Boire son café local
Publié le
25 mars 2021
On remarque depuis quelques années un intérêt grandissant pour les produits locaux, ainsi qu’un engouement pour une consommation de plus en plus responsable. Quand on parle de café, la façon de consommer le plus local possible est de choisir un café dont les grains sont torréfiés localement. Comment s’y retrouver?
Texte de Joannie Bélisle, coéditrice Corsé Magazine
Photos de Thomas Tessier
Si on met beaucoup d’énergie pour faire les bons choix par rapport au contenu de notre assiette, on se pose rarement les mêmes questions sur le contenu de notre tasse. Par exemple, qu’en est-il de la provenance du café, de la variété, du procédé, de la torréfaction? Il est difficile, en tant que consommateur, de faire des choix éclairés lors de l’achat d’un sac de café. Il est encore plus étonnant de constater qu’il est possible de faire des choix locaux, même en matière de café! Il est aujourd’hui possible de retrouver toutes ces informations sur les sacs des torréfacteurs de spécialité, jusqu’au nom de la plantation et du producteur. Et, plusieurs acteurs québécois oeuvrent tous les jours pour offrir des cafés de qualité. Avec l’importance que ce breuvage a dans nos rituels du matin, comment le consommer de la façon la plus responsable et la plus locale possible?
Le café, un produit du terroir
Le café est un produit du terroir. Il est influencé par l’origine et les caractéristiques bien précises des régions et des types de sol dans lequel pousse le caféier, la variété de la cerise de café et l’altitude à laquelle il est cultivé.
Les grains de café, lorsqu’ils quittent leur pays d’origine, ne sont pas encore torréfiés, et sont de couleur vert pâle, tirant sur le beige. À cette étape on les appelle tout simplement «grains verts». La plupart du temps, ils passent par les mains d’exportateurs et d’importateurs avant de se retrouver entre celles du torréfacteur. Dans certains cas, les torréfacteurs achètent directement aux producteurs, alors la transaction se retrouve exempte d’intermédiaires. Le but de ces petits torréfacteurs est donc d’importer un café de qualité, tout en contribuant à une qualité de vie meilleure des producteurs, à travers une meilleure rémunération.
On parle de plus en plus du café de spécialité comme d’un produit aussi complexe que le vin. D’ailleurs, les microtorréfacteurs cherchent à travailler le terroir du produit en mettant de l’avant le goût qui caractérise chacun des cafés. Par exemple, les cafés éthiopiens ont pour caractéristique d’être plus fruités, mais la différence entre le procédé de séchage lavé et le procédé de séchage naturel, révèle deux mondes de saveurs. Le premier se boit bien en filtre et on y retrouve des notes de thé noir, de fruits à noyaux et de citrons, tandis que le second, vu la fermentation qui s’effectue lors du séchage, révèle des côtés de baies prédominantes et est souvent qualifié de «funky!».
Le procédé de torréfaction, qui fonctionne par transfert de chaleur, demande un travail minutieux ainsi que de la recherche. Le café de troisième vague offre également des torréfactions majoritairement plus pâles, que l’on qualifie de «brune» et parfois même «blonde».
Petits cafés, grande différence
Consommer de microtorréfacteurs locaux, c’est souvent l’occasion de découvrir des entreprises qui misent sur le contact client avant le volume de service. De la cerise à la tasse, on parle d’une chaîne de production à échelle plus humaine. C’est encore plus vrai dans les cafés de spécialité de région, ces espaces souvent hybrides qui font partie intégrante de leur communauté. Ces petites entreprises sont souvent le point de ralliement d’une multitude d’autres PME d’ici, misant sur l’idée de commerce de proximité. C’est encore plus vrai avec la pandémie, où les coffee shop ont dû se réinventer, se transformant en boutiques de produits locaux, offrant un coin épicerie et des plats prêt-à-manger. Les cafés de troisième vague à l’extérieur des grands centres doivent être plus à l’écoute des besoins et des goûts de leur clientèle, plus restreinte. Mais que ce soit dans la métropole ou ailleurs au Québec, il est important de créer un dialogue entre les artisans et les consommateurs. Il n’y a rien de plus enrichissant que les rencontres et le contact humain pour mieux connaitre et surtout comprendre ce que l’on consomme.
