Rêver d’une huître 100% québécoise - Caribou

Rêver d’une huître 100% québécoise

Publié le

03 décembre 2022

huitres du quebec
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Parce que le temps des Fêtes, c’est fait pour «être spécial», pour qu’on goûte de nouvelles choses, qu’on se gâte ou qu’on gâte nos proches, chaque samedi d’ici Noël, Caribou vous propose d’aller à la rencontre d’un artisan qui cultive, transforme ou cuisine un produit de luxe. Voici le premier portrait de la série.

Texte de Virginie Landry

Quitter Montréal pour s’installer aux Îles-de-la-Madeleine est un projet ambitieux. Imaginez si, en plus, c’est pour démarrer sa propre ferme d’élevage d’huîtres… à l’âge de 25 ans. Voici l’histoire d’Alexandre Brazeau, fondateur et directeur des opérations de la ferme ostréicole Huîtres Old Harry, à Grosse-Île.

Comment est-ce qu’un jeune diplômé en finance de la John Molson School of Business de l’Université Concordia en est venu à tout plaquer pour se lancer dans la culture de mollusques à l’autre bout de la province? Tout d’abord, par intérêt pour l’industrie de l’alimentation:

«En travaillant dans le domaine de la restauration, j’ai découvert un réel engouement pour les huîtres, surtout chez les jeunes.»

Alexandre Brazeau

*

Puis, c’est l’aspect environnemental de la production d’huîtres qui l’a séduit. En se renseignant sur le mollusque, il s’est rendu compte qu’en plus d’être délicieux et nutritif, il était essentiel au maintien d’un écosystème marin propre. En effet, une huître filtre et nettoie l’eau en se nourrissant d’algues et de planctons, améliorant ainsi la qualité de l’eau dans laquelle elle vit.

Alexandre Brazeau en était désormais convaincu: il allait devenir ostréiculteur. En avril 2018, il fonde son entreprise avec deux partenaires, qui ont aujourd’hui quitté le navire. Au même moment, il remporte le défi provincial OSEntreprendre et charme le jury grâce à son projet mariant «un style de vie, une passion et une vision du monde». L’année suivante, il obtient la bourse d’honneur du ministère de l’Économie et de l’Innovation visant à encourager les jeunes à se lancer en entrepreneuriat.

peche aux huitres
Alexandre Brazeau, fondateur et directeur des opérations de la ferme ostréicole Huîtres Old Harry, à Grosse-Île

L'huître Old Harry

«Les huîtres, parce qu’elles ont été surpêchées dans les Maritimes, ont beaucoup de difficulté à se reproduire naturellement dans nos eaux», indique Alexandre Brazeau, qui s’est beaucoup renseigné sur ce qui est produit au Québec.

Selon lui, une huître 100% locale serait idéalement un mollusque dont la ponte et la croissance auraient lieu dans les eaux québécoises. Possédant actuellement la seule ferme de croissance au Québec, Alexandre n’a d’autre choix que de commander des naissains (des larves d’huître) provenant d’écloseries des Maritimes et de les faire ensuite grandir dans ses eaux.

Les autres producteurs se procurent habituellement des huîtres ayant déjà quelques années de vie
pour terminer leur croissance dans leur plan d’eau. En ce sens, elles ne sont pas totalement québécoises. «C’est long, démarrer sa ferme d’huîtres, admet le jeune entrepreneur. Ça prend plusieurs permis, dont ceux du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et de Pêches et Océans Canada, entre autres, avant de pouvoir te lancer dans la création de ton site aquacole.»

Ensuite, il faut choisir son emplacement. La température de l’eau et le climat ambiant sont les facteurs les plus déterminants d’un choix de site pour établir une ferme d’huîtres, plus particulièrement si on veut en faire la reproduction. «Presque tous les producteurs d’ici utilisent la même variété, l’huître de Virginie. C’est le plan d’eau dans lequel elle grandit ainsi que le plancton qu’elle mange qui vont lui donner son goût distinct», explique Alexandre Brazeau.

old harry

Goût minéral frais et distinct

La baie de Old Harry, à Grosse-Île, dans le nord des îles de la Madeleine, a donc stratégiquement été choisie pour son eau salée riche en nutriments et son emplacement à l’abri des grands vents, protégeant ainsi les équipements.

«Un peu d’eau douce se déverse dans la baie, et c’est ce qui donne un goût minéral très frais et distinct à mes huîtres.»

Alexandre Brazeau

*

Il les cultive ensuite en suspension, dans des cages flottantes situées à la surface de l’eau et constamment secouées par les vents et marées. Résultat? Des mollusques à la chair plus généreuse que ceux cultivés sur le fond, grâce à un abondant apport en nourriture et au muscle adducteur fort, en raison du constant culbutage.

Au fur et à mesure que les huîtres grandissent, elles sont triées, nettoyées, puis déplacées dans des cages à plus grands maillages. On répétera ce processus pendant trois à quatre ans, avant de pouvoir les mettre sur le marché.

huitres du quebec

À quand une huître 100% québécoise, donc? «En 2022, une première ponte en milieu naturel a eu lieu. Je suis persuadé qu’aux Fêtes 2026, je pourrai offrir une première livraison d’huîtres 100% locales», déclare Alexandre, confiant. En attendant, il est possible de se procurer des huîtres Old Harry dans plusieurs épiceries — Metro et IGA, notamment — en saison.

Les mois en «bre», ou la saison des huîtres
«Les huîtres sont bonnes à l’année. C’est juste qu’arrivées en octobre, novembre et décembre, l’huître se rend compte que l’eau est en train de refroidir et se gave avant de passer en dormance pour l’hiver, raconte Alexandre Brazeau. C’est donc à ce moment-là qu’on va récolter celles qui sont prêtes. Pour les autres, j’enlève les flotteurs de sur mes cages et elles tombent donc un peu plus profond dans l’eau, sous la glace. Elles seront ensuite remontées au printemps.»

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Ce texte est paru à l’origine dans les pages du quotidien Le Devoir, le 26 novembre 2022.

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