«Les arbres qu’on plante aujourd’hui, on les envisage sur une échelle de dix ans. C’est difficile de prédire ce que les consommateurs vont vouloir dans dix ans, et de penser aux changements climatiques aussi.»
Car si les conditions de culture se transforment à grande vitesse, les préférences des croqueurs de pommes évoluent aussi. «Le palais des consommateurs change: on s’en va vers des pommes plus sucrées, plus croquantes, plutôt que les plus surettes comme les McIntosh, qui plaisaient davantage aux générations précédentes.»
Un travail de longue haleine
Alexandre Simard est aussi copropriétaire, avec sa conjointe Maude Richard, du Domaine du Petit St-Joseph, à St-Joseph-du-Lac. L’entreprise familiale propose, en plus des pommes, du cidre et des produits transformés. Pour diversifier leur production, ils plantent depuis quelques années des pommes locales développées par le collectif La Pomme de demain, comme la Belle d’août, la Lapoune ou la Passionata. Le regroupement, fondé en 1986, propose à sa soixantaine de membres – pomiculteurs, producteurs de cidres et chercheurs – des variétés adaptées au climat et aux exigences du marché québécois. Il cultive sur ses parcelles expérimentales des milliers de jeunes arbres pour sélectionner ceux aux caractéristiques les plus prometteuses.
Le développement de nouveaux cultivars est un processus qui demande patience et minutie. Chacun des cinq pépins d’une pomme engendre un arbre différent du parent: pommiers nains ou de grande taille, résistants ou non à certaines maladies, portant des fruits de différentes tailles et couleurs, à la chair sucrée ou pâteuse – un peu comme les enfants de mêmes parents portent à la fois des caractéristiques communes et uniques. Ce n’est qu’une fois les nouvelles variétés isolées qu’on peut procéder par greffage: pour assurer une reproduction exacte du pommier d’origine, on insère un bourgeon – le greffon – aux caractéristiques désirées dans l’entaille d’un autre pommier, le porte-greffe.
Ainsi, pour découvrir la Rosinette, une des deux pommes brevetées par La Pomme de demain, il a fallu cultiver plus de 1200 jeunes plants à partir de graines. Dans les meilleurs cas, explique Alexandre Simard, «ça prend cinq ans pour avoir des fruits, et un autre quatre ou cinq ans pour avoir une certaine stabilité dans le goût et atteindre la pleine production. Parfois, une pomme est très bonne la première année, puis elle devient ordinaire. Alors on l’arrache et on recommence. Chaque automne, il y a quelqu’un qui goûte beaucoup, beaucoup de pommes!»
De quoi remettre en perspective votre prochaine bouchée de Lobo ou Spartan.