Le fleuve Saint-Laurent raconté par Hélène Raymond - Caribou

Le fleuve Saint-Laurent raconté par Hélène Raymond

Publié le

03 avril 2024

Texte de

Audrey Lavoie

Ça fait une bonne dizaine d’années que l’idée a germé dans la tête de la journaliste et autrice Hélène Raymond. Cette idée qu’il fallait rendre ses lettres de noblesse au fleuve Saint-Laurent et à toutes les espèces qui y vivent. En résulte un livre, quasi encyclopédique, qui dresse le portrait de notre garde-manger marin et des différents acteurs qui gravitent autour de l’industrie de la pêche. Un bel ouvrage qui nous fait réfléchir à notre rapport à ce fleuve qu’on tient peut-être un peu pour acquis.
Fleuve Saint-Laurent
Vue du fleuve au phare de Pointe-des-Monts. Crédit photo: Hélène Raymond
Ça fait une bonne dizaine d’années que l’idée a germé dans la tête de la journaliste et autrice Hélène Raymond. Cette idée qu’il fallait rendre ses lettres de noblesse au fleuve Saint-Laurent et à toutes les espèces qui y vivent. En résulte un livre, quasi encyclopédique, qui dresse le portrait de notre garde-manger marin et des différents acteurs qui gravitent autour de l’industrie de la pêche. Un bel ouvrage qui nous fait réfléchir à notre rapport à ce fleuve qu’on tient peut-être un peu pour acquis.
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— Quel est ton lien avec le fleuve Saint-Laurent? Pourquoi as-tu eu envie de lui consacrer un livre?

Il y a d’abord une idée de faire une suite aux deux premiers livres, dans lesquels je m’intéressais aux saveurs du monde et locales, puis à l’agriculture, aux rapports de proximité entre l’agriculture et le territoire. Je trouvais qu’il manquait quelque chose sur les pêches, sur notre garde-manger marin, un sujet dont on parle peu. C’est probablement comme ça que l’idée d’un ouvrage sur le Saint-Laurent m’est venue.

J’ai un rapport particulier au fleuve. Je suis née à La Pocatière, dans le Bas-Saint-Laurent et j’ai passé mes étés d’enfance et d’adolescence au bord du fleuve à Rivière-Ouelle, en face de cette immensité-là. Je viens aussi d’une famille où les vacances d’été, ça ne se prenait pas pour aller à Toronto ou à Montréal. On allait plutôt du côté des Maritimes, de la Gaspésie, de la Côte-Nord. Ma mère a des origines gaspésiennes. Son père vient de la Gaspésie. Il n’y avait pas de pêcheurs dans ma famille, mais il y avait un intérêt pour eux, pour le fleuve, puis pour les poissons.

Après, c’est clair que c’est mon travail à Radio-Canada qui a continué à faire grandir ce lien. Le fait de pouvoir aller partout sur le territoire, de suivre l’ouverture de la pêche aux crabes de la zone 17, d’avoir été sur les quais à Terre-Neuve après le moratoire [sur la pêche de la morue], ça m’a marquée, ça m’a frappée.

La journaliste Hélène Raymond. | Crédit photo: AmélieShoots
Extrait du livre d'Hélène Raymond, qui dresse notamment le portrait des principales espèces qui peuplent le fleuve.

— Au fil des années, avec ton travail à la radio de Radio-Canada, où tu as notamment animé pendant de nombreuses années D’un soleil à l’autre, une émission quotidienne consacrée à l’agriculture et l’alimentation, j’imagine que tu as été témoin de l’éveil des Québécois pour les produits marins d’ici qui étaient peut-être moins accessibles pour certains ou moins populaires pour d’autres.

Oui, je l’ai constaté et je vois que ce n’est pas terminé. Il y a des ponts qui se construisent grâce à des initiatives comme Fourchette Bleue ou Mange ton Saint-Laurent!, entre autres. Je pense que les gens en sont de plus en plus fiers, de plus en plus conscients de la richesse qu’ils ont au Québec.

Pendant des années, on a tourné le dos au fleuve. On n'a pas appris à aimer le poisson parce que c'était l'aliment du vendredi, des jours maigres, c'était la punition. Mais c'est en train de changer.
Hélène Raymond

— On a souvent l’impression quand on entend parler des produits de Saint-Laurent que c’est compliqué, entre les quotas, les exportations, les prix, les raretés, l’accessibilité… Est-ce que c’est une industrie qui est un peu embourbée dans toutes ces contraintes?

Je ne sais pas si je peux aller jusqu’à dire embourbée, mais je pense que c’est complexe, en effet. Je pense que ce qui est particulier, c’est qu’on a affaire à des espèces sauvages, on est dans un milieu dans lequel les espèces interagissent les unes avec les autres. Devant cette immensité et cette complexité, on a un petit peu de mal à jauger rapidement de l’état des populations. On le constate en ce moment avec le déclin de la crevette nordique. Donc, moi, je crois que l’apport de la science est primordial pour avoir une vision macro de la situation.