À chacun sa certification | ||
Au fil des années, plusieurs certifications ont fait leur apparition sur les sacs de cafés: bio, équitable, Fairtrade, Direct Trade, Rainforest. Mais comment fonctionnent-elles, qu’impliquent-elles et quelles sont leurs valeurs? Les certifications bio-équitables ne sont malheureusement pas aussi bénéfiques que l’on voudrait le croire, c’est-à-dire qu’elles assurent un minimum qui est rarement suffisant pour les producteurs. Ce sont des certifications qui ont été réfléchies et mises en place il y a longtemps, mais qui n’ont pas évoluées avec les réalités du marché. Vu leur situation précaire, les petits producteurs qui dépendent le plus de la culture du café peuvent rarement adhérer à ces certifications puisqu’elles ont un coût important. En d’autres termes, la dure réalité est que le café coûte plus cher à produire qu’il n’est coté en bourse actuellement, sur ce que l’on appelle le C-market. Oui vous avez bien compris, le café est coté en bourse, au deuxième rang en importance, juste après le pétrole! C’est aussi ce que l’on appelle le café de commodité, un marché bien distinct de celui de spécialité, où les producteurs sont actuellement payé environ 1$/lb alors qu’il coûte généralement le double à produire. Au-delà des grandes compagnies qui vous offrent des cafés «certifiés» (dont les sceaux coûtent aux producteurs), les petits torréfacteurs québécois font souvent preuve d’une plus grande transparence et permettent aux consommateurs de connaître les données réelles reliées aux transactions. |
Où trouver les torréfacteurs de spécialité québécois?
Depuis le début de la pandémie, les torréfacteurs ont bonifié leurs systèmes de livraisons. Vous pouvez désormais commander votre café en ligne et le recevoir dans le confort de votre domicile. Il est également possible de retrouver un éventail intéressant de torréfacteurs locaux dans plusieurs cafés de troisième vague qui peuplent vos quartiers. Bien que le café de spécialité ou de troisième vague semble plus hermétique, c’est un milieu qui se démocratise de plus en plus et on doit, en tant que consommateur, se questionner sur notre tasse quotidienne.
Voici quelques exemples de torréfacteurs à essayer, offrant aussi un café aux saveurs plus «habituelles» ou une torréfaction que l’on pourrait qualifier de plus foncée. Ces cafés sont un bon point de départ pour se familiariser avec le café de spécialité.
ZAB café
Microtorréfacteur montréalais bien établi, ZAB torréfie le Joyeux Roger, un café brésilien crémeux, aux notes de noisette et brownies.
Café Pista
Pista propose une torréfaction plus foncée pour le Geraldo Casagrande. Goûtez les saveurs chocolat, caramel et biscuit dans ce café du Brésil.
Le café colombien 4Twenty d’Escape est chargé en sucre avec ses notes de miel. Un café aux arômes de chocolat au lait et d’orange.
Escape et Traffic torréfient tous les deux à la Canadian Roasting Society à Montréal, un espace coop qui permet aux petits torréfacteurs de partager espace et équipements. Essayez le Olympus Espresso, un mélange Brésil et Guatemala fait pour ressortir avec le lait. Un côté un peu plus corsé, avec des notes de beurre d’arachide, de chocolat et de caramel.
Microtorréfacteur à Québec, tous ses cafés sont négociés directement avec le producteur. Ils sont essentiellement issus du Salvador et du Honduras. Essayez le Mauricio Salaverria Divisadero avec ses arômes de cerises, cacao et caramel.
Ce ne sont que quelques-uns des multiples torréfacteurs qui œuvrent au Québec. Posez des questions aux baristas et aux torréfacteurs, ils pourront vous conseiller selon vos goûts, ainsi que votre méthode d’extraction à la maison. Santé!