Pour bien des familles, la boîte à lunch est synonyme de corvée et de prises de tête. Cette mini-série explore des écoles qui ont misé sur des alternatives solidaires pour nourrir les élèves. Après un arrêt dans le petit village de Sutton, direction Val-des-Sources, en Estrie, où la Coopérative alimentaire des Sources nourrit, pour une sixième année, un véritable projet de communauté.
Un texte de Laura Shine
Fin août, plusieurs étudiants de l’école secondaire de l’Escale, à Val-des-Sources, ont confié à leur enseignante Véronic Poisson qu’ils avaient hâte à la rentrée… pour venir bien manger.
Pour une sixième année, c’est la Coopérative alimentaire des Sources qui gère la cafétéria de l’Escale, pour le plus grand bonheur des élèves qui la fréquentent. Comme pour Racine Pop, à Sutton, le projet de nourrir autrement les jeunes repose d’abord sur un engagement conjoint de l’équipe-école et de la communauté.
«En 2016-17, j’étais dans un comité scolaire de saines habitudes de vie», explique Véronic Poisson, qui est aussi directrice générale de la Coop.
«On cherchait à améliorer le service de cafétéria, qui était géré par un traiteur externe. On a décidé de monter un plan d’affaires et de fonder une coopérative pour que le sentiment d’appartenance soit là, que tout le monde participe, que ça fasse partie intégrante de l’école.»
Véronic Poisson
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Au quartier général, dans les cuisines de l’Escale, on prépare entre 1300 et 1500 repas par semaine. C’est qu’en plus de nourrir les élèves de la polyvalente, l’organisme dessert aussi sept écoles primaires et un service de garde.
La mise en réseau de plusieurs établissements scolaires de la région permet de répartir les coûts et les effectifs – un modèle dont s’est d’ailleurs inspiré Racine Pop pour l’école de Sutton. Les écoles primaires desservies ont toutes une cuisine qui permet de réchauffer les plats, mais qui serait trop petite pour cuisiner pour tous les élèves. C’est donc une équipe d’employés qui assure la livraison des plats cuisinés à l’Escale et les prépare pour le service.
De la ferme au bar à salade
Chaque midi, les employés sont épaulés par une solide équipe: les enfants sont responsables de préparer le bar à salade quotidien. «Au début, il y avait de l’éducation à faire: quand on leur servait des légumes, ça partait à la poubelle», explique Véronic Poisson.
«Avec le bar à salade, ce sont les jeunes qui sont en charge… J’envoie les ingrédients et ce sont eux qui préparent le bar. Comme les jeunes participent, ils adhèrent plus.»
Véronic Poisson
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Les ingrédients de ces bars à salade, eux, font la part belle aux produits locaux – à 95%, selon la plus récente quantification fournie par Aliments Québec. Dès ses débuts, la Coop a développé son plan d’affaires en fonctions de l’offre locale, tant pour les viandes que les fruits et les légumes. Les petits fruits sont congelés en saison et servis tout au long de l’année. On en retrouve notamment dans les desserts, toujours faits maison par un boulanger-pâtissier qui assure aussi la boulange quotidienne.
Pour garnir ses assiettes d’aliments locaux, l’équipe de la Coop mise avant tout sur la saisonnalité. Une organisation qui exige flexibilité et débrouillardise. Ici, pas de menu rotatif, où les plats reviendraient fidèlement à une fréquence prédéterminée. Si l’élément central du repas est prévu un mois d’avance, les accompagnements, eux, sont déterminés en fonction de ce qu’amènent les maraîchers – une fois par semaine ou, pendant la saison des récoltes, deux ou même trois fois. «Cette semaine, j’ai reçu de la salade romaine en quantité industrielle», s’exclame Véronic Poisson.
«Aujourd’hui, j’avais des paninis au poulet au menu… eh bien on les a accompagnés de salade César! On s’adapte à ce qu’on reçoit.»
Véronic Poisson
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Une cuisine pour tous
L’implication des jeunes s’étend au-delà du bar à salade, car la Coop s’est aussi donnée comme mission d’améliorer la littératie alimentaire. Un jardin pédagogique permet aux élèves de l’Escale d’explorer les rudiments du jardinage; récemment, l’école a aussi acquis une serre hydroponique. Les verdures qui y poussent sont cultivées et consommées par les élèves.
La Coopérative offre aussi des ateliers culinaires aux adolescents. Sans CÉGEP ni université dans la région, ceux qui souhaitent poursuivent leurs études doivent se débrouiller seuls en appartement. Les ateliers leur offrent donc des bases pour s’y retrouver en cuisine: comment maximiser les achats de produits frais, économiser sur l’épicerie, préparer un bouillon maison. L’autonomie alimentaire et les saines habitudes de vie sont au programme. En accord avec la mission de la Coopérative, on y valorise aussi les produits de saison et les aliments locaux.
La solidarité est aussi au menu. Les retombées économiques générées par l’achat des repas – vendus 6$ pour un plat chaud et ses accompagnements, un breuvage et un dessert – alimentent un ambitieux programme d’aide alimentaire. Chaque semaine, ce sont près de 200 repas qui sont offerts gratuitement à des élèves dont la famille éprouve des difficultés financières. Une communauté qui s’unit pour nourrir ses enfants, de la ferme à la cafétéria.