Jocelyn Després 1981-2024: L’hospitalité avec un extra bonheur
Publié le
12 novembre 2024
Texte de
Vincent Fortier
Photos de
Audrey-Eve Beauchamp
Au cours des dernières années, Jocelyn m’a servi, comme des milliers d’autres, au Pastel Rita, au Paquebot, au Réservoir, au Denise et au Mousso, dans différents coins de Montréal.
Ce ne sont pas les plats délicieux, les vins triés sur le volet ou les chais réconfortants qui faisaient en sorte que je retournais dans les établissements où il travaillait. J’y allais d’abord pour Jocelyn.
Dès que je poussais la porte et qu’il me reconnaissait, son visage s’illuminait d’un sourire sincère. Après le câlin et le bec coutumiers – tout le monde n’y avait pas droit, quand même, mais plusieurs pouvaient en profiter –, le reste était assez simple: passer du bon temps.
Au moment où je remballais mes affaires et payais mon dû, je me sentais plus léger. Mon ami m’avait accueilli et avait réussi à me faire sentir spécial; c’était sa vocation: nous permettre de rentrer à la maison plus heureux.
Au fil des nombreux allers-retours et verres d’eau versés, nous mettions à jour les informations sur nos vies respectives, parlions de nos petits cœurs et commentions la musique, non sans faire retentir plusieurs fois le rire si caractéristique de Jocelyn.
Jocelyn, on se le partageait sans jalousie, car il partageait avec nous sa joie de vivre.
La dernière fois que je l’ai vu, moins de 100 heures avant son départ, il m’avait réservé la banquette rose du Pastel pour que je puisse parler de mon nouveau bouquin avec le journaliste du Devoir (qu’il connaissait aussi, évidemment). Puis je suis allé m’asseoir au bout du comptoir, comme d’habitude, et j’ai commandé un sandwich déjeuner qu’il m’a préparé en m’annonçant ses fiançailles avec son John.
Je repartais souvent du café plus riche de nouvelles connaissances. Jocelyn se faisait un devoir de me présenter les personnes qui venaient travailler ou prendre une bouchée en solo au comptoir sarcelle. Le lundi 28 octobre, c’était Marie-Ève, metteuse en scène, qui était à mes côtés pour jouir d’une petite pause et d’une causerie.
Je ne suis pas étonné de voir la vague de témoignages qui a déferlé depuis l’annonce de la mort de Jocelyn et toutes les fleurs qui ont été lancées comme en réaction à ce qu’il avait lui-même semé. Les personnes qui prennent soin de nous, de la façon la plus vraie qui soit, nous marquent, d’autant plus quand elles le font au quotidien. Ce «prendre soin», ce care, Jocelyn l’avait tatoué sur le cœur et le tenait de cet héritage légué par les serveuses qui nous appellent «chéri·e» à trois heures du matin, par les chanteuses authentiques qu’il admirait tant, par la communauté LGBTQ+ qu’il souhaitait toujours mettre en lumière.
Il fallait que les gens devant lui aillent bien. Et quand ce n’était pas le cas, il leur offrait sa présence, son service et son oreille. Il fallait que le monde aille mieux.
Personne ne devrait porter sur ses épaules une telle mission. Ce n’est pas dans la description de tâches.
Le départ du plus lumineux d’entre eux nous rappelle à quel point le boulanger de quartier qui prend des nouvelles du petit, la barmaid du coin qui verse du vin au-delà de la petite ligne, le barista du matin qui sait exactement ce que vous allez commander, la serveuse du diner qui apporte le ketchup en même temps que les frites, le fromager qui dit «vous m’en donnerez des nouvelles!» et la proprio du comptoir de sushis qui offre toujours un petit cadeau en surplus sèment du bonheur et fournissent un précieux service essentiel.
Merci de nous avoir accueilli·es, Jocelyn. Cheers!