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Anne Fortin peut être fière d’avoir mis au monde la seule librairie francophone consacrée à la gastronomie en Amérique du Nord. En pleine démarche pour vendre la Librairie gourmande, située au marché Jean-Talon, sa propriétaire revient sur quinze ans de découvertes et de plaisir.
Texte d’Hélène Raymond Photos de Fabrice Gaëtan
Le 8 juillet dernier, après l’annonce de sa décision sur sa page Facebook, les commentaires ont fusé: chefs propriétaires, enseignants en cuisine, passionnés de patrimoine lui ont fait part de leur estime. Rares sont les libraires qui deviennent à ce point des personnalités représentatives de l’environnement qu’ils mettent en lumière. C’est le cas d’Anne Fortin, incontournable actrice de la scène culinaire québécoise. Depuis 2004, elle guide chaleureusement sa clientèle, signe des livres, écrit des chroniques et conseille des auteurs.
«Au départ, je ne connaissais ni le milieu de la gastronomie, ni celui de l’édition, confie la linguiste de formation, jusque-là employée du secteur des communications culturelles. J’espérais donner à Montréal un lieu unique où présenter les livres de cuisine publiés en français, au Québec, de même que des ouvrages qui inspireraient les chefs.»
Ses démarches la mènent vers Rollande Desbois, alors présidente de l’Association canadienne pour la presse gastronomique. Celle-ci lui parle des gestionnaires du marché Jean-Talon, à la recherche de boutiquiers pour bonifier l’offre touristique. Elle fait face à un premier refus; ils veulent plutôt des commerces alimentaires. Finalement, son plan se concrétise là où elle le souhaite. Nous sommes en décembre 2004. Josée di Stasio vient de lancer son premier livre et va inaugurer, à la Librairie gourmande, une longue série de séances de signatures. Depuis, les auteurs s’y succèdent, plusieurs samedis par année.
Très rapidement, Anne Fortin constate qu’il faut élargir la collection et s’ouvrir aux parutions anglophones. Tout le secteur bouillonne et se renouvelle, grâce à l’influence grandissante des chefs et à celle des stylistes et photographes culinaires.
La soif d’aller plus loin
À titre d’autrice, Anne Fortin publie, en 2010, Cuisiner avec le sirop d’érable du Québec. Elle s’associe à l’historienne Hélène-Andrée Bizier pour le volet patrimonial et obtient la collaboration de professionnels de la cuisine pour les recettes. Quatre autres ouvrages, dont Ainsi cuisinaient les belles-sœurs dans l’œuvre de Michel Tremblay, s’ajouteront à sa bibliographie et elle travaille d’arrache-pied à la parution prochaine d’un livre sur les menus des restaurants.
En additionnant plusieurs éléments perturbateurs comme la place prise par les géants de la distribution, le commerce en ligne, les coûts élevés des livraisons, elle aurait tout pour se plaindre! Mais, elle a peu à dire sur les écueils rencontrés: «J’ai embauché de bons libraires, ce sont des partenaires. J’occupe un créneau unique, c’est merveilleux! Et je reconnais qu’il y a une part de chance dans ce que j’ai vécu... et d’audace aussi.»
Cette même audace la pousse à ouvrir, en 2007, à Montréal, rue de Castelnau, le Conservatoire culinaire, associé à un commerce de livres usagés. Grâce aux dons, elle collecte tout ce qui se publie au Québec jusqu’en 1990. Dans la boutique voisine, elle écoule les doublons. En 2008, elle met la clé sous la porte du conservatoire et rapatrie les titres d’occasion à la Librairie gourmande. Plus tard, l’École des métiers de la restauration et du tourisme prend en charge la collection d’ouvrages de cuisine. Mais elle espère davantage pour ce lieu de mémoire.
Si le milieu de la restauration et de la gastronomie la soutient depuis le début, Anne Fortin reconnaît l’importance des touristes. Et quand un client lui confie ne pas pouvoir s’endormir avant d’avoir feuilleté une vingtaine de pages d’un livre culinaire, elle est ravie: «Il y a, dans ces livres, un repos mental assuré. Une façon de couper avec la lourdeur du quotidien.» Autre forme d’évasion: tous ces romans gourmands qu’elle dévore et propose à ses lecteurs, avec encore plus de plaisir s’ils se complètent d’une série de recettes.
«Je ne peux faire plus que ce que j’ai fait», dit-elle pour expliquer son choix de passer le flambeau. Elle cherche «quelqu’un qui pourra aller plus loin, en respectant ces quinze années», et qui fera en sorte que ce petit espace où découvrir, dans les livres, l’art culinaire et les saveurs d’ici comme du monde entier, demeure une destination. Et c’est une fois la transaction conclue que nous saurons ce que deviendra la linguiste-ethnologue-libraire. Il y a fort à parier que la Librairie gourmande et Anne Fortin continueront à veiller sur nos assiettes. Au grand bonheur de celles et ceux qui dévorent les mots et les plats!
Les choix d'Anne Fortin
Anne Fortin a accepté de retenir trois livres marquants pour résumer ces quinze années à la Librairie gourmande.
À la di Stasio de Josée di Stasio: «Parce que Josée a transformé notre façon de faire la cuisine.»
Rollande Desbois, La gastronomie en héritage, un livre dont elle est la coautrice avec Émilie Villeneuve: «Elle a marqué, de la plus extraordinaire façon, notre rapport au beau et au bon...»
Plenty, de Yotam Ottolenghi: «Un choc incroyable, l’ouverture à la cuisine végétarienne et au monde des épices.»
Chaque semaine, Caribou fait découvrir dans les pages du quotidien Le Devoir, un homme ou une femme, qui, à sa façon, nourrit le Québec.