Les poissons à chair rose du Québec, de l’eau à l’assiette
Publié le
04 décembre 2021
Reconnaissables à leur chair qui va du rosé au rouge vif, les poissons de la famille des salmonidés qui fraient dans les lacs, les rivières et les eaux salines du Québec sont très populaires auprès des pêcheurs. Moins connues que le saumon auprès des consommateurs, certaines espèces se retrouvent à l’état sauvage alors que d’autres sont élevées dans des fermes piscicoles. En voici quelques-unes à découvrir, à demander au poissonnier et à cuisiner.
Texte de Sophie Ginoux
Illustrations de Mathilde Cinq-Mars
Omble de fontaine
Aussi surnommé truite mouchetée ou truite saumonée, l’omble de fontaine est l’espèce vedette des pêcheurs récréatifs à la mouche au Québec. Il se distingue par une couleur sombre, des flancs pâles et de petites taches rouges entourées d’un halo bleuâtre. Il se retrouve à l’état sauvage dans des eaux douces fraîches ainsi que dans celles d’estuaires, mais il est également élevé par quelques fermes piscicoles à travers le Québec.
Très apprécié pour la finesse de sa chair rose orangé, l’omble de fontaine n’a pas son pareil lorsque grillé à faible température, pour éviter de le faire trop cuire et de l’assécher, sa chair étant nettement moins grasse que celle du saumon.
Omble chevalier
Apprécié des pêcheurs avertis de fond, celui que l’on surnomme aussi omble arctique ou truite rouge du Québec est le trophée par excellence des pêcheurs du Grand Nord. Plus volumineux que l’omble de fontaine, il est de couleur grisâtre et argentée, avec plusieurs grosses taches rondes roses ou rouges sur les côtés. Cet animal existe sous une forme anadrome (il séjourne en mer et hiverne en eau douce) dans le nord du Québec, et il vit en eau douce dans le sud de la province. Il est aussi élevé en Gaspésie par la ferme Raymer Aquaculture, spécialisée dans les ombles.
Dire que ce poisson est le roi des grandes tables du Québec serait un euphémisme. Il est effectivement très prisé des chefs pour sa délicatesse, pour son petit goût de noisette et par le fait qu’il se prête à beaucoup de préparations. «Il peut être mangé cru sous forme de sushi et de tartare, grillé, poché, farci, fumé à chaud et à froid. Il est très polyvalent!» explique Sabrina Mercier, directrice administrative et commerciale de Raymer.
Truite arc-en-ciel
Introduite au Québec à la fin du XIXe siècle — elle provenait de l’ouest du continent —, cette version bedonnante de la truite mouchetée est largement ensemencée, pêchée et élevée au Québec. Elle présente un corps allongé de 30 à 45 cm et pèse jusqu’à 9 kg. Elle arbore une coloration resplendissante très variable selon son habitat, allant du bleu foncé jusqu’au vert olive, et une large bande rose ou rouge parcourt ses flancs. On la trouve dans les lacs et dans les rivières.
C’est l’une des espèces de truites les plus populaires sur les tables du Québec. «Elle est aussi abordable et a l’avantage d’être d’une belle fraîcheur, puisqu’elle est livrée en moins de 24 heures sur les tablettes, comparativement aux six à huit jours de transport que peut prendre la livraison des poissons étrangers», indique Clément Roy. Ce dernier est à la tête de la Ferme piscicole des Bobines avec ses parents, qui l’ont fondée en 1980 et en ont fait un modèle d’aquaculture responsable.
Et comment peut-on déguster cette belle truite à la chair qui varie du rosé au rouge vif? «Sky is the limit, répond l’expert, puisque sa chair délicate ressemble à celle du saumon.»
