Les intervenantes:
Marie-Hélène Roch est consultante en recherche et animation de consultations citoyennes. Elle s’intéresse à la nordicité urbaine au quotidien d’ici et d’ailleurs. Ses dernières réalisations l’ont amenée au Danemark, en Finlande et en Russie.
CaoimheIsha Beaulé a récemment déménagé dans le nord de la Finlande, où elle poursuit ses investigations sur le sujet du design nordique. Elle est étudiante au doctorat dans le programme «culture-based service design» à l’University of Lapland.
— Qu’est-ce que la nordicité?
Caoimhe Isha Beaulé: Louis-Edmond Hamelin, le géographe et linguiste québécois qui a inventé le terme «nordicité» dans les années 1960, la résume par le fait d’habiter un territoire froid dans l’hémisphère Nord. Plus précisément, il dit qu’elle peut être un état, une attitude ou un mode de vie. Il a d’ailleurs mis au point un indice grâce auquel on peut évaluer la nordicité d’un territoire, au-delà de sa latitude, selon 10 facteurs.
Marie-Hélène Roch: On associe au terme nordicité beaucoup d’effets physiques, comme le gel ou le froid. La vraie question pour définir la nordicité, ce n’est pas à quelle latitude vit un peuple, mais plutôt ce que fait ce dernier des éléments nordiques dans lesquels il est plongé.
— Qui sont les grands penseurs de la nordicité au Québec?
Caoimhe: Louis-Edmond Hamelin, bien sûr, qui a inventé le mot. Avant, l’expression «pays nordiques» désignait uniquement les pays scandinaves. Lui voulait que le Québec soit inclus dans cette appellation. Selon sa perspective de géographe, il n’y avait pas de vocabulaire adéquat pour parler du Nord en français. Il a donc créé un dictionnaire d’une centaine de mots (où on trouve notamment les termes nordicité, hivernité, montagnité) pour exprimer notre territoire. Les régions francophones situées plus au sud n’avaient pas besoin de ces mots-là; il fallait les inventer au Québec. L’écrivain Jean Désy et le professeur d’études littéraires Daniel Chartier ont aussi beaucoup réfléchi à la question.
Marie-Hélène: René Lévesque, qui cherchait à unifier le Québec, a eu beaucoup d’influence sur le travail de M. Hamelin. Ensemble, ils ont fondé le Centre d’études nordiques de l’Université Laval. D’un point de vue anthropologique, Serge Bouchard, l’écrivain, animateur de radio et anthropologue, s’intéresse aussi au Nord. Sophie-Laurence Lamontagne, une ethnologue, s’est quant à elle penchée, dans les années 1980, sur les aspects culturels de notre nordicité.
Caoimhe: Il y a quelques années, grâce au travail de Louis-Edmond Hamelin, on a beaucoup réfléchi à l’aspect géographique de la nordicité. Ce qui est intéressant, c’est que maintenant, on pense aussi à ses côtés sociologique, anthropologique, culturel et artistique. Notre perception initiale de la nordicité a fait des petits!
— Quelle est la différence entre l’hiver et la nordicité?
Caoimhe: L’hiver, c’est la nordicité saisonnière. C’est une période froide, limitée dans le temps. Dans le sud du Québec, notamment à Montréal, on vit surtout cette nordicité saisonnière, et, à cause de nos étés chauds et humides, on en vient à oublier qu’on est une ville nordique. Pourtant, Montréal est la métropole la plus froide du monde!