Grincement de dents des Enracinés: motoneigistes, merci de respecter nos cultures!
Publié le
04 février 2021
Mélanie Coulombe et Benoît Bleau ont fondé la fermette et jardinerie Les Enracinés en 2020 à Saint-Gabriel-de-Brandon dans Lanaudière. En cette période de démarrage, ils ont planté notamment de jeunes framboisiers qui sont passés à deux doigts de se faire abîmer par des motoneigistes qui sont sortis du droit de passage que le couple d’agriculteurs leur accorde en bordure du champ. Cette fois-ci, Mélanie les a vus à temps et a pu courir vers eux pour les empêcher de faire des dommages irréversibles aux cultures. Mais Les Enracinés grincent des dents en pensant qu’ils ne pourront peut-être pas toujours réagir à temps.
Texte de Julie Aubé
Quels sont les conséquences du passage de motoneiges pour les cultures?
Ils sont nombreux et variables selon les végétaux, pires en début et en fin de saison, lorsque le passage est répété ainsi que pour les vivaces ou autres cultures qui passent l’hiver sous un couvert de neige isolant. Par exemple, si les motoneigistes étaient passés sur le quart d’hectare que nous avons implanté en ail, ça aurait été foutu: on aurait perdu le pouvoir isolant de la neige et les gousses auraient pu geler et mourir. Sans parler de la compaction du sol et des clôtures brisées par les motoneiges qui passent dessus et qu’il faut réparer. Nos jeunes framboisiers plantés à l’automne ont l’air d’une brindille, mais ils sont là! Nous investissons beaucoup de temps et de ressources pour implanter nos cultures: c’est ni plus ni moins que la destruction de notre gagne-pain si un motoneigiste décide qu’il sort d’un sentier balisé. C’est grave! On travaille tellement fort pour nos fermes, c’est stressant et enrageant de voir nos champs être ou risquer d’être saccagés à tout moment.
Ce n’est donc pas la motoneige en soi qui vous irrite, mais le non-respect des sentiers?
Absolument. Notre irritation n’est pas envers la motoneige, mais bien dirigée vers les pratiques irrespectueuses. Nous aimons d’ailleurs nous-mêmes en faire à l’occasion, et souhaitons que ça puisse continuer grâce aux droits de passage, qui mis bout à bout, créent les pistes. Plusieurs personnes semblent penser qu’une terre à la campagne appartient à tout le monde, mais c’est faux: ce sont des terrains privés. Les motoneigistes doivent comprendre que les droits de passage qui leur sont accordés ne sont pas un «dû» et qu’à force de se faire endommager des cultures, des agriculteurs furieux peuvent les retirer. Tout le monde serait perdant: l’agriculteur qui doit vivre avec les dommages subis et les motoneigistes en perdant des pistes devenues décousues. Ce que nous souhaitons pourrait difficilement être plus simple: le respect des sentiers balisés!
Si les sentiers sont déjà balisés, que peut-il être fait de plus pour favoriser ce respect élémentaire?
Nous pensons que la grande majorité des gens sont de bonne foi. Mais qu’il y a parfois de l’inconscience derrière les excursions de motoneigistes dans les champs. Nous concevons que pour une personne qui ne connaît pas beaucoup l’agriculture, ça peut être difficile d’imaginer tout ce qui se cache sous une vaste et attirante surface enneigée. C’est pourquoi nous pensons qu’il urge de sensibiliser non seulement au respect de la propriété privée, mais aussi à l’impact négatif sur les cultures et le gagne-pain des agriculteurs. Car même s’ils sont causés sans mauvaises intentions, les dommages sont réels. Quel que soit son métier, personne n’aimerait voir des mois - ou des années! - de travail partir en fumée en une fraction de seconde. Nous pensons que tout le monde peut comprendre ça, s’il est informé. C’est pour cela que nous avons accepté ce micro tendu: plus on entend parler des enjeux agricoles, moins on entendra de «on ne le savait pas», et plus on aura de chances de voir un changement. On a espoir qu’en abordant le sujet sur le ton de l’échange, animés par une sincère volonté de cohabitation harmonieuse, on puisse peut-être même créer une certaine forme de solidarité: des motoneigistes reconnaissants des droits de passages accordés, qui les respectent avec sensibilité, et qui sait, qui reviennent nous voir en juillet, fiers de goûter nos framboises!