Le grincement de dents d’Étienne Gosselin: vos raisins sont-ils québécois? - Caribou

Le grincement de dents d’Étienne Gosselin: vos raisins sont-ils québécois?

Publié le

22 septembre 2020

Raisins du Québec: Somerset Trollhaugen Himrod
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Viticulteur et agronome, Étienne Gosselin est copropriétaire de la Ferme 45e parallèle, où il cultive du raisin de table dans les Cantons-de-l’Est. Le dynamique agriculteur, qui fait partie de la trentaine de producteurs québécois de raisins de table, grince des dents face au fait que le quatrième fruit le plus consommé au Québec est issu d’une poignée de variétés sélectionnées pour leur conservation et provient de l’étranger, même en pleine saison du raisin local.  

Texte de Julie Aubé

De nombreux mangeurs se tournent volontiers vers les fraises ou les pommes du Québec, mais vous constatez qu’il reste du travail pour faire connaître le raisin de table local?
Oui, et c’est normal puisque le raisin de table est émergent au Québec. Nous sommes dans une situation qui rappelle celle des premiers vignerons québécois au début des années 1980: ces pionniers et ceux qui les ont rejoint au fil des ans ont fait un travail incroyable pour faire, peu à peu, connaître, puis rayonner le vin du Québec, malgré les préjugés du départ. Aujourd’hui, boire local est entré dans les mœurs, c’est même une fierté!

C’est ce qu’on souhaite pour le raisin de table québécois. Les pionniers qui en cultivent depuis une douzaine d’années, comme Jean-François Chaussé au Vignoble du Vent Maudit, Marielle Béland au vignoble Bel-Chas et Claude Gélineau, enseignant à l’ITA de La Pocatière ayant une ferme expérimentale à Saint-Pacôme, ont ouvert la voie. Notre industrie a encore ses preuves à faire, mais nous sommes en train de montrer qu’il y a une rentabilité, et de nouveaux producteurs gonflent nos rangs chaque année. Le raisin de table du Québec est là, ce sont les consommateurs qui ne sont pas encore tout à fait au rendez-vous.

Que faudrait-il pour qu’il y ait rencontre entre le raisin de table du Québec et les mangeurs?
Y goûter! Environ 98% du raisin de table consommé au Québec est issu de variétés sélectionnées pour être productives et croquantes longtemps comme le Thompson ou le Flame (si communes que la variété n’est souvent même pas identifiée sur l’emballage) provenant des États-Unis ou d’encore plus loin. C’est essentiellement de l’eau sucrée relativement sans saveur, en tout cas comparativement à nos variétés locales! Notre vingtaine de raisins rustiques rouges (ex.: Somerset), bleus (ex.: Trollhaugen) ou verts (ex.: Brianna) sont plus fragiles et c’est certes tout un travail de trier et de dorloter les grappes, mais ils proposent un univers de parfums incroyable à découvrir! C’est un peu comme les tomates patrimoniales qui révèlent un éventail de formes, de couleurs et de goûts fabuleux, comparativement à la poignée de variétés offertes dans les grandes surfaces, sélectionnées essentiellement pour leur conservation. Ça me fait grincer des dents cette standardisation du goût, cette «McDonalisation» des saveurs due aux standards de l’industrie destinés à produire pour la masse. Il me semble qu’il faudrait plutôt s’ouvrir aux saveurs locales, puis les développer et les sauvegarder en les consommant.

Si on a des fraises de juin à octobre, et que les pommes locales sont disponibles tout l’hiver, la courte saison du raisin du Québec pose-t-elle un défi pour son adoption?
Le raisin est plus nordique qu’on croit: considérant qu’il est cultivé du sud de la province (Cantons-de-l’Est, Outaouais) jusqu’à beaucoup plus au nord (Lac-Saint-Jean, Bas-Saint-Laurent), la saison des récoltes s’étend de la mi-août au sud jusqu’à la fin octobre plus au nord. Des recherches sont en cours pour améliorer les méthodes de mise en réfrigération afin de pouvoir offrir du raisin québécois tout l’hiver, comme pour les pommes. Ça viendra!

En attendant, il est facile de congeler le raisin à la maison, d’en faire des conserves ou de le déshydrater pour avoir ses propres raisins secs locaux. Contrairement à certains fruits émergeants comme l’argousier ou le sureau qu’il faut faire découvrir, le raisin est déjà connu et aimé des Québécois qui en consomment annuellement en moyenne 4 kg par personne. Il ne reste qu’à faire pencher le choix pour notre raisin nordique, aromatique… et magique! La récolte 2020 est exceptionnelle et en cette période où l’achat local résonne de plus en plus fort, aujourd’hui est un bon jour pour se laisser charmer!


Découvrez-en plus sur les raisins du Québec sur la page Facebook créée par les producteurs.

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