«Les aides canadiennes sont ponctuelles tandis que l’Europe a une vision du rôle socioéconomique et environnemental de son agriculture», ajoute Charles Trottier, un ardent défenseur du principe qui croit que l’agriculture doit d’abord nourrir son monde. Sans pouvoir chiffrer exactement les pertes de revenus occasionnés par la concurrence du Comté pour la Fromagerie des Grondines, celle-ci «fait mal», dit-il. Les producteurs de lait du Québec estiment quant à eux que les pertes encourues par les deux accords commerciaux signés par Ottawa, l’AECG et l’autre avec les pays du Pacifique, se chiffrent en milliers de dollars par ferme. Et, à la veille des élections fédérales prévues le 21 octobre prochain, le gouvernement Trudeau vient d’annoncer une compensation financière de 1,75G$.
Les accords commerciaux sont identifiés par les experts comme des facteurs de risque de détresse psychologique des producteurs agricoles, en particulier pour les fromagers-artisans, sous haute tension au Québec. Deux d’entre eux, Jean-François Hébert de la Fromagerie Ruban Bleue et Rudy Ducreux de la ferme Ducrêt, dans la fleur de l’âge, se sont suicidés au cours des trois dernières années. «Je les connaissais tous les deux très bien», dit Charles Trottier.
Ottawa a aussi mis en place un programme d’investissement pour fermes laitières (PIFL) de 250M$ pour les années 2017 à 2022 afin d’aider les éleveurs à moderniser leur équipement et à accroître la productivité de leurs bêtes.
«Le programme est une sorte de loto. Je connais un seul producteur dans mon entourage qui en a bénéficié», ajoute l’éleveur qui dit avoir investi 1,4M$ dans une étable neuve. L’entreprise accueillera bientôt dans ses rangs la fille de Charles Trottier, Aurélie. Mais contrairement aux cousins français qui bénéficient d’une généreuse aide financière, la pérennité de la Fromagerie des Grondines repose uniquement sur les quelque 30 000 clients actuels et futurs de l’entreprise.