Hallucinants, nos champignons! - Caribou

Hallucinants, nos champignons!

Publié le

30 mai 2023

champignons comestibles au Québec
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Bien qu’on recense plus de 150 variétés de champignons comestibles au Québec, cet ingrédient polyvalent n’a jamais fait partie intégrante de notre culture culinaire. C’est appelé à changer grâce au développement de la gastronomie locale, de la trufficulture et du mycotourisme. De quoi nous faire halluciner… sans champignon magique!

Texte de Marie-Lise Rousseau

D’abord, un peu d’histoire. Les peuples autochtones consommaient bel et bien des champignons par nécessité, mais les fongus ne faisaient pas partie de leur alimentation de base. Ils étaient surtout «reconnus pour leurs vertus thérapeutiques et mystiques», a expliqué le spécialiste en stratégie d’affaires agroalimentaires d’École-B, un cabinet-conseil de marketing agroalimentaire, Alexander Cruz, lors d’une journée de conférences sur la mycologie au plus récent congrès de l’Acfas

Les choses n’ont pas changé avec l’arrivée des premiers Français, pour qui cet aliment était un symbole de pauvreté. «C’était humiliant de manger des champignons, c’était comme fouiller dans les poubelles», illustre Alexander Cruz. À cela s’ajoutaient les croyances religieuses de l’époque associant les champignons à la sorcellerie et au diable. Ce n’est qu’au 18e siècle que la gastronomie française, en plein essor, l’incorpora dans des plats désormais classiques comme la blanquette de veau.

Si la conquête britannique a permis de valoriser davantage les champignons sur notre territoire, notamment comme ingrédient dans les ragouts et les ketchups, c’est surtout aux communautés immigrantes qu’on doit leur arrivée dans nos assiettes. Alexander Cruz cite en exemple les Polonais, les Italiens et les Ukrainiens qui se sont installés en Abitibi au début du 20e siècle, qui cuisinaient des plats de poissons et de uszka, qui sont des pierogis aux champignons sauvages. «Ça a donné lieu à des échanges culturels riches.»

De la forêt à la table

Longtemps boudé, le champignon sauvage reprend lentement ses lettres de noblesse grâce aux chefs d’ici, qui œuvrent de plus en plus à développer une gastronomie du terroir mettant en valeur les ingrédients locaux. «Depuis quelques décennies, le peuple québécois cherche à définir son identité par sa culture culinaire», mentionne le professeur-chercheur au GastronomiQc Lab de L’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, Alain Girard.

La curiosité grandissante des Québécois jumelée à leur préoccupation pour l’achat local ne fait qu’accentuer cette tendance, ajoute-t-il.

«C’est un produit d’exception emblématique de notre forêt nordique, donc emblématique de notre identité québécoise. C’est une expérience géographique, sociale, culturelle et sensorielle du lieu.»

Alain Girard

Le champignon est ainsi appelé à devenir un ambassadeur culinaire auprès des touristes en visite dans la Belle Province, qui cherchent eux aussi «une expérience authentique et de terroir». De nombreux restaurateurs redoublent de créativité quand vient le temps d’apprêter les champignons forestiers, concoctant toutes sortes de plats – et même des desserts! –  aux champignons forestiers.

Par ici les truffes

climat pour truffes
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L’engouement pour les champignons se manifeste aussi par la trufficulture. Produit de luxe, véritable bijou de la forêt, on découvre et cultive de plus en plus de variétés de ces champignons souterrains au Québec, ce qui permet à des producteurs d’ici de se lancer dans cette aventure. 

Le contexte est favorable au développement de cette culture au Québec, notamment à cause des changements climatiques. En effet, les sécheresses ont provoqué un déclin majeur de la trufficulture en Europe. Cela dit, il faudra être patient avant de déguster des truffes québécoises: il faut compter de 7 à 10 ans avant une première récolte et cette culture émergente n’a commencé ici qu’en 2020. 

Selon Truffes Québec, on compte actuellement plus de 55 producteurs de truffes au Québec. «L’arrivée des truffes fraîches, ça s’en vient», s’enthousiasme la présidente et copropriétaire de cette entreprise qui accompagne les producteurs dans l’installation de truffières, Maude Lemire-Comeau.

Vers la route des champignons?

Tout ça ouvre l’appétit! Ça tombe bien: de plus en plus d’initiatives de mycotourisme s’affairent à nourrir notre panse et notre esprit en proposant une multitude d’activités comme de l’autocueillette, des ateliers culinaires, des sentiers de découverte ou encore des dégustations en forêt.

Kamouraska et la Mauricie sont des pionniers en la matière. En plus de proposer un passeport mycologique, la municipalité du Bas-du-Fleuve a même son festival annuel des champignons forestiers, qui en sera à sa troisième édition en septembre prochain. En plus d’avoir développé sa filière mycologique, la région administrative de la Mauricie a lancé un programme éducatif sur les champignons forestiers ainsi qu’un réseau de contacts entre cueilleurs et restaurateurs. 

Les représentants de ces initiatives souhaitent les voir se multiplier comme des champignons ailleurs au Québec. Après la route des microbrasseries et des fromages québécois, pourquoi pas une route des champignons? L’économiste et professeur au département de Loisir culture et tourisme à l’Université du Québec à Trois-Rivières, François de Grandpré, entrevoit un avenir prometteur pour cette forme de tourisme. «Mais on n’est pas rendus là», nuance-t-il.


Quelques restaurateurs férus de champignons

Dominic Lapointe du Castel à Trois-Rivières. Sa mousse à l’érable infusée au chaga lui a valu grands les honneurs au concours Myco 2022, qui invitait des chefs à créer des desserts aux champignons sauvages. 

Isabelle Dupuis du Presbytère à St-Stanislas-de-Champlain. Elle apprête les champignons forestiers de multiples façons, mais c’est sa panna cotta au bolet à pied creux qui nous met l’eau à la bouche!

Kim Côté et Perle Morency du Côté-Est à Kamouraska. En plus de concocter un festin mycologique dans le cadre du Festival des champignons forestiers, le resto offre des excursions gourmandes en plein air.

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