Journal d’un vigneron: de l'importance des réflexions autour de l’îlot - Caribou

Journal d’un vigneron: de l’importance des réflexions autour de l’îlot

Publié le

17 février 2023

Ilot Rassemble
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Pour la première fois depuis longtemps, Sébastien Daoust a participé à une soirée de réseautage. Cet événement lui a fait réaliser l'importance, pour les acteurs du milieu agroalimentaire, de réfléchir à leur industrie. Retour.

Texte de Sébastien Daoust, vignoble Les Bacchantes

9 février 2023. Il fut une époque où mes soirées de semaine étaient bien occupées. Elles le sont encore, de façon un peu différente. Les devoirs des enfants, le souper. Et on travaille un peu après. On découpe la journée en morceaux.

À cette époque, sans enfant, sans vignoble, ma conjointe et moi avions la chance de réseauter amplement. Des 5 à 7 au sommet de la Place Ville-Marie aux soupers bénéfices à la gare Windsor, rencontrer des gens, comprendre ce qui se passait dans leur monde professionnel, et parfois, dans leur vie personnelle, c’était enrichissant. Je garde de cette période plusieurs amis qui m’ont vu en tuxedo et qui me voient conduire un tracteur aujourd’hui.  

J’ai donc eu un flashback quand l’invitation pour l’événement ILOT RASSEMBLE 2023 est arrivée dans ma boîte de courriels. ILOT est ma firme de marketing, mais ses fondateurs se sont donnés un mandat plus large que le marketing: celui d'alimenter les discussions sur l'industrie agroalimentaire. Des conférenciers intéressants allaient discuter de certains enjeux de l’industrie agroalimentaire. Et c’était une première fois, depuis des lunes, que j’allais rencontrer des gens de domaines bien différents du mien.

Les invités étaient Jean Lacroix de Cintech agroalimentaire, Sébastien Poitras de Léger, Simon Brière de R.J. O’Brien & Associés Canada et David Robichaud de l’Université d’Ottawa. Les sujets abordés? Le climat, l’économie et l’identité. Ça semble bizarre et un peu éparpillé, mais l’équipe d’ILOT a créé un fil conducteur à ces discussions et ces débats qui donnaient un portrait global du milieu l’agroalimentaire au Québec. M. Poitras, de Léger, présentait une vue statistique de la situation des Québécois sur les différents dossiers, puis les autres panélistes ajoutaient leur point de vue unique à la situation. 

En lisant les divers tableaux parsemant les murs de l’ancienne usine du Vieux-Montréal dans lequel nous nous trouvions, dévoilant plein de statistiques et de citations, j’avais le sentiment que comme producteur agroalimentaire, j’allais recevoir un genre de leçon de vie vertueuse, me disant que je devais recycler, faire attention aux emballages, que l’environnement est important. On est tous d’accord, on veut tous en faire plus, mais il y aussi la réalité de nos entreprises. Sans entrer dans les détails, les panélistes ont eu un débat de faits, d’exemples, et ont transformé leurs idées pour en faire des points sur lesquels comme producteur, nous pouvions agir. Ils nous ont offert quelques bons outils de réflexions stratégiques qui, je l’avoue, m’ont pris par surprise. 

Ilot Rassemble André Lamontagne
Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, André Lamntagne - Photo: Jules Delorge

Le ministre de l’agriculture, André Lamontagne, était présent. Et chose intéressante, il est arrivé bien avant le moment de son intervention pour écouter les débats qui avaient lieu. J’ai connu, dans une autre vie, toute la complexité de l’horaire d’un ministre. Qu’il ait été présent pendant tout ce temps, même si son intervention ne se limitait qu’à une dizaine de minutes à la toute fin du débat, j’ai trouvé que ça montrait un réel intérêt du ministre d’être à l’écoute de plus petits producteurs. La discussion qu’il a eue avec certains d’entre nous, sans le filtre très stratégique des lobbys d’industrie, a certainement été apprécié par les personnes présentes. 

Savoir se remettre en question

Des trois sujets abordés (le climat, l'économie et l'identité), c’est la question de l’identité qui m’a fait le plus réfléchir. On ne parle pas d’identité nationale, mais bien des sentiments identitaires du consommateur, comment il s’identifie, ce à quoi il s’attend de la part des producteurs que nous sommes. J’aurais pris deux heures de discussion de plus sur ce sujet.

Et dans l’industrie du vin, quand on parle de profil consommateur, de ce que le client veut, de segmentation de marché, ça en ennuie plusieurs. J’assiste à plusieurs rencontres de vignerons dans l’année. Il y a toujours beaucoup d’information sur la vigne (la taille, des études sur la rusticité, les insectes) et quelques sujets sur la vinification (comment réduire les sulfites, par exemple). C’est très technique. C’est pertinent, mais dans ma vision des choses, faire du vin n’est que la moitié de l’équation.

Nous avons vécu de belles années. Si jamais nous commencions à avoir un marché plus étroit, la question se poserait pour chaque vigneron, mais aussi pour chaque producteur: je fais des produits pour qui? Et ce consommateur, qu’est-ce qu’il attend de moi? Quelle est sa vision des produits du Québec? Ce n’est pas une question sexy. C’est presque tabou, en fait. Mais pourquoi une question que toutes les autres industries se posent ne devrait pas être posée dans la nôtre? Pourquoi est-ce tabou? 

Au-delà de la soirée, je pense qu’ILOT et les intervenants du milieu ont vu qu’il manquait ce morceau unificateur de l’industrie. La représentation de la réalité de nos industries de producteurs et transformateurs manque un point d’ancrage autour duquel la réflexion peut avoir lieu. Pour les plus gros producteurs, il y a des événements annuels de grande envergure, fort onéreux, hors de portée des petits producteurs. ILOT l’a compris. Le médium de cette soirée était parfait, et si l’événement revient, je pense que plusieurs autres acteurs pourraient s’y greffer. Petits et gros. 

Un peu comme Caribou, en fait. Faire rayonner la culture culinaire du Québec est un défi, puisque l’écosystème est complexe et fluide. Nous étions bien stressés, pendant la pandémie, à l’idée de s’approvisionner localement pour nos aliments. Une revue comme Caribou, ou un événement comme ILOT Rassemble, c’est un des rares outils que nous, producteurs et transformateurs, avons pour réfléchir et exposer notre réalité. Et se remettre en question, n’est-ce pas un outil nécessaire pour assurer notre pérennité?  

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