Publié le
12 mars 2024
Texte de
Caribou
Photos de
Unis TV
— Dans La table du fermier, on vous suit de la prise de possession du bâtiment, en mai 2022, jusqu’en novembre 2023, soit neuf mois après l’ouverture officielle du restaurant. Pourquoi avoir voulu documenter cette expérience?
JMF: C’était surtout un désir de partager mon enthousiasme. Je n’imaginais pas alors tout ce qui nous attendait! Aujourd’hui, on est super contents: le restaurant est beau, la bouffe est bonne, les équipes sont solides… Mais on en a bavé une shot pour en arriver là!
ÉG: On voulait que la série soit authentique, qu’elle nous montre aussi en train de traverser toutes les difficultés qui se présentent. La plus grosse embûche, au fond, c’était l’idée de départ: ouvrir un resto qui s’approvisionne localement à l’année! (Rires)
JMF: Tout à fait! Le côté maraîchage, ça va, je connais. Mais rénover nous-mêmes un bâtiment qui date de 1849, récupérer les matériaux de vieilles granges, bâtir une cuisine au complet… Les plus grosses contraintes, on les a imposées à nous-mêmes dès le début!
Crédit photo: Daph et Nico
— A-t-il été difficile de travailler ensemble, de la ferme à la table, pour servir un seul et même objectif?
JMF: On tenait à ce que tous les ingrédients qu’on ne produit pas à Old Mill, comme la viande et les céréales, proviennent d’artisans de la région de Brome-Missisquoi. On ne pouvait donc pas compter sur une panoplie de fournisseurs pour assurer notre approvisionnement, contrairement à un restaurant conventionnel. On a fait face à plusieurs imprévus qui ont forcé Éric et son équipe à être très inventifs.
— On constate dans la série qu’un menu 100% local à l’année demande beaucoup de travail, comme la conservation et la transformation des produits frais en prévision de l’hiver, ou la boucherie d’animaux que vous achetez entiers à de petits producteurs. Comment avez-vous relevé ce défi?
ÉG: Cuisiner local, de saison, travailler avec des produits bruts, c’est extrêmement stimulant pour un chef! Mais la première année, c’est un cadeau empoisonné! On a pris conscience, par exemple, de tout le temps qu’il fallait consacrer au travail de création des saveurs des plats quand on doit se passer des produits d’usage courant, comme le sucre, le poivre ou l’huile d’olive. On a aussi découvert la charge de travail exigée en cuisine pour transformer autant de tomates au moment où le jardin est plein. Quand c’est mûr, c’est là que ça se passe! Dans la série, on voit bien cet énorme travail de défrichage, celui qui nous forçait à improviser à mesure et à patenter une offre! (Rires) Pour la suite, l’expérience acquise nous permet d’établir une certaine formule, un certain cadre autour de ce qu’il ne sera jamais possible de prévoir.
— Les défis sont nombreux en cuisine, mais qu’en est-il à la ferme?
JMF: On a une serre chauffée minimalement pour semer les légumes d’hiver; terminer sa construction à temps à l’automne 2022 a été un gros défi. On a travaillé fort pour donner une latitude à la cuisine, en ajoutant plus de fraîcheur au menu pendant la saison froide. On accorde beaucoup d’importance à démontrer que notre souveraineté alimentaire et notre nordicité se célèbrent à l’année, grâce à la transformation des aliments et à ce qu’on met au caveau, mais aussi grâce aux légumes frais d’hiver, dont la saveur est incroyable et unique.
— La série donne l’impression d’une expérience quasi familiale. Qu’est-ce que cette proximité physique entre tous les intermédiaires vous apporte personnellement?
JMF: C’est tellement génial, cette communauté qui se crée autour du Old Mill entre la cuisine, les fournisseurs et les clients du resto se promenant dans le jardin où ce qu’ils vont manger a poussé. C’est une des raisons qui m’ont amené vers ce projet: arrêter de travailler en silo. Pour moi, c’est la partie la plus excitante.
— Avec le recul, quel conseil donneriez-vous aux Jean-Martin et Éric qu’on rencontre dans les premières minutes de la série, alors que tout est à faire?
ÉG: Je dirais: «Ce n’est pas un projet avec lequel vous pouvez surréfléchir et attendre que tout soit parfait. C’est impossible. Faites un grand saut dans le vide.» C’est ce qu’on a fait cette année-là, et c’était la bonne approche.
JMF: Bien dit! Je pense que les gens vont être surpris en regardant la série. On nous présente dans toute notre vulnérabilité: on nous voit douter, on nous voit devant le constat qu’on ne pourra probablement jamais ouvrir le restaurant, mais surtout, on nous voit persévérer.
ÉG: Dans toutes les aventures qu’on a vécues, certaines sont temporelles et d’autres tiennent de la météo, des hasards, d’interventions quasi divines… C’est beau, c’est très imparfait, mais on l’a fait!
Pour visionner la série
La nouvelle série originale La table du fermier, avec Jean-Martin Fortier, est à voir dès maintenant sur la plateforme TV5Unis.