Pour le reste, c’est peut-être compliqué, mais l’important, c’est de redonner une voix aux pêcheurs. Je vois beaucoup de parallèles avec ce qui s’est passé dans le secteur du lait et de la naissance des fromages artisans. Les artisans ont bataillé fort pour avoir le lait qu’ils voulaient, de changer la route du camion-citerne pour qu’ils viennent leur porter tel ou tel lait, etc. C’est un peu ce genre de bataille qu’on voit en ce moment dans le milieu de la pêche. Il y a des gens qui ouvrent des brèches. L’entreprise Chasse-Marée est un bel exemple. Ce qui se passe avec les algues, c’en est un autre. Mais ça reste un système qui est extrêmement complexe et qui est mondialisé depuis toujours. Les Français exportent je ne sais quel pourcentage de leurs produits marins. On est dans ce modèle partout, et lui résister, c’est possible, mais ça prend des nerfs et de la patience.

Un des avantages de ce modèle au Québec qui n’est pas souvent soulevé, c’est que les usines de transformation sont implantées dans les régions maritimes. Ça reste un milieu où la première, voire la deuxième transformation, se fait encore en région maritime. On fait de l’exportation de matières premières, mais il y a quand même une activité économique qui se fait dans ces régions, qui est importante pour elles.

Des filets de pêche installés le long du fleuve. | Crédit photo: Adobe Stock. Fleuve Saint-Laurent

— Tu avais déjà beaucoup de connaissances sur le milieu marin du Saint-Laurent avant l’écriture de ce livre. Après 10 ans à être plongée dans ce sujet, qu’as-tu découvert de plus surprenant?

Je te dirais que j’ai découvert une espèce de détermination commune chez pas mal tout le monde: du milieu scientifique, du milieu des pêches, et de la part des principaux acteurs. L’idée qui veut qu’à partir du moment où on tend l’oreille, on tend un micro, on entend des gens drôlement préoccupés, drôlement éveillés, qui veulent qu’on parle d’eux, ça, je pense que ça pourrait être une des choses que je retiens. J’ai également découvert un milieu multiple, avec des captures diverses, avec des façons différentes de pêcher, sur des territoires différents.

J'ai été surprise par l’immensité du territoire de pêche. De Tadoussac à Blanc-Sablon… c’est hallucinant de démesurer ce Québec-là. Qu’autant de gens continuent de pratiquer cette activité-là partout. Ça ne fait pas une grosse densité de pêcheurs au kilomètre carré quand on regarde ça, mais ce sont des gens qui continuent d’animer le fleuve, de vivre autour de lui.
Hélène Raymond

— Dans la préface de ton livre, la cheffe Colombe St-Pierre dit que «nous devons aujourd’hui plus que jamais considérer l’importance du rôle du fleuve Saint-Laurent dans notre […] identité québécoise». Quel est ce rôle-là pour toi?

Un rôle nourricier. Quand on parle d’autonomie alimentaire au Québec, on l’oublie souvent. On fait tout naturellement des liens avec l’agriculture, mais on oublie souvent d’inclure le fleuve là-dedans. On ne sait pas ce qui a survécu de la tradition culinaire dans les régions maritimes, mais ça fait partie de notre histoire culinaire, de notre patrimoine. C’est ça qu’il faut arriver à se réapproprier, parce que le Québec, c’est aussi ça. Le Québec, c’est aussi son fleuve et les ressources qu’il contient.

Questions en rafale

— La plus belle vue sur le fleuve, elle est où selon toi?
J’ai l’impression de rentrer chez moi quand je suis sur l’autoroute 20, en m’en allant vers l’Est. Je passe le viaduc de Saint-Roch-des-Aulnaies et je vois cette étendue immense devant moi. Là, je trouve que la vue est particulière. J’aime aussi la vue du promontoire de la Côte-des-Chats, à Saint-Pacôme, où on voit les méandres de la rivière Ouelle, le fleuve, les villages, c’est absolument fabuleux.

— Ton produit marin, ton poisson, ton fruit de mer préféré?
Le flétan de l’Atlantique. Sa chair est ferme, d’une grande délicatesse. Pourtant, son goût n’est pas plate, pas neutre. C’est un poisson qui se tient bien dans l’assiette. C’est un très, très beau poisson.

— La meilleure façon selon toi de manger le homard?
J’essaie en ce moment de multiplier les façons. J’aime beaucoup les guédilles au homard, quand on arrête sur la route dans les cantines. Mais un party de homards, au printemps, avec des amis, du vin, il n’y a pas grand-chose pour battre ça!

Mais notre défi à propos du homard, c’est de prolonger la consommation sur l’année et d’en manger plus souvent, d’en mettre de côté pour le cuisiner à l’année.

— Le plus bel endroit pour aller pêcher, c’est où, et on y pêche quoi?
Je pêche, mais plus dans les lacs qu’au bord du fleuve. Je serais toutefois curieuse d’aller essayer la pêche au bar rayé dans la Baie-des-Chaleurs cet été.

Se retrouver sur un bout de quai, c’est toujours le fun, parce que ça permet de parler au monde. Je trouve que la pêche sur les lacs, c’est une activité plus solitaire.

 

Portraits du Saint-Laurent – Histoires des pêches et récits maritimes
Éditions Multimondes
Présentement en librairie

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«Mon père avait l’habitude d’avaler quelques centaines de kilomètres dès l’ouverture de la pêche au crabe. Il allait aux nouvelles, rapportait des provisions. Ce grand fleuve, pourvoyeur d’images et de nourriture avait un sens pour lui et il le célébrait de toutes sortes de manières. Il avait sa façon de se l’approprier; à chacun de trouver la sienne.»

— Une chronique écrite en 2017 par Hélène Raymond

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