Tout quitter pour un gâteau aux fruits - Caribou

Tout quitter pour un gâteau aux fruits

Publié le

19 décembre 2019

Le Mélèze
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Plus grand que la panse

Marc Antoine Arrieta vient tout juste de recevoir ses premières cartes professionnelles. Le nom de son entreprise, Le Mélèze, trace son chemin dans l’image d’une forêt dominée par un conifère jaune. De l’autre côté, sous son nom à lui, il est écrit en lettres dorées «spécialiste du gâteau aux fruits». 

Texte de Roxane Léouzon
Photos de Dominique Lafond

Cette appellation fait encore rire l’entrepreneur de 32 ans. Il n’a aucune formation en pâtisserie ni même en cuisine. C’est pourtant bien ce qu’il est devenu depuis quatre ans, un spécialiste du gâteau aux fruits, porté par son amour pour ce dessert festif.

La flamme a été allumée lorsqu’il était enfant. Ses parents avaient acheté plusieurs boîtes de gâteaux aux fruits du marché, en promotion après Noël. «Je me souviens d’en avoir mangé et mangé et mangé», raconte le Montréalais avec nostalgie. 

La suite de cette aventure se déroule en 2013, quand Marc Antoine se procure un gâteau aux fruits au Salon des métiers d’art. Il l’emporte en France pour initier des amis à ce produit québécois. Mais, comble du malheur, la pâtisserie artisanale ne répond pas à ses attentes. «Il était ordinaire. Ça m’a un peu insulté», rapporte celui qui travaillait alors comme agent pour des compagnies de danse et de théâtre. 

À partir de ce moment, Marc Antoine est habité par l’idée de confectionner son propre gâteau aux fruits, selon la tradition québécoise. Cette aspiration devient réalité en 2015 quand un ami, propriétaire d’un restaurant à Sept-Îles, lui propose d’aller y travailler comme serveur. En collaboration avec le chef, entre deux quarts de travail, il élabore une recette et produit un premier lot de 250 gâteaux. 

Il fait réhydrater pendant plusieurs jours ses fruits séchés – des canne- berges, des bleuets, des dattes, des cerises, des figues et des raisins – dans du sirop simple et du rhum. Il les mélange ensuite à des noix, du beurre, du sucre, du sirop d’érable, de la mélasse, de la farine de blé et des épices. Après la cuisson dans des moules, chaque gâteau est enrobé d’une étamine imbibée de brandy. Une once et demie de brandy est ajoutée avant l’emballage sous vide. 

«J’ai encore l’impression que le premier gâteau aux fruits que j’ai fait, c’était le meilleur. C’était ça que je voulais: cette humidité-là, cette tendreté qu’on aime dans le gâteau aux fruits, mais que les gens ne savent pas qu’ils aiment, parce qu’on n’en mange pas, dans la vie, de bons gâteaux aux fruits!»

Tenez-vous-le pour dit, un gâteau aux fruits réussi, ce n’est pas sec du tout, affirme Marc Antoine. 

Contrer les préjugés 

L’hiver suivant sa première fournée, il retourne à Sept-Îles et produit 600 gâteaux en une semaine. Il les écoule ensuite tranquillement sur une période de trois ans, par bouche à oreille et en partenariat avec certains commerces, notamment à Montréal, combattant les préjugés – et même parfois l’aversion – contre ses chéris, un gâteau à la fois. 

Sur une période de trois ans, dites-vous? Oui, car les gâteaux aux fruits se gardent très longtemps, grâce à l’alcool, au sucre, au gras et à l’emballage sous vide, qui agissent comme agents de conservation, et à la quasi-absence d’eau. Comme du bon vin, ils s’améliorent même avec le temps, assure Marc Antoine. «La saveur va devenir homogène. Tu ne vas plus goûter la canneberge, le bleuet, la datte. Il va s’affiner, devenir plus foncé», explique l’expert, qui compte mettre ses meilleurs lots de côté et les vendre 5$ de plus par année de vieillissement. 

En juin dernier, Marc Antoine a quitté l’emploi qu’il occupait depuis deux ans dans une maison d’enchères d’œuvres d’art et se consacre maintenant à 100% à sa passion. Ses gâteaux Le Mélèze peuvent être commandés sur le site de l’entreprise, 33$ pour 550 grammes. Quelques points de chute ont été prévus à Montréal et à Québec pour les récupérer. Marc Antoine veut garder une production à petite échelle: 1500 cette année et possiblement 4000 en 2020. C’est qu’il tient mordicus à fabriquer lui-même tous ses gâteaux. «Je veux offrir le meilleur aux gens. Quand je cuisine, je vois des gâteaux qui vont aller dans les familles, dans les partys de Noël, qui vont se partager entre des gens qui s’aiment. Je vois que mes gâteaux vont contribuer à ces moments spéciaux», explique celui qui adore le temps des Fêtes et les réunions annuelles de sa vaste famille. 

Le pâtissier autodidacte aspire aussi à inclure le maximum d’ingrédients locaux et biologiques dans sa recette. C’est déjà le cas de sa farine artisanale, provenant des Grains du Val à Kiamika. Ses bleuets et ses canneberges ont aussi poussé au Québec. Il souhaite également, d’ici quelques années, produire son propre sucre d’érable. Tout pour créer le gâteau aux fruits le plus actuel et responsable, mais aussi le plus authentique possible. 

***

Ce texte est paru dans un cahier de la série Manger le Québec, produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, en partenariat avec Caribou.

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