Mélanie Blanchette et la place des femmes en restauration - Caribou

Mélanie Blanchette et la place des femmes en restauration

Publié le

21 mars 2025

Texte de

Mélanie Blanchette

Photos de

Roxanne Mailloux

Le 10 mars dernier, les trois fondatrices de Caribou ont assisté à la première édition montréalaise de la Tablé(e) au féminin, un collectif solidaire de femmes évoluant autour des métiers de la table. Plus de 70 femmes étaient présentes et ont pu entendre des panélistes hors-pair parler de leur expérience professionnelle. Du lot: Mélanie Blanchette, copropriétaire des restaurants Bouillon Bilk, Cadet, Place Carmin et Oncle Lee. Touchées et inspirées par ces mots, nous publions ici son l’allocution.
femmes en restauration
Mélanie Blanchette entourée des instigatrices de la Tablée au féminin et des autres panélistes, Marie-Pier Germain, Dyan Solomon et Anne-Virginie Schmidt.
Le 10 mars dernier, les trois fondatrices de Caribou ont assisté à la première édition montréalaise de la Tablé(e) au féminin, un collectif solidaire de femmes évoluant autour des métiers de la table. Plus de 70 femmes étaient présentes et ont pu entendre des panélistes hors-pair parler de leur expérience professionnelle. Du lot: Mélanie Blanchette, copropriétaire des restaurants Bouillon Bilk, Cadet, Place Carmin et Oncle Lee. Touchées et inspirées par ces mots, nous publions ici son l’allocution.
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Je m’appelle Mélanie Blanchette. Je viens de Québec, et depuis 1997, je suis une serveuse. Ça fait longtemps 1997! Pour ceux qui s’en souviennent, 1997 c’est l’année où Daniel Vézina a sorti son livre de recette sur lequel il a une petite boucle d’oreille en forme de fouet… Ça rajeunit personne ça! Juste pour dire qu’on était déjà là, la télé, les chefs star…

Je ne suis pas une sommelière ni même une serveuse de formation, je n’ai jamais fait d’école d’hôtellerie.

mélanie blanchette femmes en restauration

Avec l’aide de gens patients, j’ai appris «sur le tas». Suis-je une impostrice? Je ne sais pas. J’ai toujours pensé que mon métier c’est de rendre des clients heureux, et de participer au rayonnement de la ville. Il n’y a pas de diplôme pour ça.

Je suis agréablement surprise par l’organisation et l’ampleur de La tablée au féminin. En écoutant les motivations menant au mouvement, et les statistiques décrivant notre milieu, je me sens vraiment à la bonne place ici ce soir.

Accessoirement j’ai étudié le design, la rédaction et la gestion. Donc, je suis comme un negroni: trois affaires qui ne «fittent» pas ensemble, mais ça s’est avéré fort utile pour la suite des choses.

Après avoir travaillé dans plusieurs établissements de la Capitale (bonjour le Cochon Dingue, le Café du Monde, Le Charbon, entre autres), j’ai quitté pour venir à Montréal en 2005. J’ai atterri au Leméac.

À l’époque, je me souviens avoir vu Dyan [Solomon] arriver sur son scooter… mon dieu que je la trouvais hot! C’était la fille du Olive et Gourmando. Puis j’ai vu Simone, celle par qui le mot «buvette» est arrivé chez nous. Y avait aussi Véronique Dalle aka «l’encyclopédie des vins».  L’inarrêtable Helena [Loureiro], l’infatigable Graziella… toutes des clientes que je servais en «shakant» un peu de la main parce qu’elles m’impressionnaient. Elles m’impressionnent encore, si je suis 100% honnête.

Puis, quand on a ouvert le Bouillon Bilk, Marie-Josée [Beaudoin] des 400 coups est débarquée! Arrêtez-moi! Plus tard, il y a eu Elise Lambert et notre étoilée parisienne Etheliya [Hananova] (qui, après avoir quitté Montréal, est devenue copropriétaire du restaurant Comice à Paris).

