Quatre questions à cinq ambassadeurs de produits locaux
Publié le
07 décembre 2019
Amoureux du «fait au Québec», ils ont décidé de partager avec leurs
clients leurs trouvailles en transformant leur boutique en vitrine pour les artisans d’ici. Cinq commerçants de produits gourmands et d’articles d’arts de la table racontent leur amour pour ce qui se crée au Québec.
Texte de Caroline Larocque-Allard
Les Minettes
Laval
Ouvert depuis novembre 2019
100% local
Propriétaires et fondatrices: les sœurs Pascale et Marie-Claud Rémond
Les Minettes, c’est une entreprise qui fabrique des petites gourmandises depuis 2015. Comment en êtes-vous récemment venues à ouvrir une boutique?
Pascale Rémond: Notre rêve d’origine, c’était celui d’une boutique où nous pourrions présenter nos coups de cœur québécois. On a finalement fait le saut dans le Vieux Sainte-Rose à Laval, parce qu’il n’existait pas de commerce du genre et que c’est l’endroit où l’on a grandi.
Avez-vous vu évoluer l’intérêt pour l’achat local depuis que vous êtes dans le domaine?
À Laval, il y aura une certaine éducation à faire, par exemple pour justifier les prix un peu plus élevés, mais comme les gens sont désormais soucieux de leur santé et de l’environnement, ils comprennent facilement la valeur ajoutée des produits locaux.
Comment avez-vous trouvé les artisans présentés chez Les Minettes?
Mon père était un amoureux du terroir, et nos voyages en famille étaient truffés de découvertes. C’est aussi comme ça qu’on fonctionne aujourd’hui: on fait entrer en boutique nos coups de cœur dénichés un peu partout lors de nos escapades au Québec.
Vos artisans coups de cœur?
Gourmet Sauvage, qui démontre grâce à ses produits cueillis en forêt qu’on passe à côté de plein de belles choses dans nos forêts. La Ferme d’Achille, pour sa pulpe de baie d’argousier, qui remplace les agrumes dans les recettes. La Ferme Pré Rieur, pour sa farine de pois jaunes, une légumineuse délicieuse qui se démarquera dans les prochaines années
Autour de la table
Saint-Jean-sur-Richelieu
Ouvert depuis décembre 2014
Local à plus de 80%
Propriétaire et fondatrice: Caroline Sem
Pourquoi avez-vous choisi de vous installer à Saint-Jean-sur-Richelieu?
Caroline Sem: Tout le vieux quartier était en travaux de modernisation et on voyait déjà émerger de nouvelles boutiques offrant des produits locaux dans d’autres domaines. C’est cette promesse qui m’a convaincue d’y installer un café où l’on vendrait des produits faits à la main autour des arts de la table.
Remarquez-vous une tendance vers l’achat local?
Tout à fait. Il y a notamment un engouement pour les produits de remplacement des grandes marques, telles que les tartinades de noisettes d’Allo Simonne au lieu du fameux Nutella.
Quels sont les types de produits recherchés par votre clientèle?
Des pièces plus polyvalentes, dans le but de consommer moins et mieux. J’ai collaboré avec le céramiste Christian Roy pour offrir par exemple un bol-assiette conçu tant pour les pâtes que les soupes ou les salades.
Vos artisans coups de cœur?
Christian Roy, pour ses pièces texturées qui demandent une maîtrise impeccable du tour à poterie. Marie-Joël Turgeon et Jordan Lentik, un couple qui fabrique des céramiques intemporelles qui s’exportent bien. Makiko Hicher-Nakamura, pour l’esthétique japonaise de ses poteries.
Rouge Pin
Val-David
Ouvert depuis juin 2019
100% local, dont 80% d’artisans des Laurentides
Propriétaire et fondatrice: Karina Marquis
Pourquoi avez-vous souhaité ouvrir une boutique consacrée aux produits locaux?
Karina Marquis: Les artisans de la région n’avaient pas encore de vitrine commune. Jumelé à un salon de thé, Rouge Pin se voulait un endroit qui inspire le respect du bon et du beau.
Comment trouvez-vous les artisans?
