Cuisiner les baies nordiques
Publié le
03 février 2024
Texte de
Julie Francoeur
Marie-Philippe Mercier Lambert aime les saveurs nordiques. Avec son conjoint, Kevin Lavoie, elle commercialise depuis 2021 toutes sortes de produits, dont des baies congelées, sous la marque Racines boréales. Certaines ont le statut de plante indigène, d’autres, de culture en émergence. C’est le cas de la camerise et de l’argousier, deux variétés plus récemment introduites d’Europe et d’Asie au bénéfice des mangeurs d’ici.
«La camerise, c’est le parfait équilibre sucré acidulé. C’est une baie très juteuse, dont on peut tirer un jus qu’on utilise dans les smoothies ou les sauces pour accompagner le gibier. Son goût rappelle un mélange de bleuets-framboises.» Quant à l’argousier, il surprend par son acidité tranchante, à peu près comparable à celle du citron. La baie jaune ou orangée peut donc rehausser les saveurs des cocktails, des vinaigrettes ou des chutneys. Son parfum ensoleillé, quasi tropical, nous fait voyager loin des grands froids québécois.
Parmi les petits fruits indigènes, l’aronia et l’airelle évoquent pour leur part la canneberge. On les trouve abondamment dans la nature, mais les variétés sélectionnées par Racines boréales, Marie-Philippe et Kevin les ont dénichées auprès d’entreprises pionnières: Aronia Superfruits, à Princeville, et Les Airelles des Frères, à Lac-Etchemin. Deux producteurs qui se sont donné pour mission de faire connaître les aliments du terroir nordique.
«L’aronia, c’est un fruit magnifique, extrêmement tonique, qui révèle sa complexité une fois cuisiné, dit Marie-Philippe Mercier Lambert. L’airelle va être un peu moins astringente que la canneberge et plus sucrée aussi. Elle la remplace bien, notamment pour faire des gelées.»
Contrairement aux autres baies, l’amélanche est recueillie à l’état sauvage. Appelée «petite poire» en raison de ses notes délicates et fruitées, elle se prête bien à la confiserie maison. «Mais il faut la trouver avant les oiseaux, qui en sont friands!»
Des ingrédients polyvalents
Sur son site Web, le couple propose différentes façons de les apprêter. Pour l’instant, la clientèle est principalement composée de restaurateurs qui en font de petites merveilles, et de transformateurs qui les ajoutent à leurs bières et spiritueux. Mais leur popularité grandissante auprès des consommateurs est évidente.
«Il y a de plus en plus de gens qui cherchent des produits qu’ils ont vus dans une recette. Quand on voit passer des recettes de Ricardo avec des aliments nordiques et locaux, c’est signe que les Québécois les adoptent, constate la cofondatrice de Racines boréales. Ce que je remarque, c’est que ceux qui connaissaient déjà ces produits sont très contents de disposer d’un endroit où se les procurer. On peut acheter une lime à chaque coin de rue, mais trouver des baies d’argousier, par exemple, c’est vraiment difficile.»
La jeune directrice du marketing rêve du jour où l’on aura apprivoisé les fruits qui poussent sur notre territoire. À ceux qui voudraient les intégrer à leur alimentation, elle suggère de ne pas se laisser intimider par l’inconnu qu’ils représentent. «Il y a une belle diversité de saveurs et de textures dans ces baies-là qui les rendent très polyvalentes pour la cuisine. On peut les décongeler et les ajouter un peu partout où l’on mettrait des petits fruits: dans les confitures, les gelées, les desserts, en mixologie. Tout est possible!» dit-elle. Rien de mieux, donc, pour briser la routine de l’hiver et varier sa consommation de fruits locaux.
Pour les plus aventureux
Découvrir les baies nordiques peut être l’occasion de renouer nos liens avec la culture des Premières Nations. C’est ce que nous propose Elisabeth Cardin, ex-propriétaire du restaurant Manitoba, à Montréal. «Les Autochtones associaient les fruits avec les plats salés, plutôt qu’avec les desserts. C’est quelque chose qu’on a beaucoup expérimenté», dit-elle.
Comme la période de frai coïncide avec la saison de plusieurs baies, on peut exploiter la combinaison des poissons et des petits fruits pour créer un mets hyperlocal. Le suvalik, par exemple, est une émulsion d’œufs, de poisson, d’huile et de baies fraîches. Sur le même principe, le Manitoba servait le filet d’omble chevalier avec des betteraves jaunes, et l’accompagnait d’œufs mélangés à des amélanches.
Une fois séchés, les petits fruits, comme l’aronia ou l’amélanche, peuvent aussi entrer dans la composition du pemmican, du cri pimikan, ou «graisse préparée». «Le pemmican, c’est l’ancêtre des boules d’énergie! Les chasseurs de gros gibiers partaient avec cette préparation de viande séchée ou fumée, de graisse animale et de baies déshydratées.»
Des lieux où s’en procurer
- Dans la boutique en ligne de Racines boréales
- Dans la boutique en ligne de Gourmet sauvage
- Aux Fermes Lufa
- Chez IGA, Provigo et Metro, sous la marque Bleu & Bon (camerises, fraises et bleuets sauvages uniquement)
- Directement à la ferme, en autocueillette, afin de faire des provisions pour l’année