Sauver la planète à coups de fourchette - Caribou

Sauver la planète à coups de fourchette

Publié le

19 novembre 2019

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Manger moins de viande, voire pas du tout. Acheter local et biologique. Ne pas consommer de produits laitiers. Se renseigner sur la provenance et la culture des aliments qu’on achète. Diminuer le gaspillage... Comment s’y retrouver dans la myriade de pratiques qui se targuent de contribuer à la réduction des impacts environnementaux de nos choix et habitudes alimentaires? 

Texte de Gabrielle Brassard-Lecours
Illustrations d’Evi Jane 

«On est surchargés d’informations et c’est difficile de savoir par où commencer», souligne Claudine Larivière, experte en nutrition. Se posant elle-même des questions sur les façons de réduire son empreinte écologique par l’alimentation, elle vient de mettre sur pied le programme web Sauver la planète, une recette à la fois, où elle propose des recettes et des conseils pour cuisiner et consommer plus vert. 

«Je me demandais si mes choix alimentaires pouvaient vraiment avoir un impact sur l’environnement, raconte Mme Larivière. En faisant des recherches, j’ai compris que c’était le cas. Il faut simplement avoir les bonnes informations.» 

Voici donc quelques (bonnes) informations sur les différentes habitudes alimentaires qui s’offrent à nous. 

Réduire le gaspillage, d’abord et avant tout

Avant même de changer du tout au tout ses habitudes alimentaires, plusieurs choses peuvent être faites pour réduire son empreinte environnementale, comme le suggère Dominique Maxime, chercheur associé au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG). «Le produit le plus vert, c’est celui que l’on n’achète pas», dit d’emblée le chercheur. Il explique qu’en général, nous achetons et mangeons trop, et qu’il faut donc tenter de ne consommer que ce dont nous avons besoin, ce qui réduira considérablement le gaspillage. «Manger comme cela est recommandé [en matière de calories ingérées] permet de contribuer à une réduction de 15% des gaz à effet de serre (GES) comparativement à notre alimentation actuelle qui comporte souvent de trop grandes quantités.» 

Le végétarisme et le véganisme: plus qu’une tendance 

Certains détracteurs du végétarisme et du véganisme diront qu’il s’agit simplement de modes éphémères. Ce n’est pas l’avis des experts consultés. «Les gens sont vraiment préoccupés par l’environnement et veulent faire de meilleurs choix alimentaires en ce sens», constate Claudine Larivière, qui est elle-même végétarienne. 

Comme plusieurs études le démontrent, dont celle dans la revue scientifique Nature, la production d’aliments d’origine animale est responsable à elle seule de 72 à 78% de toutes les émissions de GES du secteur agricole mondial. La production d’un seul kilogramme de bœuf génère 32,5 kg de CO2. Pour l’agneau, on évalue le bilan à 33 kg de CO2 par kilogramme produit et pour le porc, à 2,9 kg. Si on parle de soya, de noix, de riz ou de légumes, on obtient plutôt une moyenne de 1 kg par kilogramme produit. 

Un régime végétarien permettrait donc de réduire de 25% à 35% les GES dégagés par la production agricole, selon les données compilées par le CIRAIG. 

Mais changer ses habitudes alimentaires peut prendre du temps et paraître difficile. C’est pourquoi Claudine Larivière suggère de commencer par tester quelques recettes et d’opter d’abord pour un régime flexitarien, c’est-à-dire une alimentation majoritairement végétarienne qui autorise une consommation de viande occasionnelle. 

«Il ne faut pas que les gens se sentent coupables de ce qu’ils mangent. Il faut plutôt les informer et encourager des changements alimentaires étape par étape.»

Claudine Larivière

Manger local: défaire les mythes

D’après Dominique Maxime, manger local est une bonne chose. Toutefois, selon les climats et les saisons, il peut être moins néfaste pour l’environnement de faire venir un produit de l’étranger que d’en consommer un cultivé localement en champ ou en serre. Autrement dit, le coût environnemental du transport de certains aliments est surpassé par l’impact négatif généré par leur production sous nos climats dans des serres qu’il faut chauffer ou dans des champs à faibles rendements. 

Le chercheur explique également que les répercussions environnementales d’une production agricole donnée sont très variables d’une région à l’autre dans la Belle Province, selon les bonnes pratiques des agriculteurs et les conditions climatiques locales. 

Consommer des fruits et des légumes de saison, cultivés de façon responsable, est bien sûr idéal. En faire des provisions, en les congelant par exemple, est donc une façon écologique de s’assurer une variété de fruits à l’année et de contrer le fait indéniable que les fruits locaux se font rares l’hiver au Québec. 

