Quand l’école nourrit - Caribou

Quand l’école nourrit

Publié le

04 septembre 2025

Texte de

Joanie Rathé

Photos de

Camille Tellier

Avec la rentrée scolaire revient la préoccupation liée aux repas du midi pour nourrir les élèves du Québec. Entre santé, budget et accessibilité, où en sont les écoles de la province dans le dossier?
repas école
Avec la rentrée scolaire revient la préoccupation liée aux repas du midi pour nourrir les élèves du Québec. Entre santé, budget et accessibilité, où en sont les écoles de la province dans le dossier?
publicité

Au Québec, l’offre alimentaire varie grandement selon le niveau scolaire et l’établissement. «La plupart des écoles primaires ont été construites sans cafétéria; certaines disposent tout au plus d’une salle à manger», explique Danie Martin, coordonnatrice du Collectif québécois de la Coalition pour une saine alimentation scolaire. Quand un service de repas existe, il provient souvent d’un traiteur privé, avec des prix et une qualité variables. Selon l’étude Un programme universel d’alimentation scolaire pour le Québec, publiée en 2023 par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques, c’est tout de même 46% des écoles primaires qui ne proposent pas de service de repas, ce qui oblige les familles à fournir un dîner tous les jours.

Au secondaire, 20% des écoles se trouvent dans cette situation; la majorité est équipée d’une cafétéria, généralement exploitée par une entreprise privée qui loue l’espace pour y préparer et y servir les repas. Comme au primaire, cette formule entraîne toutefois une variabilité dans l’offre.

En ce moment, seule la politique-cadre «Pour un virage santé à l’école», adoptée en 2007 et présentement en révision, encadre les menus offerts. Or, le Chantier pour un programme d’alimentation scolaire universel au Québec (2023) indique que l’offre alimentaire des écoles ne respecte pas toujours les recommandations du Guide alimentaire canadien, malgré la présence de cette politique-cadre.

La Cantine pour tous, un modèle inspirant

Dans ce contexte de variabilité et de difficulté d’accessibilité, La Cantine pour tous se distingue comme un modèle inspirant. Fondée en 2016, l’organisation est née de la mobilisation d’organismes communautaires montréalais déjà engagés dans l’aide alimentaire auprès d’écoles vulnérables. Face aux besoins non couverts par les mesures alors en place, ils se sont regroupés au sein de La tablée des écoliers pour trouver des solutions plus inclusives. De ces échanges est née La Cantine pour tous, avec pour objectif d’élargir l’accès à des repas de qualité pour un plus grand nombre d’élèves.

Soutenue financièrement par le ministère de l’Éducation du Québec, l’initiative dessert aujourd’hui des écoles qui n’avaient auparavant aucun service de repas, malgré des besoins importants. Ses membres, des organisations d’économie sociale et solidaire, préparent et livrent les repas directement dans les établissements de leurs secteurs. Lancé en 2019 dans trois écoles, le programme de La Cantine dans les écoles a connu une croissance fulgurante: 171 écoles y participent cette année, réparties dans 13 régions du Québec.

Le fonctionnement est simple: chaque famille paie de façon anonyme selon ses moyens, avec une contribution minimale de 1$ par repas. La contribution suggérée est de 6$, mais La Cantine pour tous absorbe la différence et, peu importe la somme versée, chaque enfant reçoit le même repas. Les menus offrent de deux à trois choix de plats principaux — comprenant un aliment protéiné, un légume et un féculent — ainsi qu’un dessert. Une attention particulière est accordée à la qualité nutritionnelle des repas, à l’offre d’options végétariennes et à l’utilisation de produits locaux.

L’adhésion est entièrement flexible: les parents peuvent choisir de ne pas avoir recours au service, de prendre quelques repas par semaine ou un repas tous les jours.

L’effet est tangible: plus d’un million de repas ont été servis pendant l’année scolaire 2024-2025. Les parents témoignent d’un soulagement, aussi financier que logistique.

«Ça enlève la charge quotidienne de préparer des lunchs, surtout pour les familles nombreuses, et ça permet à certains d’éviter de recourir à l’aide alimentaire.»
Caroline Champagne, gestionnaire du pôle production de La Cantine pour tous

Entre contraintes et ambitions

En parallèle, une mosaïque de programmes communautaires vient aussi combler les besoins alimentaires des élèves les plus vulnérables, que ce soit au déjeuner, au dîner ou à la collation. «C’est encourageant de voir la diversité d’actions, mais l’accès reste inégal selon les régions», rappelle Danie Martin. Les écoles urbaines bénéficient généralement d’un meilleur service que celles des régions éloignées, où les ressources et les partenaires sont moins nombreux.

Au cœur de ces actions, la place des aliments locaux dans les menus scolaires suscite un intérêt grandissant. De plus en plus d’écoles choisissent d’intégrer des produits d’ici. Un nombre croissant d’initiatives et de ressources sont désormais offertes pour accompagner celles qui souhaitent franchir le pas. Toutefois, ce mouvement repose encore sur la volonté des établissements et de leurs partenaires. Si l’attrait grandit, le coût reste souvent un facteur déterminant.

repas école

À plus grande échelle, d’autres défis persistent, à commencer par l’absence d’un programme universel provincial. Le Collectif québécois de la Coalition pour une saine alimentation scolaire plaide pour des mesures accessibles à toutes les écoles, alliant deux volets indissociables: nourrir et éduquer.

Car, au-delà de l’assiette, la littératie alimentaire, portée par des projets comme le jardinage scolaire ou les ateliers de cuisine, joue un rôle clé pour la santé publique. Elle encourage l’adoption de saines habitudes de vie et, à long terme, contribue à réduire les maladies chroniques: un investissement durable dans l’avenir des jeunes Québécois.

publicité

Caribou x Le Devoir

Tous les articles

Plus de contenu pour vous nourrir