Enseigner la gastronomie dans une réserve crie - Caribou

Enseigner la gastronomie dans une réserve crie

Publié le

12 février 2018

Texte de

Véronique Leduc

Photos de

Helena Loureiro

Trouver un équilibre entre la cuisine gastronomique et les traditions cries, voilà le défi que relève depuis 12 ans Jocelyn Myre. Enseignant à l’école de la réserve de Waswanipi, dans le Nord-du-Québec, il prépare présentement ses étudiants à officier dans les cuisines de la réputée chef Helena Loureiro pour deux soupers qui auront lieu dans le cadre de Montréal en Lumière.
Trouver un équilibre entre la cuisine gastronomique et les traditions cries, voilà le défi que relève depuis 12 ans Jocelyn Myre. Enseignant à l’école de la réserve de Waswanipi, dans le Nord-du-Québec, il prépare présentement ses étudiants à officier dans les cuisines de la réputée chef Helena Loureiro pour deux soupers qui auront lieu dans le cadre de Montréal en Lumière.
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Plus grand que la panse

À 800 kilomètres au nord de Montréal, dans l’établissement de formation aux adultes de la réserve crie de Waswanipi se trouve une classe où huit étudiants – quatre filles et quatre gars – apprennent chaque jour les bases de la cuisine gastronomique. «Nous avons ici le même programme que celui offert à l’ITHQ de Montréal», explique au téléphone Jocelyn Myre, lui-même finissant, dans les années 1980, de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec qui fête ses 50 ans.

À l’école Sabtuan Regional Vocational Training Center (SRVTC), on enseigne plusieurs métiers dont la mécanique, la menuiserie, la soudure… et la cuisine. Des adultes de neuf communautés cries viennent vivre pour un moment sur place afin d’apprendre leur future profession.

Réinventer les traditions

Dans les cuisines du SRVTC de Waswanipi, une communauté de 1800 habitants, Jocelyn Myre, originaire de la Rive-Sud de Montréal, enseigne le programme d’un an et demi. Pour la cohorte actuelle, il comptait 12 étudiants en janvier 2017 alors qu’il n’en reste que 8 aujourd’hui. «Mais ceux-là vont rester jusqu’en juin et termineront leur programme», assure-t-il.

Des étudiants qui, comme Carolane Mapachee, avaient assez envie d’apprendre les bases de la cuisine gastronomique pour s’embarquer dans le programme de 1175 heures. «J’ai toujours été intéressée par la cuisine, explique dans un français timide (c’est sa troisième langue) cette dernière au téléphone. J’ai commencé comme serveuse. Mais comme mon amie était super bonne pour cuisiner, je me suis dit que je pouvais aussi le faire. Ça m’a inspirée. J’apprends énormément ici.»

À travers ce programme abordant l’hygiène, les techniques de cuisine, la préparation, la mise en place et l’élaboration d’un menu, le défi de l’enseignant est de trouver un équilibre entre les traditions de la communauté et les techniques à partager.

«Ici, dans les repas spéciaux, les mariages par exemple, on mange du castor, de l’outarde, du caribou, de l’orignal... Dans les communautés cries, la chasse et la pêche restent très importantes: si je le chasse, je peux le mettre dans mon assiette», raconte Jocelyn Myre.

Mais ironie du sort, à cause des règles du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, il est impossible d’apporter ces viandes sauvages sur les tables des établissements d’enseignement, comme il est impossible de les servir dans les restaurants de la province. «J’enseigne des techniques de cuisson différentes de celles utilisées ici et j’essaie d’introduire plus de légumes dans la cuisine; des apprentissages que les étudiants adaptent ensuite à leurs traditions.»

À la fin du programme, «ceux qui veulent se trouver de l’ouvrage trouveront», estime Jocelyn Myre qui explique que depuis sept ou huit ans, les employeurs principaux des finissants en cuisine sont les mines. Ceux qui y sont engagés doivent quitter leur communauté pour travailler deux semaines entières et ensuite profiter de deux semaines de congé. «Mais le salaire est intéressant», assure l’enseignant. Les centres de la petite enfance, les refuges pour femmes et les centres pour personnes âgées ont aussi tous besoin de cuisiniers.

Menu hybride


Les chefs Jocelyn Myre, Jean-Paul Grappe et Helena Loureiro entourés de la cohorte de huit étudiants.

Le jour de l’entrevue, la cohorte de Jocelyn Myre est en présence de Helena Loureiro qui a fait le voyage pour quelques jours afin de préparer les soupers nommés «Miyou Mitsou» («bon appétit» en cri) qui auront lieu dans le cadre de Montréal en Lumière.

«L’idée vient du chef Jean-Paul Grappe, un de mes anciens professeurs devenu ami. Il m’a mis en contact avec Helena et nous avons tous eu envie d’embarquer dans ce projet qui propose de mélanger les cuisines crie et portugaise», explique l’enseignant. Le trio a donc monté un menu inspiré de recettes traditionnelles qui sont ensuite adaptées par la chef.

«Par exemple, on a fait une bannique, puis on a travaillé le brochet et le lièvre, des produits très présents ici qu’on cuit souvent dans un tipi, dit Jocelyn Myre. On reprend donc des ingrédients de la région pour les préparer à Montréal avec d’autres techniques de cuisson.»

Les 26 et 27 février, à Montréal, c’est la brigade d’Helena qui veillera à la cuisine et aux cuissons pendant que les étudiants de Waswanipi s’occuperont du montage des assiettes.

«C’est toute une chance d’avoir deux grands chefs de Montréal qui viennent ici partager leur savoir, c’est fascinant et ça contribue à faire découvrir autre chose que la cuisine de camp», dit Jocelyn Myre. «Cette semaine, nous avons eu de bons échanges, de belles idées et tout a été testé. Helena repart demain et nous sommes prêts. Le restaurant Portus 360, au 30e étage d’un immeuble, est un lieu magnifique et nous avons hâte d’y être!»

Les 26 et 27 février à 19h dans le cadre de Montréal en Lumière

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