L’heure du thé, un moment de partage - Caribou

L’heure du thé, un moment de partage

Publié le

18 février 2025

Texte de

Marie-Julie Gagnon

Chics et classiques ou kitsch et ludiques, les salons de thé sont d’abord des lieux de rassemblement. On y sirote le thé tout en savourant sandwichs au concombre, scones et autres tartelettes. Chose certaine: ils sont parfaits, en février, pour se réchauffer et pour célébrer l’amour et l’amitié.
Photo: Société du Musée Laurier
Chics et classiques ou kitsch et ludiques, les salons de thé sont d’abord des lieux de rassemblement. On y sirote le thé tout en savourant sandwichs au concombre, scones et autres tartelettes. Chose certaine: ils sont parfaits, en février, pour se réchauffer et pour célébrer l’amour et l’amitié.
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Le jour où Jennifer Mallin est tombée par hasard sur un plateau étagé dans une boutique, un déclic s’est produit. Du jour au lendemain, la professeure de yoga, qui a vu son entreprise piquer du nez pendant la pandémie, s’est transformée en Lady Porcelaine. Elle perçoit d’ailleurs un certain aspect méditatif dans le rituel du thé.

Mention photo: Salon de thé Lady Porcelaine

Une transformation s’active alors: cet ex-punk se met à ajouter du rose dans sa vie. Les airs de maison de poupées de son nouveau logement attirent l’attention sur Instagram, où elle a créé un compte en 2021. Après avoir reçu des adeptes du thé chez elle pendant quelques mois, elle transporte pénates et porcelaines sur la rue Saint-Denis, à Montréal, en 2024. «Je voulais garder l’atmosphère d’un appartement, raconte-t-elle. Je ne voulais pas que ça fasse resto. Chez nous, le temps n’existe pas et on vient jouer à la grande dame ou au gentleman.»

Une trentaine de personnes peuvent maintenant prendre place dans le salon pastel de Lady Porcelaine. Dès leur arrivée, les convives rencontrent une liseuse de feuilles de thé et choisissent un fascinateur, ces élégants petits chapeaux souvent excentriques.

Les plateaux étagés avec options végétaliennes et sans gluten sont présentés comme le veut la tradition: les bouchées salées sur l’étage du bas, les scones au centre et les pâtisseries sur l’étage du haut. Hormis les sandwichs au concombre, faits sur place, les bouchées et les desserts proviennent d’une quinzaine d’entreprises locales et régionales.

Mention photo: Salon de thé Paparmane

Il en est de même pour les thés, choisis avec soin par l’entrepreneuse. «Le premier thé servi est un thé blanc appelé le bleu céleste. Il vient des Thés Fuji, dans les Cantons-de-l’Est. Le deuxième est l’earl grey bio de Camellia Sinensis, et le troisième, un thé au jasmin de la sommelière de thés Élise Perreault, alias Lady T, de Mont-Tremblant.»

Aussi inauguré en avril 2024, le superbe salon de thé Paparmane, dans le Vieux-Montréal, propose une tout autre atmosphère. Créé par le tandem de Régine Café et de Janine Café, l’endroit donne l’impression de passer de l’autre côté du miroir d’Alice au pays des merveilles. Ici, le mobilier Louis XVI et le velours se marient dans une ambiance rococo. Le menu aussi fait sourire: une gentille camomille, une paparmane rose, une gueule de bois ou un tiguidou? Classiques, sans gluten, végés, sans lactose ou végétaliens, les plateaux contiennent de savoureuses bouchées salées et des douceurs faites maison. Les enfants ne sont pas en reste: un plateau étagé baptisé «Le thé des petits trésors» leur est destiné.

Des bûcherons aux bourgeois

Bien que l’afternoon tea comme on le célèbre aujourd’hui soit directement lié à la Grande-Bretagne — on attribue son introduction à Anna Russell, la septième duchesse de Bedford, qui avait toujours un petit creux vers 16h —, l’historien de la cuisine familiale Michel Lambert rappelle que ce sont les Hollandais qui ont été les premiers à importer le thé en Europe, en 1610, d’Asie. Selon ses recherches, des marchands vendaient du thé au Québec en 1735, «mais c’était terriblement cher, au point qu’il y avait seulement les riches qui pouvaient se le permettre».

Les choses ont changé avec l’arrivée des Anglais, qui, eux, l’importaient directement de l’Inde: «C’étaient leurs propres compagnies, alors ils pouvaient le vendre à un prix très intéressant. C’est devenu accessible à toutes les classes sociales. Les coureurs des bois ont aussi contribué à le valoriser, en faisant du troc avec les Autochtones. […] On buvait aussi du thé dans les camps de bûcherons. Le café était réservé aux patrons!» raconte Michel Lambert.

Le rituel du thé à l’anglaise s’est imposé dans les familles bourgeoises au 19e siècle des deux côtés de l’océan. À Sherbrooke, le Centre culturel et du patrimoine Uplands occupe un bâtiment érigé en 1862 par un gentleman-farmer à l’image de la demeure qu’il habitait en Angleterre. «La tradition du thé a été reconnue à l’inventaire du patrimoine immatériel de la ville de Sherbrooke, souligne Mme Julie Marleau, directrice adjointe de l’établissement. Quand ils font le service du thé, nos guides sont en costumes d’époque — façon Downtown Abbey —, donnent de l’information et racontent des anecdotes.» C’est toutefois seulement possible en été.

Thé de la Saint-Valentin

En février, pour vivre une expérience similaire, il faudra plutôt mettre le cap sur le musée Laurier de Victoriaville, dans le Centre-du-Québec. «Nous sommes dans la maison victorienne de Wilfrid Laurier, explique Émilienne Delorme-Nadeau, responsable des actions culturelles et éducatives. […] Il n’était pas britannique, mais, comme premier ministre, il a été amené à vivre ce rituel. Nos salons de thé ont lieu dans ce qu’on appelle le boudoir, au deuxième étage.»

Deux choix de thés de Camellia Sinensis y sont proposés avec les traditionnels sandwichs au concombre, les scones et les mignardises. L’accès au musée et la visite guidée sont aussi inclus dans l’expérience (25$ pour les membres et 30$ pour les non-membres).

Qu’on la vive en solo, en couple ou entre amis, une chose est sûre: l’expérience du thé a la cote. «L’heure du thé, c’est beau à vivre seul, mais il y a quelque chose de noble de le vivre ensemble, conclut Jennifer Mallin. C’est royal.»

Infos pratiques et découvertes

Le salon Lady Porcelaine est ouvert les vendredis, les samedis et les dimanches toute l’année. Il est préférable de réserver. Pour les 12 ans et plus.

Jennifer Mallin, alias Lady Porcelaine, vient de publier L’heure du thé aux Éditions de l’Homme, dans lequel on peut découvrir l’histoire, les rituels et des recettes.

Cinq entreprises composent le Chemin des thés des Cantons-de-l’Est. En dehors de la période estivale, l’auberge Le Tricorne invite les groupes de dix personnes ou plus à effectuer une réservation pour vivre l’expérience du thé à l’anglaise.

D’autres adresses à Montréal

Le Cardinal Salon de thé et buvette, qui nous transporte dans les années 1920, dans le Mile-End, l’intimiste Le Parloir, près du parc La Fontaine, le Rosélys, au Fairmont Le Reine Élizabeth, et La Cour des palmiers du Ritz-Carlton.
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