«J’ai récolté une tonne de tomates l’an dernier, assez pour fournir le resto toute l’année! À l’automne 2019, on ne dormait plus: on faisait des sauces tomates jusqu’à 2 heure du matin! Mais ça valait le coup, parce qu’ouvrir un pot de tomates de ton jardin en janvier, c’est magique!» raconte la cheffe, des étoiles dans les yeux.
Il faut dire que la passion de Fisun Ercan pour l’agriculture est toute nouvelle… Il y a bien eu ses grands-parents maternels qui avaient une terre en Turquie quand elle était jeune, sa grand-mère qui l’amenait avec elle au jardin, sa mère avec qui elle cuisinait les légumes des maraîchers du coin et le petit jardin sur le toit du Su… mais jusqu’à récemment, c’est surtout derrière les fourneaux qu’elle exprimait sa passion pour les aliments.
Un rêve enraciné
C’est à force de toujours chercher une meilleure qualité des ingrédients qui entraient dans sa cuisine – «parce qu’il n’y a aucune technique culinaire qui peut remplacer le goût et la texture d’un aliment fraîchement récolté» – sans trouver exactement ce qu’elle désirait, que l’idée de faire pousser ses herbes, ses fruits et ses légumes a germé dans la tête et le cœur de Fisun. «Je réalise que le jardinage me manquait depuis 30 ans. Enfin, cette maison, ce jardin, c’était comme un effort pour retrouver mon enfance», laisse tomber la cheffe ainsi devenue maraîchère.
Comme si le chemin était déjà tracé, en cherchant une fermette sur l’internet, Fisun a rapidement eu un coup de cœur pour une maison de 1858 située à 30 minutes de route de son restaurant de Verdun. «En photos, je trouvais ça tellement beau que je n’y croyais pas», dit-elle en désignant ce qui nous entoure: une demeure ancestrale en pierres rénovée par Fisun et son mari, des potagers tout autour, les vastes champs voisins et des saules pleureurs qui semblent veiller sur l’ensemble.
C’est ainsi que depuis mars 2018, Fisun s’est lancée corps et âme dans ce projet d’agriculture à petite échelle qu’elle a nommé Bika. Avec son mari, ils ont d’abord beaucoup lu, regardé des vidéos sur le sujet et commandé tous les ouvrages du maraîcher Jean-Martin Fortier. Puis, avec l’aide de l’équipe du resto, il a fallu prendre soin de la terre fatiguée après des années de monoculture, planter du sarrasin et des tournesols pour créer un mur entre la route et les potagers jusqu’à ce que, tranquillement, Fisun remarque le retour des vers de terre, «signe que la terre allait mieux».