Conseils d'un chef pêcheur | ||
Jonathan Lapierre-Rehayem, directeur de la restauration à l’ITHQ, est à la fois un pêcheur averti et un chef amateur de produits de la mer. «Je ne me déplace jamais sans ma canne à pêche en vacances», dit ce mordu qui pêche à la mouche, à la cuillère et au ver. Le chef a tendance à adapter sa cuisine au format des poissons à chair rose qu’il a entre les mains. «Ils sont tous bons poêlés, sans exagérer la cuisson, pour en apprécier la fraîcheur, dit-il. Mais je recommande, pour les petits formats, de les pocher dans un court-bouillon vinaigré, comme la truite au bleu.» Pour la petite histoire, cette recette doit son nom au fait qu’à la cuisson, le vinaigre provoque une colorisation bleutée des écailles du poisson. Pour les salmonidés de plus de 30 centimètres, Jonathan Lapierre-Rehayem propose de les désarêter et de les farcir. Et pour les spécimens les plus gros, «on peut plus jouer avec eux», indique le chef. «On peut les enfourner entiers ou farcis. La meilleure partie, la poitrine, peut être transformée en sashimi ou laquée au four. Le dos peut, pour sa part, être poché à basse température. Et j’assume mon petit côté quétaine, car j’aime bien préparer des darnes au barbecue ou à la poêle.» |
Trois poissonneries où faire provision de poissons d'ici | ||
Poissonnerie Ô Ouverte depuis l’automne dernier dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, la Poissonnerie Ô a pour mot d’ordre l’approvisionnement local et la pêche durable. Ici, le comptoir est rempli de poissons et de fruits de mer du Québec et des provinces voisines. Avant d’ouvrir leur commerce, Sandrine et Sean sont allés rencontrer des producteurs et ont visité des usines de transformation afin de bien comprendre la chaîne d’approvisionnement. Aujourd’hui, le couple se fait un plaisir de partager ses connaissances et de conseiller les clients. En plus des produits frais de qualité, on trouve sur place une section épicerie proposant des plats prêts-à-manger et des produits pour cuisiner le poisson. Les délices de la mer Menée par le Gaspésien Christian Servant, la poissonnerie Les délices de la mer a essaimé un peu partout dans la province. Ses comptoirs sont gorgés de poissons québécois (les produits d’ici occupent jusqu’à 90 % des étalages) à Montréal, à Boucherville, à Québec et, bien sûr, à Sainte-Anne-des-Monts, là où l’aventure a commencé en 1998. Là-bas, la poissonnerie se double également d’une épicerie fine. Les délices de la mer est aussi un endroit de prédilection pour mettre la main sur les produits d’Atkins & Frères, renommés pour leurs saumons, leurs rillettes, leurs maquereaux et leurs fruits de mer fumés. Poissonnerie Raymer En matière de fraîcheur, difficile de faire mieux que Raymer Aquaculture. L’entreprise de New Richmond, dans la baie des Chaleurs, élève elle-même les ombles chevaliers et les ombles de fontaine (aussi connus sous le nom de truite rouge et de truite mouchetée), qu’elle transforme et vend dans sa boutique. Soucieuse de l’environnement et d’une pisciculture durable, la compagnie dirigée par Raynald Mercier et sa fille Sabrina est certifiée Ocean Wise depuis 2018. On y trouve également une panoplie de poissons et de crustacés locaux, ainsi qu’une grande variété de sushis préparés sur place. | ||
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D'autres espèces à connaître | ||
D’autres poissons à chair rose bien connus des pêcheurs sportifs sont présents dans les eaux du Québec. On peut penser au touladi (ou truite grise), qui est le plus gros spécimen des salmonidés de la province et qui est redoutable à pêcher. Sa chair, de blanche à rosée, est excellente en papillote ou frite dans du beurre. Et il ne faut pas oublier la ouananiche, l’équivalent du saumon atlantique en eau douce, capable de sauts spectaculaires et de vifs combats avec les pêcheurs. On peut la déguster de toutes sortes de façons, mais on recommande de la manger en tartare. |
Ce texte est paru à l’origine dans les pages du quotidien Le Devoir, le 20 novembre 2021.