Jardinage: ce que les scarabées m’ont enseigné - Caribou

Jardinage: ce que les scarabées m’ont enseigné

Publié le

23 mai 2025

Texte de

Véronique Leduc

Cette année, ma posture de jardinière urbaine a changé et je constate avec étonnement ce que les escargots, les scarabées, les marmottes, les écureuils et les champignons destructeurs m’ont légué.
Cette année, ma posture de jardinière urbaine a changé et je constate avec étonnement ce que les escargots, les scarabées, les marmottes, les écureuils et les champignons destructeurs m’ont légué.
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Quel drôle de printemps! Il neigeait encore il y a deux semaines, nous avons connu ensuite, sans préavis, trois jours de quasi-canicule et depuis, nous revoilà plongés dans des températures automnales qui donnent envie de ressortir les foulards rangés quelques jours plus tôt. Comme la plupart des Québécois, mon plan pour le long week-end de mai que j’imaginais ensoleillé était de planter, mais la pluie et le froid m’ont rebutée. Je dois dire aussi que j’ai eu peur quand j’ai lu des commentaires de gens sur les réseaux sociaux qui parlaient de gels possibles pendant la nuit et qui conseillaient d’attendre encore un peu.

Voilà qui m’a laissé du temps pour faire le ménage dans mes semences (ancestrales ou patrimoniales le plus possible), pour dessiner un plan de jardin et pour faire ce constat qui parait futile, mais qui ne l’est pas: je suis prête, pour la première fois cette année, à me tromper et à voguer sur les aléas jardiniers que me réserve la saison 2025.

Parce que oui, il y en aura! J’en ai désormais la certitude.

Les défis des jardiniers

Cela fait 20 ans que je fais pousser des plants de tomates, des fines herbes et des piments forts – sur mes balcons dans la vingtaine, sur une plus grande terrasse dans ma trentaine et dans ma petite cour montréalaise désormais – et il n’y a pas une année où mes récoltes ont été 100% épargnées.

C’était la sécheresse trop vite arrivée dès que je m’absentais et les écureuils qui se servaient sans gêne quand mes plants étaient en pots, et depuis trois ans, maintenant que j’ai un petit potager digne de ce nom dans la cour, j’ai rencontré de nouveaux ennemis. L’an un, j’ai dû faire la guerre aux nombreux escargots qui grignotaient les feuilles de mes plants. L’an deux, j’ai presque pleuré quand, au retour d’un long week-end de septembre, j’ai dû jeter une centaine de tomates mûres dont les plants avaient été attaqués par le mildiou après que je les aie chouchoutés tout l’été. L’an dernier, j’ai tout essayé pour éloigner une marmotte qui m’a empêchée de goûter mes salades, et j’ai enlevé un à un, pendant des semaines, les scarabées japonais qui trouaient les feuilles de mes plantations.

Le déclic s’est fait à ce moment quand entre deux sessions de rumination et d’élimination de scarabées, j’ai compris que je devais arrêter d’attendre après la saison de jardinage parfaite et que, malgré toutes les précautions prises, il y aurait toujours quelque chose. Parce que c’est la nature après tout et que je n’y peux rien.

Comme un heureux hasard, ma nouvelle réalisation a été renforcée par la lecture du très bon livre de notre collaboratrice Julie Aubé, Cœur de fermière, dans lequel elle raconte ses aventures de néo-agricultrice. Il y a un passage où, découragée de ses efforts qui ne sont pas systématiquement récompensés, elle constate qu’il y aura toujours une fraction de ses récoltes qui sera perdue et que c’est le travail de l’agricultrice de l’accepter. Venant d’une néo-fermière qui fait toujours bien les choses, cela m’a interpelée. Et si les essais et les échecs autant que les succès faisaient partie du jeu?

Voilà qui allait achever de modifier ma vision des choses. Je travaillerais désormais à apprécier les fruits, légumes et fines herbes récoltés plutôt qu’à regretter ceux qui ne se retrouveront pas l’assiette.

**

Je ne suis pas la personne la plus organisée en ville, mais j’essaie de m’améliorer et je regarde aujourd’hui avec fierté les notes prises l’automne dernier sur un bout de papier glissé dans des magazines de jardinage: «planter encore moins de plants de tomates», «mettre les fines herbes plus loin devant les tomates pour ne pas les cacher du soleil», «déplacer les laitues pour ne pas tenter la marmotte qui habite sous le cabanon du voisin»…

J’ai fait des erreurs l’an dernier, comme à chaque année, mais j’aime aussi penser que j’ai appris des choses qui, accumulées au fil des ans, font peu à peu de moi une jardinière plus expérimentée. Le basilic sacré est désormais un classique parce qu’il sent bon et qu’il se boit en délicieuse tisane qui fait ensuite tout l’hiver penser au jardin. J’ai découvert aussi l’an dernier le goût anisé de l’estragon séché et les vertus qu’on prête à l’origan, nouveaux coups de cœur d’herbes à faire sécher pour les breuvages chauds de la saison froide.

jardinage

Je ne manquerai pas non plus de planter maintenant de l’ail à chaque automne pour en savourer les délicates fleurs d’ail qui tournent au vent au printemps, et pour récolter l’automne venu les gousses qui se sont multipliées et transformées en têtes d’ail. Je réserve aussi désormais une petite parcelle aux tests et tant pis pour les échecs dans ce coin prévu pour s’amuser. J’y replanterai peut-être des semences du melon d’Oka trouvées chez Le nutritionniste urbain, mais je devrai penser à le cueillir plus tard peut-être afin qu’il soit plus goûteux, et je retenterai sûrement le pâtisson découvert l’an dernier chez Les Jardins de l’écoumène. J’avais récolté seulement deux ou trois petites courges jaunes, mais la plante était magnifique et impressionnante. Qui sait, peut-être que les conditions la rendront plus généreuse cette année? Je me promets aussi de planter pour la première fois cette année du melon vert grimpant, de la betterave jaune et des radis d’hiver, de nouvelles semences biologiques achetées chez La société des plantes.

Voilà ce que j’ai décidé de faire cet été: voir le jardin et le potager comme un terrain de jeu plutôt que comme un espace où il faut réussir. Il y a déjà assez de ces zones dans la vie.

Je dis souvent que si je n’étais pas journaliste, je serais jardinière. Pas parce que j’ai le pouce particulièrement vert, mais plutôt pour le plaisir que procure le fait de jouer dans la terre. Et quand on s’arrête pour y penser: c’est magique que de minuscules graines se transforment en délicieuses récoltes!

Il m’aura fallu 20 ans pour arrêter de me battre et d’être fâchée contre moi, contre la météo, contre les insectes, les rongeurs et les maladies qui peuvent affecter mon jardin. J’ai enfin compris et accepté que le jardinage, comme la vie, comme la météo de ce printemps, c’est aussi d’accepter de faire deux pas en avant pour possiblement reculer d’un pas. Et que c’est parfait ainsi. C’est aussi ce que je veux montrer à ma fille de quatre ans qui prend de plus en plus plaisir à jouer dans la terre et à m’assister au jardin: à avoir du plaisir à se mettre les mains dans la terre. Juste ça. C’est déjà beaucoup. Tant mieux pour les récoltes qui suivront. Tant pis pour celles qui feront le régal des petites bêtes gourmandes. N’est-ce pas là un beau legs venu des scarabées et des escargots?

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