Zéro déchet, mais bien des embûches - Caribou

Zéro déchet, mais bien des embûches

Publié le

04 février 2023

Épicerie zéro déchet
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Après trois années difficiles en raison de la pandémie et des mesures sanitaires, les épiceries zéro déchet commencent à sortir la tête de l’eau. Le retour à la normale leur permet de retrouver tranquillement leur clientèle, mais les embûches sont encore nombreuses dans un contexte économique difficile.

Texte de Benoit Valois-Nadeau

La pandémie et les mesures sanitaires qui y ont été associées ont eu un effet dévastateur sur les épiceries offrant des produits en vrac. Alors que la province en entier évitait les contacts et restreignait ses sorties au strict minimum, les épiceries zéro déchet, avec toutes les manipulations que leur fonctionnement implique, ont été délaissées par une partie de leur clientèle.

Plusieurs ont dû fermer leurs portes. C’est le cas de l’épicerie Bokal, à Belœil, en Montérégie, du Pont vert à Prévost, dans les Laurentides, ou encore d’Avrac A’davrac, à Sherbrooke, en Estrie. «Pendant la pandémie, les grandes préoccupations étaient l’hygiène et la santé. Les engagements environnementaux étaient un peu oubliés», constate Andréanne Laurin, directrice générale des épiceries LOCO, qui comptent quatre succursales dans la région de Montréal.

LOCO a vu ses ventes chuter de 25 à 30% durant cette période. La fréquentation des boutiques a repris du poil de la bête au cours des derniers mois, mais elle n’a pas encore retrouvé ses niveaux prépandémiques. Pour survivre, l’entreprise a notamment dû déménager sa plus grande succursale, qui était dans le quartier Ahuntsic, dans un local de plus petite taille «mais plus raisonnable».

Andréanne Laurin, qui est aussi fondatrice de l’Association québécoise des épiceries zéro déchet, demeure toutefois optimiste quant au retour des clients.

«Je sens que les consommateurs se questionnent à nouveau sur leurs comportements. À l’enjeu de l’emballage s’est ajouté l’achat local. Plutôt que de simplement réduire les emballages, on s’intéresse aussi aux aliments locaux, biologiques, bons pour notre santé, qui ont peu voyagé avant d’arriver sur les tablettes. C’est un retour à la base du mouvement zéro déchet, dont le but principal est toujours de réduire son empreinte écologique globale.»

Pénurie, inflation et compagnie

Pour l’épicerie Basta, qui offre des produits en vrac préemballés dans des pots consignés, les mesures sanitaires n’ont jamais été un frein à la fréquentation du magasin. Au contraire!

«On a démarré pendant la pandémie, alors c’est la norme pour nous, explique Alexandre Dufresne, propriétaire du commerce situé sur le Plateau Mont-Royal. Les gens venaient chez nous parce qu’il y avait moins de monde que dans les grandes épiceries, c’était plus relaxant!»

Ici, c’est plutôt l’après-pandémie qui s’annonce périlleuse. En plus de devoir composer avec la pénurie de personnel, les épiceries zéro déchet doivent jongler avec la hausse des prix.

Alexandre Dufresne a vu certains de ses fournisseurs carrément doubler leurs prix lors de la dernière année. Un autre lui a annoncé une quatrième hausse en l’espace de 12 mois. «Avant, je pouvais passer trois mois à ne pas regarder les factures, parce que les prix étaient stables, maintenant je les regarde à la loupe. C’est une job de fou pour une petite épicerie comme la nôtre», raconte le jeune entrepreneur.

Certains produits ont été retirés des tablettes parce qu’ils ne trouvaient plus preneurs à cause de leurs prix révisés. «Il y a une certaine barrière psychologique que les clients ne sont pas prêts à traverser, observe M. Dufresne. En vrac, dans l’œil du consommateur, il faut qu’il y ait un petit deal puisqu’il n’y a ni emballage, ni marque, ni notoriété susceptibles de convaincre le client de payer le prix premium.»

Tout de même, la crise inflationniste qu’on traverse est peut-être un moyen pour les épiceries zéro déchet d’aller chercher une clientèle plus large.

«On ressent l’inflation, mais peut-être moins que d’autres commerces. Nos prix n’ont pas augmenté au niveau de ceux des grandes surfaces, remarque de son côté Andréanne Laurin, de LOCO. Parce qu’on travaille beaucoup avec de petits producteurs locaux, les prix sont restés plus stables. L’écart entre un aliment écoresponsable, parfois biologique, et un aliment traditionnel est vraiment moins grand qu’avant.»

Selon la gestionnaire, le moment est très bien choisi pour celles et ceux qui voudraient réduire la taille de leurs sacs à ordures. «C’est toujours plus facile de commencer une démarche zéro déchet si on peut cibler des aliments qui sont moins chers qu’ailleurs. C’est devenu un avantage concurrentiel pour les épiceries en vrac.»

Pour aller plus loin

Envie de comprendre à quoi servent tous ses emballages dont on tente de se débarrasser ? Le documentaire Tout déballer de Sylvain Allard, directeur du programme de design graphique à l’UQAM, s’intéresse à la question sous l’angle du design. Selon une statistique mentionnée dans le documentaire, plus de 80% des répercussions écologiques d’un produit sont déterminées à l’étape du design, notamment par le choix des matières qui composent l’emballage et par la façon dont elles sont assemblées. Sur un ton à la fois ludique et informatif, le moyen métrage dissèque la «culture du jetable» qui règne dans l’industrie alimentaire et la quantité faramineuse de déchets qu’elle génère. Disponible gratuitement à toutdeballer.uqam.ca.

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