Dominique Maxime estime par ailleurs qu’il est normal de vouloir manger une orange de temps en temps. Mais selon lui, même s’ils proviennent d’ailleurs, il y a toujours moyen de s’assurer que ces aliments «exotiques» proviennent de fermes agroresponsables, en les choisissant biologiques ou équitables, quand c’est possible. 

De son côté, l’agriculture urbaine est présentée comme une option de production locale et donc écologique. On peut par exemple penser aux nombreux jardins communautaires présents un peu partout au Québec ou encore, on peut faire un potager dans son jardin quand on a l’espace requis. Il est même possible d’en faire un sur son balcon, à petite échelle. Il existe néanmoins différents modes de production hors sol (hydroponie, aéroponie, aquaponie, etc.) qui peuvent s’avérer de grands consommateurs d’énergie à cause d’un éclairage artificiel, d’une ventilation ou d’une climatisation nécessaires, par exemple. Dans certains cas, ces types de production peuvent donc émettre plus de GES et consommer davantage d’énergies non renouvelables que l’agriculture traditionnelle. 

Et l’agriculture biologique? 

Selon l’Association pour le commerce biologique du Canada, le marché canadien des produits bios est le cinquième en importance dans le monde, générant 4,7 milliards de dollars annuellement au pays. Le bio attire également 12% de la génération des agriculteurs de moins de 35 ans. 

«Les méthodes de calcul utilisées ne rendent pas encore bien compte de certains des bénéfices environnementaux du bio, comme l’amélioration de la qualité d’un sol et de sa durabilité, la dynamique des flux de carbone et le bilan net des GES, le retour ou la production de la biodiversité», explique toutefois Dominique Maxime. Néanmoins, la consommation d’aliments bios a d’autres avantages sur certains aspects environnementaux, comme celui de réduire notre exposition aux pesticides et aux OGM, de manger des aliments plus savoureux parce que non modifiés, et d’encourager une production agricole régie par des règles strictes en matière d’économie d’énergie et d’utilisation de produits chimiques et synthétiques. 

Au final, aucune pratique n’est parfaite, mais chaque petit geste compte. Et chacun peut prendre un peu de ce qui lui convient au sein des différentes pratiques alimentaires, afin de contribuer à la sauvegarde de la planète... un coup de fourchette à la fois! 

Les effets de nos choix alimentaires sur l’environnement 

- Manger moins et comme cela est recommandé, en matière de calories ingérées selon notre poids, permet de réduire de 15% les GES*. 

- Éviter le gaspillage alimentaire permet d’atténuer considérablement les répercussions de la chaîne de production d’aliments jusqu’au consommateur, en réduisant de 10% à 25% les GES. 

- Suivre les recommandations du Guide alimentaire canadien en adoptant un régime qui limite la consommation de viande permet de réduire de 10% à 20% les GES. 

- Être totalement végétarien permet de réduire de 25% à 35% les GES. 

- Être végétalien, c’est-à-dire ne consommer aucun produit animal (viande, poisson, lait, œufs...), permet de réduire de 30% à 50% les GES. 

*Ces pourcentages de réduction de gaz à effet de serre (GES) sont calculés par rapport à un régime ordinaire moyen, pour un individu moyen, basé sur des statistiques nationales de consommation ou des enquêtes. Ces données proviennent de plusieurs études et sont représentatives de différents pays d’Europe et d’Amérique du Nord, dont le régime moyen diffère (d’où les grands écarts entre les différents pourcentages). [Source: CIRAIG]

Lectures pour aller plus loin 

Vive le flexitarisme! 100 recettes purement végé... 
Annie Caron, Guy Saint-Jean éditeur, 2019
Des recettes pour ceux qui désire réduire leur consommation de viande, sans nécessairement devenir végétarien. 

Le défi végane 21 jours ! Un défi santé délicieux et accessible
Élise Desaulniers, Trecarré, 2016
Un guide pratique bourré de conseils, de recettes et de plans de menus équilibrés pour une transition réussie vers le véganisme. 

Loounie cuisine. Recettes et astuces 100 % végétales 
Caroline Huard, KO éditions, 2019
La reine du tofu magique, très populaire sur Instagram vient de publier sont tout premier livre de recettes 100% véganes. 

Sauver la planète une bouchée à la fois
Bernard Lavallée, Éditions La Presse, 2015
Manger local, bio, sauvage, moins transformés... ce livre propose des solutions concrètes pour que nos choix alimentaires soient respectueux de l’environnement au quotidien. 

La consommation dont vous êtes le z’héros 
Florence-Léa Siry, Éditions de l’Homme, 2018
Un livre qui vous accompagnera dans votre désir de changer vos habitudes de consommation, en vous incitant à réduire vos déchets grâce à des initiatives simples que vous pourrez adopter à votre propre rythme. 

***

Ce texte est paru dans un cahier de la série Manger le Québec, produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, en partenariat avec Caribou.

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