Bernard Lavallée à la défense de la biodiversité alimentaire - Caribou

Bernard Lavallée à la défense de la biodiversité alimentaire

Publié le

05 décembre 2022

Le nutritionniste urbain Bernard Lavallée
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La conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15) aura lieu à Montréal du 7 au 19 décembre. De hauts dirigeants de partout dans le monde sont attendus dans la métropole afin de définir des objectifs et un important plan d’action qui, ultimement, permettront de freiner le déclin de la biodiversité sur Terre.

Un évènement qui tombe à point pour Bernard Lavallée, alias le nutritionniste urbain, qui a publié cet automne un troisième ouvrage, À la défense de la biodiversité alimentaire: sur la trace des aliments disparus, dans lequel il revient sur certains grands moments de l’Histoire pour nous faire comprendre comment, quand et pourquoi certains aliments ont disparu de la surface de la Terre. En refermant le livre, on comprend pourquoi on ne mangera plus jamais de mammouth laineux ou de dodo, par exemple, et on a envie de tout faire pour préserver notre fruit ou légume préféré de sa mort annoncée.

Notre entrevue avec l’auteur et nutritionniste, qui donnera justement une conférence sur la biodiversité alimentaire aux participants de la COP15.

Texte de Virginie Landry

Ton livre est très fouillé et vraiment complet. On en termine la lecture en se rendant compte que tu vas bien au-delà de la nutrition. Comment réussis-tu ce tour de force?

Quand on étudie en nutrition, on apprend à s’intéresser à comment les aliments influencent notre santé. Moi, j’ai toujours voulu décloisonner la nutrition et la faire évoluer au-delà de ça. En fait, j’ai l’impression que je m’intéresse tellement aux aliments, à ce qu’ils sont, à leur histoire, à comment on les produit, comment on les consomme, que ça me fait comprendre plusieurs autres sujets complexes, comme l’histoire, la géographie et l’impact environnemental du cycle alimentaire. Tout est lié à la vie, en fait.

biodiversité alimentaire

Tu es un excellent vulgarisateur. Malgré la complexité du sujet, la lecture est facile et plaisante grâce aux «bulles de Bernard», des petites capsules où tu prends la parole à mi-chapitre pour ajouter ton grain de sel personnel, et les fins de chapitres, où tu résumes toute l’information qu’on vient de lire sur une seule page nommée «ce qu’il faut retenir». C’est simple, clair et même parfois humoristique. À qui adresses-tu tes livres quand tu les rédiges?

Mes livres, je les écris d’abord pour moi. C’est toujours une quête personnelle. Cependant, je suis très pédagogique, je le sais. Je crois fermement que peu importe la complexité d’un sujet, il y a une façon de l’aborder pour que tout le monde le comprenne, que ce soit des universitaires ou des enfants. D’ailleurs, lorsque je donne des conférences, je parle de la même façon à des adolescents dans une école secondaire qu’à des docteurs. Tout le monde aime ça se faire vulgariser des concepts. D’où la façon dont je rédige mes livres.

Et quelle a été la quête personnelle derrière ce livre-là en particulier?

L’élément déclencheur de celui-ci a été la statistique selon laquelle seulement neuf plantes constituent les deux tiers de la production alimentaire mondiale et que cinq animaux représentent presque l’entièreté de toute la viande, les œufs et le lait qu’on mange. J’ai voulu savoir comment on s’était rendu là. J’ai été naïf de croire que la question que je me posais serait facile à répondre. C’était un sujet bien plus complexe que ce à quoi je m’attendais.

J’ai aussi l’impression que malgré l’urgence du sujet, le lecteur ne se sent pas attaqué par les constats que tu émets dans ton livre. Comment faire pour passer ces puissants messages, sans pour autant décourager la personne qui te lit?

Comme nutritionniste, j’ai toujours trouvé très important de déculpabiliser les gens face à l’alimentation. Je trouve qu’on tombe souvent dans le piège de tenir les individus responsables pour tout ce qui arrive, alors que la perte de biodiversité alimentaire, c’est une problématique bien plus grande qui implique tout le cycle alimentaire, de la production aux consommateurs, ainsi que les grands dirigeants. C’est pourquoi dans mon livre, je pointe un peu partout, et non pas qu’en direction du lecteur.

«Je crois qu’aujourd’hui, à notre époque, les gens étaient prêts à entendre parler de ce sujet. On est une méchante gang d’écoanxieux qui savent que la biodiversité est en danger.»

J’aimerais souligner le travail de Simon L’Archevêque, qui illustre ton livre encore une fois. C’est à lui qu’on doit le design de tous tes projets, des livres aux coffrets de semences. Ses images sont colorées, ludiques et épurées, elles aident à bien illustrer tes propos. Comment est-ce que son travail a évolué avec les différents projets?

Je dirais qu’il s’est surpassé avec ce troisième livre, c’est vraiment une coche au-dessus des autres! Avec l’expérience qu’il a acquise à la suite de la publication des autres livres, Simon connaît mieux le papier et a anticipé comment cela allait sortir à l’imprimerie. Il a su cette fois-ci adapter les couleurs et ses designs pour que ça sorte exactement comme il le voulait. Le résultat est très beau et j’en suis très fier. 

Tu apportes beaucoup de solutions à la fin de ton livre afin de tenter de sauver la biodiversité alimentaire qu’il nous reste. Par laquelle suggères-tu de commencer, si on veut s’attaquer rapidement au problème?

J’ai beau écrire sur différents sujets depuis le début de ma carrière, je répète toujours les mêmes solutions! J’en reviens aux mêmes constats chaque fois que je traite d’un nouveau sujet: il faut absolument diminuer sa consommation de viande et s’attaquer au problème du gaspillage alimentaire. Ce sont les deux actions à poser le plus rapidement possible.

Et le locavorisme, dans tout ça?

Il reste marginal comme geste pour sauver la biodiversité alimentaire, comparé aux deux autres. En revanche, le locavorisme permet de créer un lien avec les aliments et leurs producteurs. De savoir qui a produit notre aliment, combien de temps ça lui a pris, quelles ressources ont été nécessaires pour le produire… ça motive les changements, c’est sûr! Je dirais que ça pourrait aussi nous aider à préserver certains aliments. 

«La perte de biodiversité, ce n’est pas qu’un patrimoine génétique perdu, mais aussi un patrimoine immatériel telles les cultures de certains peuples, mais aussi des recettes, par exemple.»

Finalement, quels aliments suggères-tu qu’on ajoute à notre panier d’épicerie?

Plusieurs! Je le répèterai sans cesse: mangez diversifié! Goûtez à un grand nombre de produits! Découvrez de nouveaux aliments! Amusez-vous à cultiver des semences ancestrales de légumes rares! Il ne faut surtout pas que tout le monde se mette à manger un seul et même aliment. Il faut diversifier son panier d’épicerie si on veut garder toute notre belle diversité en vie.

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