Des bûcherons aux bourgeois
Bien que l’afternoon tea comme on le célèbre aujourd’hui soit directement lié à la Grande-Bretagne — on attribue son introduction à Anna Russell, la septième duchesse de Bedford, qui avait toujours un petit creux vers 16h —, l’historien de la cuisine familiale Michel Lambert rappelle que ce sont les Hollandais qui ont été les premiers à importer le thé en Europe, en 1610, d’Asie. Selon ses recherches, des marchands vendaient du thé au Québec en 1735, «mais c’était terriblement cher, au point qu’il y avait seulement les riches qui pouvaient se le permettre».
Les choses ont changé avec l’arrivée des Anglais, qui, eux, l’importaient directement de l’Inde: «C’étaient leurs propres compagnies, alors ils pouvaient le vendre à un prix très intéressant. C’est devenu accessible à toutes les classes sociales. Les coureurs des bois ont aussi contribué à le valoriser, en faisant du troc avec les Autochtones. […] On buvait aussi du thé dans les camps de bûcherons. Le café était réservé aux patrons!» raconte Michel Lambert.
Le rituel du thé à l’anglaise s’est imposé dans les familles bourgeoises au 19e siècle des deux côtés de l’océan. À Sherbrooke, le Centre culturel et du patrimoine Uplands occupe un bâtiment érigé en 1862 par un gentleman-farmer à l’image de la demeure qu’il habitait en Angleterre. «La tradition du thé a été reconnue à l’inventaire du patrimoine immatériel de la ville de Sherbrooke, souligne Mme Julie Marleau, directrice adjointe de l’établissement. Quand ils font le service du thé, nos guides sont en costumes d’époque — façon Downtown Abbey —, donnent de l’information et racontent des anecdotes.» C’est toutefois seulement possible en été.
Thé de la Saint-Valentin
En février, pour vivre une expérience similaire, il faudra plutôt mettre le cap sur le musée Laurier de Victoriaville, dans le Centre-du-Québec. «Nous sommes dans la maison victorienne de Wilfrid Laurier, explique Émilienne Delorme-Nadeau, responsable des actions culturelles et éducatives. […] Il n’était pas britannique, mais, comme premier ministre, il a été amené à vivre ce rituel. Nos salons de thé ont lieu dans ce qu’on appelle le boudoir, au deuxième étage.»
Deux choix de thés de Camellia Sinensis y sont proposés avec les traditionnels sandwichs au concombre, les scones et les mignardises. L’accès au musée et la visite guidée sont aussi inclus dans l’expérience (25$ pour les membres et 30$ pour les non-membres).
Qu’on la vive en solo, en couple ou entre amis, une chose est sûre: l’expérience du thé a la cote. «L’heure du thé, c’est beau à vivre seul, mais il y a quelque chose de noble de le vivre ensemble, conclut Jennifer Mallin. C’est royal.»