Je les cherche moi-même, parce que mes critères d’originalité, de qualité et de provenance sont élevés. J’offre des créneaux exclusifs pour que l’unicité des quelque 70 artisans que j’ai sélectionnés puisse rayonner.
Remarquez-vous une ouverture pour l’achat local?
Le discours autour de l’achat responsable se répand. Les gens sont désormais prêts à payer un peu plus pour encourager leurs artisans. Et les prix sont franchement abordables.
Vos artisans coups de cœur?
Gréta Jonckheere, d’Atelier G, pour ses porcelaines façonnées à la main. La potière val-davidoise Carmen Abdallah, de Céramique Zalata, pour ses théières uniques. Mélanie Houde, de L’atelier La Louve, pour ses planches à découper en bois recyclé.
La Folle Fourchette
Québec
Ouvert depuis 2013
Local à environ 50%
Propriétaires et fondatrices: Sophie Grenier-Héroux et Cyane Tremblay
Pourquoi ouvrir une boutique de produits faits au Québec?
Sophie Grenier-Héroux: On voulait un lieu qui arrime l’apprentissage, par des ateliers de cuisine, et l’outillage. Au départ, le côté boutique n’avait pas de vocation locale, mais après avoir été approchées par des artisans d’ici, nous avons trouvé évident d’aller vers ça.
La pertinence de ce choix a-t-elle été renforcée par la demande? Absolument! Les gens étaient ouverts à acheter des outils de cuisine fabriqués au Québec, mais ne savaient pas où chercher. On parle beaucoup de s’alimenter localement, alors que l’achat d’un outillage local est tout aussi pertinent. Notre clientèle s’agrandit autour de cette idée.
Pourquoi avoir mis sur pied une collection maison?
On souhaitait collaborer avec des artisans afin de développer des produits qu’on peine à trouver dans l’offre québécoise et que les clients recherchent, comme le fameux bol à pâtes que Catherine Lebel-Ouellet a conçu pour nous.
Vos artisans coups de cœur?
Dave Fortin, pour ses couteaux haut de gamme que les gens s’arrachent. Catherine Lebel-Ouellet, une fonctionnaire de Québec reconvertie en céramiste à la mi-trentaine. Carole-Anne Roy, de La Petite Boîte, dont les objets textiles sont étonnants et réfléchis.
C’est beau
Montréal
Première boutique sur Mont-Royal en 2017; deuxième sur Beaubien en 2018.
100% local
Propriétaires: Raphaël Ricard (fondateur), Guillaume Laprise et Émilie Pomerleau
Pourquoi avoir commencé, à l’inverse de plusieurs, par créer une boutique en ligne en 2012 pour finalement avoir pignon sur rue quelques années plus tard?
Raphaël Ricard: C’est beau, c’est d’abord notre marque de vêtements fabriqués au Québec, vendus sur une boutique en ligne qui fédère d’autres artisans québécois partageant nos valeurs de fabrication locale, durable et éthique. Toute une communauté s’est bâtie autour de la marque, et c’est comme ça qu’on a pu lancer nos boutiques.
Comment trouvez-vous les artisans qui sont représentés dans vos boutiques?
On reçoit des offres toutes les semaines! On a resserré notre sélection parce qu’on connaît mieux notre clientèle type: elle s’explique mieux la réalité du prix et recherche la qualité du produit et de la démarche. Avant, les consommateurs étaient fiers de dire qu’ils avaient payé un produit le moins cher possible; aujourd’hui, on assiste au phénomène inverse où les clients valorisent leur achat en parlant autour d’eux du raisonnement ayant mené à leur choix local.
Qu’est-ce qui explique l’explosion du nombre des artisans québécois? C’est générationnel, on veut être notre propre patron. C’est positif en matière d’offre; on a le choix parmi une panoplie de produits de la table qui rivalisent d’originalité. Je pense toutefois qu’il se fera un tri naturel et que seuls les battants resteront, ceux dont le produit se démarquera dans le temps.
Vos artisans coups de cœur?
3⁄4 oz, pour leur constance et leur rigueur. Les Minettes, pour leur passion et la croissance qu’elles ont connue. Dimanche Matin, pour leurs confitures extraordinaires.
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Ce texte est paru dans un cahier de la série Manger le Québec, produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, en partenariat avec Caribou.