Mesdames, je suis très contente aujourd’hui qu’on prenne le temps de se réunir pour réfléchir et échanger sur notre belle industrie, notre passion commune.

Parce que la présence des femmes dans l’industrie est directement liée à sa pérennité.

Pour moi, ça n’a jamais fait de doute que nous habitions la restauration en long et en large, mais force est d’admettre que la voix des «boyzzz» est plus loud, et que la représentativité porte à droite.

Force est d’admettre aussi que cette industrie-là nous a challengé dans le passé et nous challenge encore de plusieurs façons.

Elle nous a voulu attirante, derrière le bar, pour faire dépenser davantage les messieurs, cette belle industrie de Grand Chef et de cuisinière. Ah non c’est FEMME chef qu’on dit, oups!

Cette industrie nous a fait porter des talons hauts pour marcher des kilomètres dans une salle à manger. Ça arrive moins maintenant, mais ça habite encore les esprits. Elle qui donne des leçons de maquillage aux étudiantes dans certaines instituts. Qui a émis des «tu devrais sourire plus».

L’endroit où la femme est hôtesse et l’homme, maître d’hôtel. La femme, une vieille waitress et l’homme, un serveur d’expérience. Les exemples de doubles standards sont nombreux.

C’est donc facile de penser que notre place est fragile, de penser qu’on ne peut pas vieillir en restauration et que ce métier-là en est un «en attendant». À cause de l’âge, à cause de la maternité, à cause du préjugé envers notre profession. «Qu’est-ce que tu fais d’autre que ça à côté?»

J’ai ouvert le Bouillon Bilk pour protéger mon emploi. J’avais peur de me faire dire un jour que je n’étais plus adéquate pour le métier. Alors je me suis lancée. C’était il y a 15 ans.

C’est grave, quand on y pense.

Et c’est triste parce qu’une de nos recrues m’a dit ça mot pour mot la semaine passée. Qu’elle ne se voyait pas vieillir en restauration. Tsé «nous les femmes». Signe de tout le travail qu’il nous reste à faire. En plus, je m’efforce d’offrir un cadre qui permet le développement de carrière si envie il y a. Parce que ce n’est pas une fin en soi d’avoir un poste ou une promotion. Le métier de serveuse est complet en lui-même.

Et la conciliation travail-famille dans tout ça?

Moi je fais partie des filles à qui on a dit que j’étais un «gars de la gang». Ben non! Ne pas vouloir avoir d’enfants, être carriériste, aimer l’action et la prise de risque, c’est aussi une manière d’être une femme. Être une madame n’est pas qu’une seule affaire. Y a plein de preuves de ça ici aujourd’hui.

Mais ensemble repensons les horaires et les fonctions, offrons un climat sain, du mentorat, de la formation, notre présence, notre influence, travaillons sur l’adaptabilité du milieu.

On est là pour offrir le meilleur à la relève, dans nos établissements, aussi j’espère dans nos institutions. En étant bruyantes, on fait passer le message que ce métier-là est pour nous aussi.

La Tablé(e) au féminin

Créée en 2024 par Caroline Beaulieu, Émilie Althot-Robitaille et Noémie Ducharme, toutes trois de Québec, la Tablé(e) au féminin a vu le jour avec la volonté de créer un réseau de soutien et d’entraide pour les femmes évoluant dans les métiers des arts de la table et de l’hospitalité.

À travers l’organisation d’événements, elles désirent construire des ponts entre les actrices des différentes sphères de l’industrie et créer une mobilisation pour faire avancer la  représentation des femmes dans un univers professionnel à majorité masculine.

À la suite d’une conférence dans la capitale québécoise, la sommelière Marie-Josée Beaudoin, copropriétaire du restaurant Sabayon à Montréal, a proposé au trois instigatrices d’étendre le mouvement dans la métropole. Après quelques événements à Québec en 2024, l’événement du 10 mars était le premier à Montréal.

Pour suivre la Tablée au féminin
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