est aussi bon pour l’environnement : on laisse tomber les pesticides, on respecte les nappes phréatiques. Économiquement, si on mange local, tout le Québec en profite.

La gastronomie, ça se passe en amont et non dans la cuisine d’un restaurant chic. La gastronomie commence chez les agriculteurs, les pêcheurs et les fermiers qui nous amènent de bons produits. Sans de bons produits, qui sont les fruits de leur sueur, on ne fait pas de gastronomie. C’est pour ça que dans une gastronocratie, les agriculteurs seraient mieux payés que les médecins. Parce que tout part de là: s’il n’y avait pas d’agriculteurs, on crèverait tous de faim. Il n’y aurait pas de joueurs de hockey, de musiciens, de politiciens. Si on ne mange pas, on meurt!  

Pourquoi avoir choisi la politique pour défendre vos idées?

Acheter une carotte, c’est politique! Choisir une carotte du Chili ou du Québec, c’est un acte politique. En mangeant local, on fait vivre le fermier, le distributeur, le restaurant, bref toute une industrie! 

Bien sûr, je pousse ma folie et on fait tout ça avec le sourire. Ce qui manque beaucoup dans la politique en ce moment, c’est le mot «bonheur». Mais bien manger, c’est le bonheur! C’est bon pour la santé, l’environnement, l’économie, c’est bon dans la lutte contre la pauvreté, c’est bon contre le gaspillage, c’est bon pour beaucoup de choses! (rires)

Le Parti culinaire est une graine qu’on sème pour l’avenir. Je rêve que des jeunes fassent du pouce sur cette idée et y voient une inspiration politique. En ce moment, on a l’impression qu’il y a seulement l’argent pour résoudre les problèmes de santé et d’environnement. Or, peut-être qu’au niveau comportemental, si tout le monde faisait un effort pour bien manger, on irait plus loin. 

Comment réagissent les citoyens lorsque vous leur présentez le Parti culinaire?

Ça fait sourire! Les gens dans la rue me demandent si c’est sérieux, mais la plupart écoutent mes idées et y trouvent du sens. On amène un peu d’oxygène dans les élections et dans un milieu politique assez austère. Je sais qu’on n’ira pas loin en termes de votes (NDLR : le chef Thémis a obtenu 169 voix dans Laurier-Dorion en 2018), mais si ça pouvait continuer à germer dans la tête des quelques milliers de personnes que j’ai rencontrées, ce serait génial. C’est de la pédagogie de rue. Peut-être qu’un jour, on parlera de la gastronocratie dans les classes d’hôtellerie ou dans les cours de philo. Je vais quitter ce monde en laissant un néologisme, c’est déjà beaucoup! Je pense que c’est ma plus grande fierté, plus que mes recettes.

«La gastronomie, c’est pas juste bon dans le ventre, c’est bon partout!»

Jean-Louis Thémis

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