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Charles-Henri de Coussergues dirige les activités du vignoble de l’Orpailleur, à Dunham, depuis 1982. Selon lui, «être vigneron, c’est le plus beau métier au monde, mais c’est aussi beaucoup de travail». C’est pourquoi il met généreusement ses 40 années d’expérience dans la vigne au service des jeunes apprentis vignerons, dont une certaine Win Le Phan. Cette femme d’affaires à la fougue exceptionnelle, sommelière et propriétaire du Domaine La Vieille Grange, en Beauce, travaille à bâtir son propre vignoble.
Texte de Virginie Landry
Caribou: Tout d’abord, qu’est-ce que ça prend pour être vigneron?
Charles-Henri de Coussergues: Certaines personnes ont tendance à voir la vie de vigneron avec des lunettes roses: ils s’imaginent qu’on se balade tranquillement dans les vignes, qu’on boit du vin, qu’on voyage. J’aime leur dire que ce n’est pas toujours si bucolique que ça! Ce n’est pas un projet de retraite, comme plusieurs le croient.
Pour être vigneron, ça prend de la patience, de la persévérance et énormément de passion. Ça prend de bonnes bases en agriculture et il faut gérer la production, la transformation et la mise en marché de nos produits.
Ultimement, ça prend beaucoup d’entregent puisqu’il faudra raconter son histoire, recevoir des gens au vignoble, tisser des liens…
…et accepter les demandes d’entrevue de journalistes, même lorsqu’on est en vacances en France ? (rires)
Charles-Henri : Exactement! Moi, j’adore ça. Et je n’ai pas peur pour Win, elle a toutes ces qualités. Je sais qu’elle réussira.
Win, pourquoi avoir sollicité Charles-Henri pour qu’il devienne votre mentor?
Win Le Phan: C’était un rêve pour moi de pouvoir apprendre auprès de lui. Charles-Henri est un homme incroyablement généreux de son temps et il est de précieux conseil. C’est une sommité dans le milieu. Il est très impliqué auprès de la relève et coache les jeunes avec brio.
Charles-Henri: Et moi, ça me fait plaisir d’aider. Je dis toujours aux jeunes: «Venez passer du temps au vignoble, posez-moi vos questions!» Quand Win m’a appelé la première fois, je sentais toute la passion qui l’animait, toute son énergie. Elle était éduquée, documentée, prête. Je l’ai accueillie au vignoble à bras ouverts.
Qu’est-ce qu’une jeune vigneronne pose comme questions à un pionnier dans le domaine?
Win: Ma première question a été: «Qu’est-ce que je ne dois pas faire?» (rires)
Charles-Henri m’a suggéré de privilégier la culture raisonnée. C’est le fait d’appliquer les concepts de l’agriculture bio sans avoir les certifications. C’est de donner la chance à la terre de se nourrir naturellement.
Il m’a aussi dit de prendre mon temps pour préparer ma terre avant de planter la vigne et j’ai suivi son conseil. J’ai mis de l’engrais vert une année de plus que prévu. Je devais planter en 2021, et finalement, ça s’est fait le 10 juillet 2022.
Charles-Henri: Avec mon expérience, j’essaie de leur éviter des erreurs, par exemple au sujet de la préparation des champs, du drainage de la terre, de la structure des sols, des gelées au printemps, du choix des cépages…
Est-ce que c’est plus facile de devenir vigneron au Québec que ce ne l’était avant?
Charles-Henri: Oui, c’est plus facile que dans mon temps. Il y a moins d’échecs et plus de succès… si les futurs vignerons se préparent adéquatement. Il y a beaucoup de camaraderie, d’entraide et de partage dans le milieu viticole au Québec. On ne se voit pas comme des concurrents, on est de trop petits acteurs. On veut que tout le monde réussisse. Le Conseil des vins [une association qui regroupe des vignerons du Québec] nous aide énormément à faire avancer des dossiers. Grâce à cet organisme, les jeunes vignerons peuvent être bien outillés dès le départ. Et il y a eu l’avènement des épiceries fines, qui nous a permis de diversifier nos points de vente et de nous faire connaître partout au Québec.
Ont-ils aussi plus d’aide financière et technologique qu’avant?
Charles-Henri: C’est un très bon point. Oui, maintenant, les vignerons ont la chance d’avoir plus d’aide d’agronomes et d’oenologues. De plus, le gouvernement provincial offre de l’aide et des subventions, par exemple pour l’achat d’équipement.
Win, en avez-vous profité?
Win: Oui! Si on peut justement s’offrir l’aide d’un oenologue pour nous aider à démarrer notre projet, c’est parce qu’il est subventionné à 80%.
L’achat de notre machinerie aussi est subventionné. C’est une grande chance qu’on a, parce que les premières années ne seront pas rentables, le temps que la vigne pousse.
Win Le Phan
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Y a-t-il encore de la place pour de nouveaux vignerons au Québec?
Charles-Henri: Certainement! On manque de vin québécois au Québec. On ne produit qu’une infime partie de ce qui est bu dans la province et pourtant, l’engouement est là.
Win: La nouvelle génération ne veut pas réinventer la roue, mais on veut essayer de nouvelles choses. On va apporter quelque chose de différent. On veut tester de nouveaux procédés de vinification, de nouveaux cépages, on veut voir si on est capables de faire pousser du vinifera [une variété de vigne européenne dont sont issus de nombreux cépages]. On aime beaucoup le vin nature, aussi.
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Win, quand prévoyez-vous de présenter votre premier millésime?
Win: Cet été, on a planté 4656 plants, dont du chardonnay, du pinot noir, du vidal, du muscat de New York, qui sont en fait des boutures de l’Orpailleur! On s’attend donc à un premier millésime en 2025 ou 2026.
Entre-temps, j’ai beaucoup de travail à faire. Je vais encore faire les vendanges à l’Orpailleur cet automne. Je vais étudier, me renseigner au maximum. Je vais aussi m’occuper de mes vignes, désherber, tailler et les protéger pour l’hiver. On doit aussi construire le chai et la salle de dégustation.
En espérant que Charles-Henri soit invité à déguster votre première cuvée!
Win: Il sera invité, c’est sûr! Il aura la première gorgée, avant même qu’on mette ça dans une bouteille!
Charles-Henri: Je compte bien y être!
Ce texte est paru à l’origine dans les pages du quotidien Le Devoir, le 13 septembre 2022.