L'effet Michelin au Québec, six mois plus tard - Caribou

L’effet Michelin au Québec, six mois plus tard

Publié le

26 novembre 2025

Texte de

Sophie Ginoux

Photo fournie par

ONF et VF3

Le dévoilement de la toute première sélection du prestigieux guide rouge au Québec, le 15 mai dernier, a suscité tout autant d’explosions de joie que de déceptions et de polémiques dans le milieu de la restauration. Alors, six mois plus tard, faisons un petit bilan. Est-ce qu’être auréolé par le Michelin, cela change la vie?
michelin
Le documentaire «Après les étoiles», qui doit sortir en 2027, montrera comment l’effet Michelin a été vécu dans trois établissements de Québec.
Le dévoilement de la toute première sélection du prestigieux guide rouge au Québec, le 15 mai dernier, a suscité tout autant d’explosions de joie que de déceptions et de polémiques dans le milieu de la restauration. Alors, six mois plus tard, faisons un petit bilan. Est-ce qu’être auréolé par le Michelin, cela change la vie?
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Commençons ce tour d’horizon avec le Casavant, un bistrot convivial établi depuis deux ans dans le quartier Rosemont, à Montréal. Pourquoi? Parce que c’est dans ce petit restaurant que la direction du Guide Michelin s’est réunie le 15 mai dernier pour annoncer sa sélection québécoise 2025. Et c’est seulement la veille que les membres du Casavant ont appris l’identité du groupe qui s’attablerait chez eux.

«C’était très stressant! J’étais tellement en sueur que j’avais du mal à voir clair quand Gwendal Poullennec, le directeur international des Guides Michelin, nous a remis ce jour-là notre plaque Bib Gourmand», raconte le chef Charles-Tristan Prévost (ex du Club Chasse et Pêche), qui visait justement cette distinction récompensant les meilleurs rapports qualité-prix.

Les mois suivants, même sans étoile, le Casavant a fait le plein. «On a eu un été de fous. C’était un beau problème», confirme le cuisinier, qui a vu affluer de nombreux touristes en plus de la clientèle habituelle du restaurant. L’automne en cours est aussi plus achalandé que l’an dernier, ajoute-t-il, et les groupes pour les partys de Noël sont au rendez-vous.

Évidemment, le chef est ravi, sans vouloir nécessairement décrocher une étoile dans le futur. «J’aimerais juste qu’on garde notre Bib, car c’est ce qui représente selon moi ce qu’on fait et le caractère abordable du Casavant. On roule déjà très bien comme ça.»

Atteindre le firmament

Impossible maintenant de passer à côté du restaurant d’ici le plus étoilé, le Tanière3 à Québec, dont le chef François-Emmanuel Nicol a fait partie des plus ardents défenseurs du projet Michelin. Depuis le jour un de son arrivée aux commandes du restaurant en 2019, son but était de hisser cet établissement au sommet de l’élite mondiale, et du même élan de prouver que la fine cuisine boréale pouvait être reconnue internationalement.

Un défi réussi, puisque le Tanière3 remporte depuis deux ans tous les prix possibles: plusieurs Lauriers de la gastronomie, deux étoiles Michelin, top 5 du North America’s 50 best restaurants, entre autres. Par conséquent, les retombées du Guide ont-elles été à la hauteur de ses attentes? Absolument, répond-il.

«Le Michelin nous a apporté beaucoup de notoriété. Le restaurant était à peine profitable avant — Tanière3 dispose d’une brigade de 14 cuisiniers pour 60 couverts maximum —, mais il est maintenant plein trois mois à l’avance, ce qui nous permet de mieux remplir notre mission. Et ces étoiles ont aussi joué en notre faveur pour le classement du 50 best.»
François-Emmanuel Nicol

Le chef estime également que l’ensemble de la gastronomie québécoise, des restaurants aux producteurs et artisans, a bénéficié de l’effet Michelin. Il espère évidemment conserver ses deux étoiles en 2026; et, pourquoi pas, en décrocher une troisième. «Ce serait un accomplissement de carrière», affirme-t-il.

Des recommandations porteuses

Outre les 11 restaurants étoilés et les 17 autres coiffés d’un Bib Gourmand, la sélection 2025 du Guide Michelin compte 76 recommandations au Québec. Maison Boire, situé au cœur de Granby et engagé dans une gastronomie durable, fait partie de cette troisième catégorie de distinctions, a priori moins scintillante que les deux autres. Mais là aussi, le célèbre guide rouge a brassé les cartes.

«Je dois dire que je me demandais si le Michelin ferait une différence ou si ça passerait dans le beurre, indique le copropriétaire Brian Proulx. Mais l’apport de clientèle, notamment des touristes étrangers et des gens d’affaires, grâce à cette recommandation, a été énorme depuis le mois de mai. On a même doublé nos profits!»

Et le succès se poursuit, semble-t-il, puisque les réservations vont bon train pour l’automne et les Fêtes. Si bien que oui, pour M. Proulx et ses collègues, après neuf ans d’activité ponctués de hauts et de bas, l’arrivée du Michelin a fait une réelle différence dans leur quotidien.

Un documentaire à venir

Quand la journaliste et entrepreneuse Allison Van Rassel, qui gravite dans le secteur gastronomique de Québec depuis 10 ans, a appris que le Guide Michelin allait s’implanter dans la province, elle a senti qu’il s’agissait d’un moment charnière. «J’avais envie d’observer l’impact de cette arrivée dans nos établissements, mais aussi de questionner notre identité culinaire, la manière dont elle se déploie dans nos assiettes», raconte-t-elle.

Avec deux professionnels du documentaire, François Dubé et Guillaume Fournier, et le soutien financier de l’ONF, ce projet a pris vie. Actuellement en tournage, le long métrage Après les étoiles montrera, à sa sortie en 2027, comment l’effet Michelin s’est vécu, de l’intérieur, dans trois établissements de Québec (Tanière3, Melba et Le Clan) avant, pendant et après l’annonce de la sélection 2025.

Une bonne raison pour lui demander ce qu’elle a constaté jusqu’à maintenant. «En termes de retombées économiques, l’effet Michelin est clair, dit-elle. Mais notre identité culinaire, elle, est encore en construction, même si le Michelin estime que notre gastronomie fait partie de celles à découvrir.» Et elle rayonnera de plus en plus hors de nos frontières, nous en sommes convaincus.

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