Il faudra toutefois attendre près de 40 ans avant de voir d’autres recettes être publiées en français et en anglais. Patrick Charbonneau fait l’hypothèse que cette soudaine apparition est un résultat de la perte de la technique pour faire cristalliser le sucre, et que les populations de plus en plus urbaines avaient effectivement besoin d’une recette pour faire le dessert de leur mère ou de leur grand-mère.
Aucune autre trace de confection sucrée comme le sucre à la crème, c’est-à-dire incorporant des produits laitiers et du sucre, ne peut être identifiée au 19e siècle, en Amérique ou en Europe, selon Patrick Charbonneau, sauf pour la panocha de leche, qui semble s’être développée indépendamment et un peu plus tard que le sucre à la crème, au Mexique.
Perdre la trace
Aujourd’hui, on trouve de nombreuses versions du sucre à la crème, mais presque aucune n’est faite avec du sucre d’érable. Pourquoi? «Ç’a toujours été une confiserie du peuple, explique Patrick Charbonneau. Quand le sucre d’érable était le sucre le moins cher, c’est ce qui était utilisé. À la fin du 19e siècle, le prix de la cassonade est devenu plus bas que le prix du sucre d’érable.»
Avec ces nouveaux ingrédients – cassonade, sirop de maïs, lait condensé en conserve – on a perdu le lien avec la tradition, suggère le professeur. «Le sucre à la crème n’a pas la même aura que d’autres plats, même s’il est peut-être plus traditionnel que bien de nos recettes qu’on considère comme traditionnelles.»
Il est grand temps qu’il retrouve sa juste place au panthéon du patrimoine culinaire québécois. «Le sucre à la crème, écrit Patrick Charbonneau dans la conclusion de sa recherche, est peut-être l’incarnation la plus authentique de la dent sucrée des Québécois.»