Nourrir son prochain, 365 jours par an
Publié le
01 février 2025
Texte de
Sophie Ginoux
Image de
La Tablée des Chefs

Lorsqu’il est question de faim, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon Statistique Canada, en 2022, 18% des familles canadiennes, soit 6,9 millions de personnes, déclaraient avoir connu un certain niveau d’insécurité alimentaire. Les banques alimentaires du Canada, de leur côté, ont dressé un bilan encore plus alarmiste pour 2024, avec une augmentation de l’ordre de 90% du recours à l’aide alimentaire depuis 2019, et plus de quatre millions de repas et de collations distribuées en l’espace d’un an. Du jamais vu.
Une grande Tablée citoyenne
«Les besoins s’accroissent d’année en année. Nous n’arrivons jamais à produire suffisamment pour la demande», confirme Jean-François Archambault, fondateur et directeur général de La Tablée des chefs. Cet organisme né en 2002 combat l’insécurité alimentaire au Canada, notamment en récupérant de la nourriture (3 millions de portions par an) auprès de plus de 300 établissements, pour la redistribuer à des organismes de première ligne en aide alimentaire. Ou bien en organisant de grandes activités citoyennes, comme les Soupes solidaires, qui permettent à des élèves de 50 écoles primaires à haut indice de défavorisation d’avoir un repas devant eux le midi.
«Les gens peuvent nous épauler de nombreuses manières, poursuit M. Archambault. Les dons en argent sont évidemment les bienvenus, car il faut savoir que chaque portion alimentaire récupérée nous coûte 25 cents. Donc, un don d’un seul dollar permet de nourrir quatre personnes, c’est beaucoup!»
Il est aussi possible de contribuer à La Tablée des chefs comme bénévole, en faisant don des surplus de nourriture lors d’un événement ou au sein de son entreprise, ou encore en participant activement à certaines activités, à l’image de La Grande Marmite, dont la première édition aura lieu le 23 avril 2025 au Palais des congrès de Montréal, en présence de Ricardo Larrivée, de Stefano Faita et de bien d’autres personnalités québécoises. «Nous souhaitons réunir 300 équipes de six personnes ayant recueilli 1500 dollars, et qui prépareront pendant une heure le plus grand nombre possible de portions de soupes sèches prêtes à cuisiner. Ces mêmes portions seront ensuite distribuées aux jeunes des écoles primaires en milieu défavorisé», explique le directeur. Les inscriptions sont en cours, pour les intéressés!
Les femmes du Chaînon
Depuis près de 100 ans, le Chaînon fournit un accompagnement aux femmes vulnérables. Ce dernier comprend de l’hébergement, une passerelle vers un logement et un travail, du soutien personnalisé; mais aussi bien souvent un couvert, puisque l’organisme sert plus de 90 000 repas par an.
«Nous ne sommes pas un centre d’aide alimentaire, mais nous le faisons de facto, car 30% des femmes qui sortent du Chaînon reviennent pour ça, admet la directrice générale Sonia Côté. Les fins de mois sont très compliquées pour elles, une fois toutes les factures payées.»
Ces femmes, qu’elles soient itinérantes, issues de l’immigration, de la DPJ, ex-détenues ou à faibles revenus, trouvent au Chaînon des repas chauds, des boîtes-repas avec des ingrédients frais, et même la possibilité de cuisiner et de sociabiliser grâce au projet des Marmitonnes. Une véritable chaîne solidaire et alimentaire dont on saisit l’ampleur en feuilletant le superbe livre de recettes À table pour elles!, paru l’automne dernier.
Comment aider le Chaînon? «Même si 95% de la nourriture que nous offrons nous est généreusement donnée par des commerçants, les dons en argent que nous recueillons nous permettent d’acheter les 5% manquants», indique Mme Côté. Elle recommande également aux personnes qui veulent contribuer à combattre la faim de soutenir des initiatives locales, comme les cuisines collectives, de faire des dons d’aliments à des organismes en aide alimentaire et de sensibiliser leur entourage au fléau de la pauvreté au Québec.
Des frigos pour tous
Frigos communautaires, frigos-partages, frigos solidaires, frigos collectifs; quel que soit leur nom, ces petits espaces d’aide alimentaire existent dans toutes les régions du Québec. Leur concept est simple: un frigo est branché à l’extérieur, 24 heures sur 24. Il se remplit de denrées fraîches ou de petits plats apportés par des commerçants ou des particuliers, que des personnes qui ont faim peuvent prendre sans avoir à se justifier.
«L’anonymat, c’est toute la beauté de ces frigos, lance la présidente des Survenants, Gaëlle Cerf. Cela évite aux gens vulnérables de faire la queue, de montrer leur pauvreté, de ressentir de la honte. C’est magnifique.» Impliquée depuis 2019 dans le projet Nourrir Henri/Feed the Hen, implanté dans le quartier Saint-Henri, à Montréal, Mme Cerf sait que ces frigos ne bénéficient pas juste à des itinérants, mais aussi à des travailleurs à faibles revenus et à des familles.
«J’invite évidemment les gens du quartier à déposer des aliments ou des plats dans ce frigo», indique Mme Cerf, qui espère que ce type de projet se dupliquera dans tous les déserts alimentaires. «Comme Nourrir Henri est également un organisme de charité, tous les dons en argent nous permettent de préparer des paniers de Noël, d’acheter des cartes d’épicerie ou un gâteau d’anniversaire. Ce sont des mini-gestes très émouvants qu’on ne regrette jamais.»
Quelques initiatives à soutenir
Moisson, le plus grand réseau de banques alimentaires au Québec
La Cantine pour tous, un programme panquébécois qui offre des repas sains et abordables dans les écoles et à domicile pour les personnes âgées
Sauve ta bouffe, le réseau des frigos communautaires du Québec
L’Accueil Bonneau (Montréal), qui accueille les personnes itinérantes ou à risque de l’être depuis 1877. On y sert quelque 200 000 repas chauds par an
Robin des bois (Montréal), un restaurant bien particulier, qui soutient la réinsertion sociale et appuie directement des organismes communautaires d’aide alimentaire
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